Un « accord » a été conclu hier au sein du Courant patriotique libre en vue des élections internes du parti, initialement prévues le 20 septembre prochain, scrutin au terme duquel devrait être élu le successeur de Michel Aoun. Les cadres de la formation ont ainsi adopté collectivement la candidature du ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil. Ce dernier part donc largement favori pour prendre la succession du fondateur du CPL, Michel Aoun.
C’est en quelque sorte le testament politique du général Aoun, sa manière à lui de marquer durablement, comme il semble l’espérer, le courant politique qu’il a fondé.
De source informée, on affirme que le général a compris que s’il laissait les élections se dérouler d’elles-mêmes, sa formation politique risquait fortement de subir une scission irréversible, du fait de la forte rivalité qui existe entre les courants menés respectivement par M. Bassil et Alain Aoun, député de Baabda et neveu de Michel Aoun. Ce dernier a donc décidé de pousser ses deux principaux poulains à un « compromis », aux termes duquel Alain Aoun s’est vu contraint de retirer sa candidature au profit de Gebran Bassil – une candidature pourtant perçue comme prometteuse par les observateurs. Mais pour Antoine Nasrallah, cadre du CPL, « il n’y avait aucune tension palpable entre les deux hommes, au contraire, ils ont apporté leur soutien à cet accord ».
Hier, une rencontre à Rabieh entre Michel Aoun, Gebran Bassil et Alain Aoun a eu lieu dans la foulée de l’annonce de l’accord, en présence de militants de la formation. « Nous félicitions les candidats en lice pour l’accord obtenu, car il est le fruit du dialogue, a affirmé le général Aoun lors de cette rencontre, dans des propos rapportés par la chaîne de sa formation, la OTV. Il n’y a pas de perdants suite à cet accord. Tout le monde est gagnant car celui-ci émane de la volonté de la majorité écrasante. » Et de conclure : « Le travail du CPL a commencé avec moi, mais il ne se terminera pas avec moi. »
Le communiqué d’Alain Aoun
Contacté par téléphone, le député Alain Aoun a affirmé à L’Orient-Le Jour qu’il préférait « s’abstenir de commenter ». « Je ne veux pas me prononcer maintenant », a-t-il indiqué, ajoutant « avoir déjà publié un communiqué », un texte plutôt vague et nébuleux dans lequel il réaffirme son soutien à Michel Aoun en ces termes : « Lorsque j’ai décidé de me lancer dans l’élection organisée par le CPL, j’avais pour ambition de présenter ma vision pour le parti en vue de le diriger durant la prochaine phase. Je voulais présenter ce qu’il y avait de mieux à mes yeux pour l’avenir de la formation, en me basant sur l’expérience des dix dernières années, et en prenant en considération les défis qui nous attendent. » « Toutefois, ajoute-t-il, les choses ont dévié de leur trajectoire initiale et des objectifs en vue au cours de la campagne électorale. Les conditions nécessaires à la protection du processus électoral démocratique n’étaient pas réunies, mettant en avant des divisions internes à venir qui auraient menacé l’unité du CPL après le scrutin. »
Et de conclure : « Conformément à la volonté du général Aoun et partant de ma confiance en sa personne, prenant également en considération les dangers auxquels fait face le CPL en ce moment, notamment la grande campagne politique menée contre lui, je vous appelle tous à franchir cette étape et à œuvrer, main dans la main, dans l’intérêt du CPL (…). »
Farès Louis
Toutefois, et malgré l’effort de l’équipe de communication du CPL de donner une image de parfaite harmonie au sein du parti, tout n’est pas si lisse. Il suffit pour s’en convaincre d’aller faire un tour sur la page Facebook des « frondeurs » du CPL intitulée « Orange Reform » pour s’en convaincre. Certains internautes ont choisi de rédiger un « faire-part » faisant état du « décès de la démocratie ». D’autres se disent choqués par cette décision prise par Michel Aoun. Au fil des messages postés on découvre aussi qu’un des membres fondateurs du Courant patriotique libre, Farès Louis, annonce sa candidature à la présidence du parti.
Contacté par L’Orient-Le Jour à Paris où il réside, M. Louis, qui n’a pas encore officialisé sa candidature, dit « avoir beaucoup réfléchi ». « Je refuse le principe de la désignation en tant que tel. Je ne peux me résoudre à l’accepter, ne serait-ce qu’au nom de ceux dont le sang a coulé pour défendre les idéaux du parti. »
M. Louis dit « croire encore aux principes qui lui ont été inculqués par le général » et considère que « c’est à partir du moment où l’on refuse le débat démocratique que la dérive vers le système féodal commence ». À la question de savoir s’il avait fait l’objet de pressions afin de ne pas se présenter, M. Louis répond par la négative et ajoute qu’il ne peut « imaginer que le général Aoun puisse exercer une telle pression ».
Interrogé, Antoine Nasrallah affirme que « si aucun candidat ne se présente face à M. Bassil, celui-ci sera effectivement le chef du parti à partir du 27 août, date de cloture des dépôts de candidatures. Dans le cas contraire, les élections auront lieu comme prévu le 20 septembre. À ma connaissance, un membre du parti compte présenter sa candidature dans les jours à venir. Il s’agit de Farès Louis, qui réside à Paris. Il devrait néanmoins se présenter sur une liste avec deux vice-présidents ».
Il convient de souligner par ailleurs que l’accord conclu par les cadres du CPL porte également sur des questions administratives, sur le contenu du règlement intérieur. En ce sens que le chef du parti n’est plus amené à décider seul des affaires de sa formation politique, ni à choisir seul ses députés. Le parti se verra également doté d’un bureau politique en bonne et due forme. Enfin, les listes de cartes de membres devront être revues et corrigées, celles-ci n’étant pas à jour.
Quant au rôle de Michel Aoun au sein du CPL après l’accession du nouveau président du parti, Antoine Nasrallah affirme que « le général aura le rôle de guide, de garant au sein de la formation. Il est toujours le chef du bloc parlementaire du Changement et de la Réforme et sera présent pour trancher tout litige au sein du CPL ».