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Berry revient sur le devant de la scène

Jeanine JALKH |  

L’heure est à la politique du replâtrage, voire même de la fuite en avant. Après l’échec de la Chambre à voter la grille des salaires, suivi de la contestation dans la rue contre la série de mesures fiscales devant financer cette grille, la classe politique cherche les issues et tente de sauver la face.
Sérieusement égratignée par les critiques lancées par les manifestants, rassemblés notamment à l’initiative des Kataëb, l’image du sexennat présidentiel, qui avait fait de la réforme et de la lutte contre la corruption ses chevaux de bataille, a plus que jamais besoin d’être « reliftée ».
C’est à cette tâche que se sont attelés les différents blocs parlementaires par le biais de réunions multiples et une valse de conférences de presse destinées à « faire la lumière » sur la vérité des taxes.
Après la conférence de presse tenue lundi par le président de la commission des Finances, Ibrahim Kanaan, qui s’est efforcé de remettre les points sur les « i » en rappelant que c’est le gouvernement Mikati (2011 à 2013) qui avait avalisé les mesures fiscales en question, aussitôt suivie par un point de presse du ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, qui a proclamé sa solidarité avec la classe pauvre et dénoncé les « requins de la finance », le bloc berryste a dit son mot hier.
Sous l’égide du président de la Chambre, Nabih Berry, la réunion des membres du bloc s’est conclue en faisant assumer au gouvernement la responsabilité de trouver les ressources nécessaires pour le financement de la grille, celles-ci ne devant en aucun cas consacrer « la continuation de la politique d’appauvrissement des Libanais ». Dans une tentative visant à se mettre au même diapason que la rue, les députés berrystes ont appelé à la mise en place de la commission nationale pour la lutte contre la corruption prévue dans le cadre de la loi sur le droit à l’accès à l’information entrée en vigueur il y a quelques semaines.
La veille, le ministre des Finances avait également appelé à la mise en place d’une commission judiciaire qui serait soutenue par une législation appropriée pour recueillir toutes les plaintes portant sur des abus de pouvoir et des affaires de corruption ou de dilapidation des fonds publics. Des mesures visant à démontrer que la confrontation n’est pas avec le citoyen lambda, mais plutôt avec les « banquiers » et les « propriétaires des biens-fonds maritimes ». Ce sont eux que le bloc de M. Berry a désignés comme étant derrière le torpillage de la session parlementaire du vote de la grille des salaires, jeudi dernier, si l’on en croit les propos du député Anouar el-Khalil, qui a donné lecture du communiqué du bloc.

« Desseins douteux »
Toutefois, le « complot » ne s’arrête pas là : il serait clairement lié à des « desseins douteux » en rapport avec la loi électorale qu’on chercherait également à saboter, poursuit encore le communiqué. Résultat : pour les amis de Nabih Berry, les priorités sont désormais inversées et l’adoption de la loi électorale revient en tête de liste, confie le député Ali Khreiss à L’Orient-Le Jour.
Suivraient ensuite, par ordre chronologique et d’importance, la mise sur pied de la commission nationale pour la lutte contre la corruption, puis la grille des salaires et enfin le vote du budget. Bref, une sorte de nouveau package-deal dont le sort n’est pas encore garanti, mais qui donne le ton des tractations de la semaine à venir.
Une chose semble certaine pour l’heure : la politique fiscale, qui a déjà fait l’objet d’un premier round de discussions au sein d’une commission ad hoc regroupant les représentants des blocs, sera révisée à la lumière des derniers remous. Les discussions devront être relancées incessamment, dès le retour du ministre des Finances du Caire et du chef du CPL, Gebran Bassil, de Washington. Entre-temps, les prix des biens de consommation dans certaines grandes surfaces et épiceries ont flambé, avant même le vote des taxes. L’anticipation du marché a poussé le ministre de l’Économie et du Commerce, Raëd Khoury, à se rendre sur le terrain, pour constater par lui-même ce que les rapports lui avaient signalé. Il a promis de sanctionner lourdement tous ceux qui seraient tentés par l’appât du gain.
En attendant que se décante la crise des hausses d’impôts et de taxes, les discussions sur la loi électorale semblent avoir fait du chemin, si l’on en croit les milieux de Aïn el-Tiné. C’est la formule mixte qui a de nouveau le vent en poupe, assure-t-on dans ces milieux. Une proposition que le Hezbollah pourrait bien ne pas rejeter, « tant qu’une dose de proportionnelle y est injectée », assure une source du parti. Du Caire où il venait d’arriver, le Premier ministre Saad Hariri a assuré dans un entretien au quotidien al-Ahram qu’il n’est pas question d’une troisième prorogation du mandat des parlementaires, mais d’un simple report technique, s’alignant ainsi sur la position martelée par le chef de l’État. La nouvelle loi électorale sera indiscutablement « consensuelle », a-t-il dit, histoire de véhiculer, à l’intérieur comme à l’extérieur, l’image d’un mandat qui reste, en dépit de tout, fédéré.