Alors que, dans la rue, les mouvements de contestation contre les mesures fiscales liées au financement de la grille des salaires se multiplient, des rumeurs contradictoires circulent depuis deux jours sur la nature des taxes adoptées.
Or, au moment de l’interruption du débat, jeudi, pour défaut de quorum, seules 8 de la vingtaine de taxes prévues dans le projet de loi (n° 10415) avaient été adoptées. Elles n’auront force exécutoire qu’après l’adoption éventuelle de l’ensemble du texte et sa publication au Journal officiel.
Fausses listes
De fait, les listes des taxes votées au Parlement ayant circulé ces derniers jours sur les réseaux sociaux donnaient des informations erronées. Certains députés, dont le vice-président de la Chambre Farid Makari (proche du courant du Futur), ont même accusé les Kataëb d’être à l’origine de ces listes, ce qui a été démenti hier par le chef du parti, Samy Gemayel.
L’une des listes les plus partagées sur les réseaux sociaux faisait par exemple état de taxes fictives, comme des taxes de 2 000 livres sur les cartes prépayées de téléphonie mobile, de 500 livres sur le sac de pain, de 7 000 livres sur les factures de téléphonie fixe ou encore de 25 000 livres sur les factures d’eau.
Une autre liste de mesures fiscales présentée comme celle examinée par les députés détaille en réalité les 27 mesures fiscales initialement prévues dans la première mouture de l’avant-projet de budget, telle que déposée par le ministre des Finances le 26 août au Conseil des ministres. Or, lorsque le gouvernement a décidé le 1er mars d’en dissocier la grille des salaires et les mesures fiscales servant à la financer, certaines taxes ont été maintenues dans le projet de budget dont le Conseil des ministres a conclu l’examen hier, sans adoption. Parmi celles-ci, figurent notamment la suppression de l’exonération fiscale dont bénéficient actuellement les sociétés offshore, la taxation du mazout importé (à 4 %), ou celle des pierres concassées et du sable extraits des carrières.
Par conséquent, sur les 8 mesures fiscales adoptées lors des deux séances plénières de mercredi et jeudi, six ont été adoptées à l’identique par rapport au texte soumis aux députés et présenté dans notre édition du mardi 14 mars. C’est le cas du relèvement d’un point du taux de TVA (à 11 %). Une mesure censée générer 171 millions de dollars de recettes supplémentaires, selon le ministère des Finances, mais fortement contestée, car frappant indistinctement l’ensemble des contribuables, indépendamment de leurs revenus.
C’est également le cas de la hausse des droits de timbres fiscaux, qui passent de 3/000 à 4/000 de la valeur du contrat concerné, ainsi que la révision des tarifs de plusieurs documents officiels (extraits d’acte judiciaire, reçus de téléphonie mobile, relevés de compte bancaire…). Par exemple, un extrait d’acte judiciaire serait taxé à 4 000 livres libanaises (LL), un reçu de téléphonie mobile à 2 500 LL et un relevé de compte bancaire à 250 LL.
Concernant le secteur immobilier, une taxe sur les permis de construire, équivalente à 1,5 % de la valeur du bien estimée par les organes de délivrance, a été adoptée.
Autre taxe adoptée dans les mêmes termes, celle de l’augmentation des taxes sur le prix de vente final des boissons alcoolisées importées. Le litre de bière ou de spiritueux – respectivement taxé à hauteur de 60 livres (0,04 dollar) et de 400 livres (0,27 dollar) actuellement –
serait taxé à 25 % ; tandis que celui de vin ou de champagne le serait à 35 % (contre 200 livres actuellement). En revanche, l’adoption de cet article diffère de celui de l’avant-projet de budget, qui prévoyait une hausse de 400 % des différentes taxes forfaitaires, également très contestée. Or une bouteille de champagne de 50 dollars serait désormais taxée à hauteur de 17,5 dollars, contre 0,6 dollar si la hausse initialement envisagée avait été adoptée…
Modifications sur le tabac et le ciment
Concernant le tabac, les députés ont amendé la mesure fiscale de l’ancien projet de budget prévoyant d’augmenter les taxes sur les paquets de cigarettes et les boîtes de cigares, qui devaient passer de 35 % à respectivement 135 % et 43,75 %. Finalement, plusieurs députés ont indiqué à L’Orient-Le Jour avoir remplacé cette hausse par l’adoption d’une taxe forfaitaire de 250 LL sur le prix de vente du paquet de cigarette et de 500 LL sur la boîte de cigares, sans indications sur le format de celle-ci. « Cet article a suscité un grand débat, car les députés du mouvement Amal se sont opposés à la première version de l’article de loi », explique une source parlemenaire. « Nous allons revenir sur cet article pour proposer, plutôt, que chaque cigare soit taxé à hauteur de 500 LL, car les boîtes de cigares varient aussi bien au niveau de leur taille que du prix », indique le député Serge Tersarkissian (courant du Futur).
Une autre taxe a été modifiée, celle qui prévoit l’établissement d’une taxe de 6 000 livres (environ 4 dollars) sur la tonne de ciment produite. « Pour les produits destinés à l’exportation, les entreprises pourront récupérer le montant de cette taxe », explique le député Robert Ghanem.
D’autre part, de nouveaux frais vont s’ajouter à plusieurs types d’action notariée. Ainsi, les contrats de travail seront soumis à une taxe de 100 000 livres quels que soient leur montant et le nombre de signataires ; des copies certifiées conformes seront taxées à 4 000 livres.
Enfin, les députés ont examiné mais rejeté une dernière mesure fiscale, imposant une taxe de 5 000 livres (3,3 dollars) aux Libanais qui sortent du territoire libanais par la voie terrestre. « Les députés du Nord et de la région de la Békaa se sont opposés à cette mesure car de nombreux Libanais vivent dans les zones frontalières avec la Syrie et s’y rendent très fréquemment », ajoute M. Ghanem.
Reste donc au Parlement à discuter plus d’une dizaine de mesures. Pour rappel, celles-ci comportent notamment l’augmentation des taxes forfaitaires sur les billets d’avion au départ du Liban, l’imposition (à 2 %) des contrats de vente de biens immobiliers, la taxation forfaitaire de conteneurs importés ou celle (à 20 %) des prix des loteries.
D’autres mesures, très contestées par les milieux patronaux et bancaires, devraient faire l’objet d’âpres discussions. C’est le cas du relèvement de 2 points de l’impôt sur les bénéfices des sociétés de capitaux et des intérêts bancaires – à respectivement 17 % et 7 % – ou d’un impôt de 15 % sur la plus-value immobilière réalisée par les particuliers.
Le Parlement devrait se réunir mercredi pour continuer l’examen du projet de loi.