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Joumblatt craint son « élimination » politique par le biais d’un « saut dans l’inconnu »

Yara ABI AKL

À l’heure où le président de la République, Michel Aoun, semble déterminé à ce que son mandat témoigne du vote d’une nouvelle loi électorale, nombreux sont ceux qui écartent la possibilité qu’une nouvelle formule électorale voie le jour, notamment à la lumière de la farouche opposition du chef du Parti socialiste (PSP), le député Walid Joumblatt, à toute formule électorale axée sur la proportionnelle.

Sur son compte Twitter, le leader druze est monté au créneau à plusieurs reprises pour mettre en garde contre une loi électorale qui « torpillerait la représentation de certaines factions de la société politique libanaise ». M. Joumblatt à même été jusqu’à adresser ce message fort à tous ceux qui soutiennent la proportionnelle : « Une composante essentielle du pays ne peut être écartée par la proportionnelle. »

Si plusieurs observateurs politiques ont lu entre les lignes des tweets joumblattistes des appréhensions communautaires qu’exprime le leader druze, et en dépit du fait qu’une écrasante majorité des formations politiques s’est employée à calmer ces craintes, une délégation du PSP effectuera une tournée auprès du chef de l’État Michel Aoun, du président de la Chambre Nabih Berry et du Premier ministre Saad Hariri. Elle entend s’entretenir aussi avec toutes les formations politiques pour leur expliquer le point de vue de Walid Joumblatt au sujet de la loi électorale, à la veille des législatives prévues en mai prochain.

Des sources bien informées indiquent à ce sujet à L’Orient-Le Jour que ce qui importe à M. Joumblatt reste la continuité de son leadership historique à la Montagne et dans le Chouf. Dans les mêmes milieux, on fait valoir que les tweets du chef du PSP reflètent une crainte quant à l’avenir politique de la composante druze au Liban. « C’est dans ce cadre qu’il conviendrait de placer l’action menée par Walid Joumblatt pour garder en vigueur la loi axée sur le système majoritaire », souligne-t-on de même source avant de faire savoir qu’« à Moukhtara, on estime que les prochaines législatives devraient se tenir une dernière fois conformément à la loi de 1960. Les protagonistes auront ensuite quatre longues années pour voter une nouvelle loi électorale à même de répondre aux aspirations de tout le monde ».

Les sources précitées ne manquent pas d’indiquer que « les données dont dispose le PSP aujourd’hui ne le réconfortent pas, notamment à la lumière d’une sorte d’alliance entre MM. Aoun, Hariri, Geagea et Berry qui rappelle l’alliance quadripartite de 2005 (Hariri-Berry-Hezbollah-Joumblatt) qui a écarté la composante chrétienne de l’équation politique ».

Selon les mêmes sources, « il ne faut pas oublier que M. Joumblatt a laissé entendre que son fils Taymour serait son candidat au prochaines législatives ». « Ainsi, il serait soucieux de lui assurer un accès facile à la Chambre. Cet objectif ne peut être atteint que par le biais de la loi de 1960 actuellement en vigueur », note-t-on.

Si les propos tenus hier par Nabih Berry – selon lesquels le scrutin de mai 2017 se tiendra dans les délais conformément à la loi de 1960 – font dire à certains qu’une nouvelle législation électorale ne sera pas votée prochainement, les proches de Walid Joumbatt vont plus loin : « Tant que l’équation régionale, notamment les rapports irano-saoudiens, est intacte, il n’y aura pas de nouvelle formule électorale au Liban. »

« Un saut dans l’inconnu »

Interrogé par L’OLJ, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Marwan Hamadé, préfère cerner le dossier à sa dimension strictement locale. « Une loi électorale est aujourd’hui en vigueur. Tout changement de ce texte ne serait qu’un saut dans l’inconnu pour conserver l’hégémonie d’une partie qui détient des armes illégales, à travers une législation qui devrait – soi-disant – améliorer la représentativité de certaines composantes du pays », indique M. Hamadé. Selon lui, « la loi de 1960 n’est pas obsolète. Elle a été amandée à Doha en 2008 ». « Je ne vois pas pourquoi il faudrait bouleverser tout un système électoral, de manière à permettre à un parti qui détient un arsenal d’exercer son hégémonie sur les institutions politiques du pays. »

Commentant la thèse selon laquelle l’opposition joumblattiste à la mise sur pied d’une nouvelle loi électorale serait un message fort au régime Aoun, le ministre de l’Éducation tient à assurer que la position de sa formation à cet égard n’est pas dirigée contre le président de la République, ou contre toute autre composante du paysage politique. « Bien au contraire, nous envisageons des alliances ouvertes avec tous ceux qui ont avalisé la nouvelle situation observée dans le pays depuis l’élection d’un nouveau chef de l’État, sachant que nous avons facilité aussi bien la présidentielle que la formation du cabinet de Saad Hariri », note Marwan Hamadé.

« Gare à l’élimination »

Joint par L’OLJ aussi, le ministre d’État pour les Droits de l’homme, Ayman Choucair, semble soucieux de rappeler qu’« il est intolérable de tenter d’éliminer Walid Joumblatt (et par le fait même les druzes) de l’équation politique libanaise ». Selon M. Choucair, « c’est en vertu de cette logique que nous discuterons de la loi électorale avec le reste des partis politiques ».

Si le ministre tient à assurer que sa formation est « optimiste » quant au mandat de Michel Aoun et au cabinet de Saad Hariri, il ne manque pas de faire état d’une sorte d’« atmosphère générale favorable à la loi de 1960 ». « Personne n’est prêt à voter une nouvelle loi électorale, d’autant que le Liban est par-dessus tout le pays de toutes les contradictions, auxquelles devrait répondre toute législation électorale », conclut Ayman Choucair.