Le Conseil des ministres de quatre heures qui s’est tenu hier dans l’après-midi au Grand Sérail a marqué une double avancée dans l’examen du projet de budget pour l’exercice de 2017.
En premier lieu, il a examiné en une séance non-stop 56 articles du projet, relatifs notamment aux mesures fiscales et règlementations administratives, qui doivent être rendues publiques une fois le projet approuvé. Au total, « des 90 articles du projet, 82 ont fini d’être approuvés », a déclaré le ministre Melhem Riachi dans sa lecture du compte-rendu de la réunion.
En second lieu, le gouvernement a pris une décision-clé hier. Celle-ci consiste à dissocier le budget 2017 du dossier du relèvement de la grille des salaires, mais aussi des impôts devant couvrir le coût de cet éventuel relèvement. L’examen de la grille et des rentrées fiscales susceptibles de la couvrir (qui devront faire l’objet d’une même loi) a été renvoyé en commissions parlementaires, dont une première réunion est prévue lundi prochain, sur convocation hier du président de la Chambre. Autrement dit, « le budget serait éventuellement voté indépendamment de la loi sur la grille des salaires et les impôts y relatifs », a précisé le ministre Jean Oghassabian à L’Orient-Le Jour. Cette dissociation devrait donc faciliter le vote du budget, d’autant plus que « plusieurs mesures fiscales » initialement prévues par l’avant-projet de la loi des finances seront désormais examinées avec l’échelle salariale, selon une source ministérielle. Parmi les mesures « transférées » vers la grille, le relèvement d’un point du taux de TVA (à 11 %), qui avait pourtant été considéré comme l’innovation la plus rentable du projet de budget, devant assurer des rentrées d’une valeur de 171 millions de dollars en 2017, selon les estimations du ministère des Finances.
Dans son compte-rendu de la réunion, le ministre Melhem Riachi n’a pas évoqué la nature des mesures fiscales que le Conseil a décidé de lier à la grille, ni les mesures approuvées dans le cadre du budget. « Vous débattrez de toutes ces mesures avec le ministre compétent dès que le projet de budget sera approuvé », a-t-il dit, en réponse à une question.
C’est plutôt le double souci de prouver le sérieux débat autour du budget et de rassurer les citoyens sur les mesures fiscales qui a sous-tendu les commentaires médiatiques des ministres – ou du moins la plupart, parce que le ministre Michel Pharaon par exemple n’a pas manqué d’exprimer « des réserves sur certaines taxes approuvées ».
Il reste que le ministre des Finances Ali Hassan Khalil a dressé un bilan positif de la réunion d’hier. « Ce qui s’est passé aujourd’hui (hier) prouve que l’examen du projet de budget s’oriente sérieusement vers son approbation », a-t-il dit dans un tweet. Pour ce qui est des mesures fiscales prévues, M. Khalil s’est contenté de dire qu’il « n’y aura pas d’impôts qui affectent les pauvres ni qui provoquent des problèmes financiers ou économiques ».
Rappelons à cet égard que le Hezbollah avait contesté toute imposition susceptible de léser les classes défavorisées, tandis que le courant du Futur, lui, avait refusé l’imposition de taxes supplémentaires sur les bénéfices des banques et des sociétés de financement.
Désormais, le Conseil des ministres « espère achever l’examen des articles restants vendredi », a déclaré M. Riachi, en veillant à assurer aux médias que « tout va bien ».
Réforme électorale examinée « au quotidien »
La finalisation du projet de budget nécessiterait encore près de quatre réunions du Conseil, comme l’a affirmé le Premier ministre, Saad Hariri, au sortir du Grand Sérail. En plus de la réunion prévue demain, trois autres réunions doivent se tenir la semaine prochaine « pour approuver le projet de budget au plus vite », a dit M. Hariri.
Le report du Conseil lundi dernier en raison d’un défaut de quorum avait paru trahir une difficulté pour la caste politique hétérogène de s’entendre sur un projet de budget. L’absence de onze ministres, tous bords politiques confondus, avait toutefois été officiellement banalisée. Hier, seuls les ministres Jamal Jarrah et Pierre Raffoul étaient absents du Conseil dont le rendement a manifestement été optimisé.
Comme pour anticiper le vote du nouveau budget, lequel est placé comme préalable à l’examen d’une nouvelle loi électorale, le Premier ministre Saad Hariri s’est focalisé hier sur la réforme électorale en répondant aux journalistes au sortir du Grand Sérail. « L’atmosphère positive que nous vivons aujourd’hui a pour origine la décision politique que nous avons tous pris d’aboutir à des solutions utiles pour le pays, que ce soit au niveau de la loi électorale ou à d’autres niveaux. » C’est fort de cet élan que le chef du gouvernement a mis le cabinet devant le défi d’approuver un projet de réforme électorale. « Je le dis en toute sincérité, en ma qualité de Premier ministre, si une nouvelle loi électorale n’est pas approuvée, ce gouvernement aura échoué », a-t-il déclaré, avant d’insister que « le sujet est plus important que l’on ne peut s’imaginer. Et cet avis est partagé par tous les membres du gouvernement ». En dépit des délais qui courent, la réforme électorale est examinée « au quotidien », a-t-il ajouté. « Plusieurs formules sont actuellement débattues par les parties dans une ambiance positive, y compris avec Walid bey (Joumblatt). Nous voulons une loi électorale et la tenue incessante des législatives », a-t-il ajouté, en insistant sur « le sérieux » du débat « actuellement abouti à 70 % ». Les concertations se limiteraient désormais « à la formule de scrutin mixte ou la formule d’habilitation », a-t-il ajouté, en démentant, en réponse à une question, que « des parties font miroiter un retour à la loi dite orthodoxe ou à l’approbation de la proportionnelle intégrale ».