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L’iftar de Baabda a ouvert la voie à une entente sur les contours de la loi électorale

L’iftar auquel le président Michel Aoun a invité le gotha politique libanais hier a certes eu l’avantage de dissiper dans une certaine mesure les nuages qui s’étaient amoncelés entre Baabda et Aïn el-Tiné, puisqu’il a permis au chef de l’État et au président de la Chambre, Nabih Berry, de procéder, pour la première fois, à un échange direct autour de la loi électorale, mais il a surtout servi à fignoler les principaux éléments sur lesquels la nouvelle loi électorale sera bâtie.
L’éclaircie politique s’est manifestée à la faveur de la signature par Michel Aoun du décret d’ouverture d’une session extraordinaire de la Chambre, du 7 au 20 juin courant, puis des réunions politiques qui se sont tenues en marge des agapes. Les trois pôles du pouvoir, le chef de l’État et les présidents de la Chambre, Nabih Berry, et du Conseil, Saad Hariri, se sont retrouvés au bureau présidentiel pour un débat sur les principes de base qui doivent être retenus dans l’élaboration du nouveau code électoral fondé sur la proportionnelle appliquée à quinze circonscriptions. Cette réunion a été suivie d’un entretien entre le chef de l’État et le leader du PSP, Walid Joumblatt, puis d’une réunion nocturne élargie entre Georges Adwan, député des Forces libanaises – qui avait proposé le retour à la formule des 15 circonscriptions pour la proportionnelle –, le ministre des Affaires étrangères et chef du CPL, Gebran Bassil, ainsi que des députés CPL, Alain Aoun et Ibrahim Kanaan.
Normalement et suivant la procédure retenue, la mouture de la nouvelle loi électorale devrait être à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres. Sur proposition de Nabih Berry, une sous-commission devra, d’ici à mercredi prochain, coucher sur papier les éléments sur lesquels les principales parties politiques sont tombées d’accord, même si certains points font toujours l’objet de divergences, dont principalement ce qu’il a été convenu d’appeler le seuil national d’éligibilité. En d’autres termes, le seuil d’éligibilité n’est pas calculé au niveau des circonscriptions comme cela devrait normalement se faire, mais au niveau de tout le pays. Il a été fixé à 10 %, une proportion voulue notamment par Saad Hariri et le CPL, mais que Nabih Berry notamment conteste, pour la simple raison qu’elle réduit à zéro les chances des indépendants d’accéder à l’Hémicycle, selon des sources qui suivent de près l’évolution des pourparlers autour de la loi électorale. Concrètement, cette proportion est une forme déguisée et sournoise des bulldozers électoraux. À moins que ses partisans n’estiment que le vote préférentiel permet d’établir un équilibre à ce niveau. Celui-ci est prévu sur base du caza, mais en dehors du cadre communautaire, en ce sens qu’un électeur appartenant à une confession déterminée pourra, après avoir voté pour une liste, choisir sur cette même liste un candidat pour lequel il pourra voter sans qu’il n’appartienne nécessairement à sa confession.
Les parties politiques se sont en outre accordées pour ne rien changer à la répartition des sièges parlementaires. Le transfert de trois sièges, souhaité par le CPL et les FL, n’est plus donc de mise.
La sous-commission envisagée doit en outre définir la répartition des circonscriptions et les besoins logistiques pour l’organisation de la consultation populaire sur base de la proportionnelle. Le ministère de l’Intérieur devra à son tour fixer, à la lumière de ses conclusions, le délai dont il aura besoin pour préparer le scrutin. D’aucuns estiment que les élections n’auront pas lieu avant mars prochain, au moment où le président tient à ce qu’elles se déroulent en septembre.
Reste la question de la réunion parlementaire à laquelle Nabih Berry a convoqué le lundi 5 juin. De sources informées, on indique qu’elle tombe d’office du moment qu’une session extraordinaire a été ouverte deux jours plus tard. Le président de la Chambre, poursuit-on, n’aurait pas apprécié le fait que Michel Aoun l’ait fixée deux jours après la date pour laquelle il avait lui-même opté, mais ses proches auraient expliqué l’initiative du chef de l’État par sa volonté de donner au Conseil des ministres et aux forces politiques toute la latitude pour examiner le nouveau projet de loi électorale avant qu’elle ne passe au Parlement. Il reste que M. Berry, indique-t-on de mêmes sources, n’annoncerait le report de cette réunion qu’à la dernière minute, le temps que la nouvelle formule prenne forme.

« Rendre la représentation populaire plus équilibrée »
Dans son discours durant l’iftar, M. Aoun a d’ailleurs affirmé que cela ne prendra que quelques jours et insisté sur une amélioration de la représentation populaire. « Parvenir à une loi électorale dans les jours à venir marquera le début du rétablissement de la confiance, car ceci démontrera la volonté d’améliorer la représentation populaire et de rendre cette dernière plus équilibrée, horizontalement entre les diverses composantes du peuple libanais et verticalement au sein de chaque composant », a-t-il soutenu, après avoir plaidé pour une consolidation de l’unité nationale. « Oui, il existe des désaccords politiques. Oui, il y a des oppositions et des rivalités. Mais notre unité reste notre priorité, notre unité est notre refuge. Afin de renforcer cette unité, plusieurs lacunes dans notre système politique doivent être comblées. Il faut établir un état d’équilibre et l’enrichir en regroupant nos caractéristiques positives plutôt que de le dévaluer avec nos traits négatifs », a dit le président.
« Comme l’affirme la devise de notre gouvernement actuel, l’objectif principal de cette alliance est d’édifier un État fort et de restaurer la confiance », a-t-il poursuivi. « Un État fort est un État qui jouit de la confiance de ses citoyens, et l’État que nous envisageons se doit de tenir ses promesses et de remplir ses obligations », a insisté Michel Aoun.