Le Conseil des ministres tiendra aujourd’hui une séance au palais de Baabda sous la présidence du chef de l’État, Michel Aoun. Il s’agira de la première réunion gouvernementale consacrée à la loi électorale.
Une source politique bien informée croit savoir que le débat en Conseil des ministres devrait principalement porter sur la dernière version de la formule mixte (mêlant les modes de scrutin majoritaire et proportionnel) présentée par le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil. Les ministres devraient discuter aussi de la proportionnelle intégrale soutenue par le Hezbollah, ajoute-t-on de même source.
Dans les mêmes milieux, on ne manque, toutefois, de faire valoir que les protagonistes ne sont pas en mesure de conclure une entente élargie autour de la nouvelle loi électorale. On renvoie donc la balle dans le camp de Michel Aoun, qui devrait trancher le débat autour du nouveau texte une bonne fois pour toutes. Selon la source politique précitée, le chef de l’État pourrait convoquer à des séances gouvernementales ouvertes d’ici à jeudi, dans la mesure où il est déterminé à faire adopter un nouveau code.
Mais, à Baabda, on ne perçoit pas les choses sous cet angle, « d’autant qu’il est intolérable de reprocher à Michel Aoun l’échec de l’adoption d’une nouvelle loi », note une source proche du chef de l’État. Elle fait savoir à L’OLJ que M. Aoun ne présentera pas, « pour le moment », une initiative politique en matière de réforme du système électoral. « Si Michel Aoun et Saad Hariri tiennent à ce qu’un code soit adopté, il reste que la séance gouvernementale de demain (aujourd’hui) vise principalement à tester la volonté des protagonistes au niveau de la mise sur pied d’une nouvelle loi », ajoute la source précitée.
Quant aux formations politiques, elles semblent camper sur leurs positions traditionnelles et les exprimeront en Conseil des ministres.
Les « constantes » des FL
C’est à la faveur de cette logique qu’un responsable des Forces libanaises (dont les ministres se sont réunis hier à Meerab avec Samir Geagea) réitère, pour L’OLJ, l’opposition catégorique de sa formation à tout texte prévoyant la proportionnelle intégrale. « Nous exprimerons en Conseil des ministres les trois constantes qui guident notre approche du dossier de la loi électorale, souligne ce proche de M. Geagea. Non à la proportionnelle intégrale, non à la prorogation de la législature avant de s’entendre sur un nouveau texte et oui à la dernière proposition mixte de Gebran Bassil », souligne le responsable FL. Expliquant la position de sa formation, il souligne que « les FL opposent un veto catégorique à la proportionnelle intégrale parce qu’elle n’assure pas la bonne représentativité des chrétiens et pourrait faire resurgir la démocratie du nombre ». « Nous sommes en faveur du projet Bassil dans la mesure où il assure le dosage de proportionnelle convenable au pays », précise ce cadre FL tout en faisant état de son « optimisme » quant à une prochaine adoption de la réforme électorale.
Même son de cloche chez les aounistes. S’exprimant samedi lors d’une tournée à Saïda, Raëd Khoury, ministre de l’Économie et du Commerce, s’est dit « optimiste » quant au dossier de la loi électorale, dans la mesure où toutes les formations politiques ont l’intention d’adopter un nouveau texte.
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« Non » au vote
Les joumblattistes, eux, se veulent plus pragmatiques. Joint par L’OLJ, le ministre d’État pour les Droits de l’homme, Ayman Choucair, exclut la possibilité d’un prochain dénouement heureux, « au vu de l’attachement des protagonistes à leurs positions traditionnelles ». « Nous ne pourrons pas aboutir à des percées positives, parce que tout le monde fait des calculs de sièges parlementaires », affirme M. Choucair. Il souligne, en outre, l’importance de conclure une entente élargie autour de la loi électorale. « Il est intolérable d’opter pour le vote en Conseil des ministres, d’autant qu’il est question d’une loi “existentielle” », déclare-t-il, notant qu’« en cas d’échec à s’entendre, le texte de 1960 est toujours en vigueur ».
Du côté du courant du Futur, on est soucieux de mettre l’accent sur le caractère « rassembleur » du Premier ministre, Saad Hariri. C’est ainsi que le ministre des Télécoms, Jamal Jarrah, explique à L’OLJ l’éventuel appui haririen à un texte axé sur la proportionnelle intégrale. « Nous sommes en faveur de tout code à même de préserver le vivre-ensemble. Et si la proportionnelle permettrait d’atteindre cet objectif, nous sommes prêts à l’accepter avec des garde-fous, comme l’a déjà dit M. Hariri », lance Jamal Jarrah.
Commentant le veto joumblattiste au vote de la loi électorale, le ministre des Télécoms estime que « le vote refléterait les divisions au niveau du tissu politique libanais, à l’heure où tous les protagonistes devraient s’entendre quand il est question d’un sujet aussi important ».
Nouvelle prorogation jeudi ?
Face à ce paysage complexe, nombreuses sont les interrogations portant sur les prochaines étapes prévues par le président de la Chambre, Nabih Berry.
Si le chef du législatif a exhorté le gouvernement à s’acquitter de ses responsabilités en matière de code électoral, il ne permettrait pas un vide au niveau du pouvoir législatif, que causerait (l’éventuel) échec à adopter un texte, assurait-on hier dans certains milieux politiques.
De sources bien informées, on apprend que M. Berry entend convoquer les députés à une séance jeudi pour voter une nouvelle prorogation de la législature. Dans les mêmes milieux, on fait état de trois scénarios possibles : si le gouvernement parvient à transmettre un projet de loi à la Chambre, la prorogation sera technique et ne dépassera pas les trois mois. En cas d’échec gouvernemental, Nabih Berry pourrait s’entendre avec Michel Aoun sur une prorogation d’un an. Durant ce délai, les protagonistes devraient adopter une nouvelle loi. Et, enfin, M. Berry pourrait présenter une formule de prorogation à même de satisfaire tout le monde pour éviter le vide.