« C’est Boudy… Tiens, il est déjà parti », s’écrit Joseph. Joseph s’occupe de nuit comme de jour des personnes qui choisissent de passer une nuit ou deux au monastère Saint-Antoine Qozhaya, au cœur de la Vallée sainte. Gravé dans le roc, ce monastère abrite trois vieilles chapelles et églises ainsi que le musée de la première imprimerie du Moyen-Orient. C’est ici que le premier livre en langue syriaque a été imprimé au Liban.
Joseph, un jeune homme simple et aimable, vous fournira des détails sur les restaurants, les marches en montagne, avec l’association Lebanon Mountain Trail, et les monastères importants à visiter dans la Vallée sainte.
Depuis quelques mois aussi, Joseph a apprivoisé un renard, qu’il a appelé Boudy. Ce renard, un peu plus grand qu’un chat, vient tous les soirs au monastère. Il passe du temps avec Joseph ou avec les locataires des chambres du foyer du monastère Saint-Antoine Qozhaya.
Depuis quelques années, le monastère loue des chambres à prix abordable et sert un petit déjeuner aux pèlerins désireux de passer une ou plusieurs nuits dans la vallée, ou à toute personne en quête de paix.
Les chambres donnent sur les pans de montagne couverts de conifères. Un lien wi-fi n’est pas disponible et certains endroits ne captent même pas le signal internet des compagnies de téléphonie mobile.
Si vous décidez de passer deux jours dans la Vallée sainte, la Qadisha, qui dérive de l’araméen sacré, de nombreux programmes, peut-être pas très originaux, mais assez intéressants, s’offrent à vous.
Une marche dans la Vallée sainte qui peut varier selon votre force physique – ou votre foi – de deux à six heures s’impose. Les lieux abritent une douzaine de monastères, la plupart sculptés dans le roc et certains nécessitant une bonne forme physique pour y accéder. Quatre cependant sont incontournables : le monastère Mar Lichaa (Saint-Élysée) auquel on accède à partir du village de Bécharré, et qui constitue la première étape de la visite; Notre-Dame de Qannoubine qui a servi à un moment de siège au patriarcat maronite et qui présente diverses fresques dont la plus vieille date du Moyen Âge ; Notre-Dame de Hawka, qui accueille un ermite colombien, Dario Escobar ; et bien sûr le monastère Saint-Antoine Qozhaya.
Si vous aimez la bonne chère et les endroits à la bonne franquette, ne ratez pas le restaurant Istirahet el-Habayeb à Hawka, où l’on sert de la kebbé nayyé de chèvre. Le restaurant est tenu par un homme du village, Dib. Son père est responsable de la distillation de l’arak alors que sa mère et sa femme sont derrière les fourneaux.
Gibran et les Cèdres
Si vous êtes fascinés par la vie des maronites du Moyen Âge qui ont fui les persécutions, vivant dans les grottes pour survivre tout en préservant leur foi et leur liberté de culte, vous pouvez aussi vous rendre au village de Dimane, qui abrite l’actuel siège du patriarcat maronite, ou encore vous rendre, une fois de retour à Beyrouth, au musée national pour découvrir la famille de maronites momifiés, retrouvée dans une grotte il y a quelques années et dont les corps et les choses qui faisaient leur quotidien sont restés intacts au fil des siècles.
Votre marche dans la Vallée sainte est finie. Eh bien il y a d’autres endroits bien classiques à visiter !
Hasroun est peut-être l’un des plus beaux villages qui entourent la Vallée sainte. Construit sur une falaise, il présente de magnifiques bâtiments datant du début du siècle dernier. Marchez dans ses rues étroites et découvrez les vieilles bâtisses.
Mettez le cap sur Bécharré. Passez une demi-heure au musée Gibran Khalil Gibran, qui était un ancien monastère. C’est ici que l’auteur est enterré. Mort à 48 ans à New York d’une cirrhose du foie doublée d’une tuberculose, Gibran, qui avait sombré dans l’alcoolisme en écrivant Le Prophète, avait manifesté le désir d’être enterré au Liban. Le musée abrite notamment des toiles portant la signature du poète, un pan entier de sa bibliothèque new-yorkaise et des copies du Prophète éditées dans toutes les langues, du russe au serbe, en passant par le chinois.
Une visite à la Vallée sainte et au musée Gibran reste tronquée si elle n’est pas couronnée par une halte dans la forêt des Cèdres, qui abrite les plus vieux arbres du Liban et dont certains ont plus de 2 500 ans, selon les experts. La forêt, où les jeunes pousses et les arbres millénaires se côtoient, semble être en très bonne santé. Elle est aussi en train de s’enrichir spontanément de nouveaux arbrisseaux. Fermez les yeux, respirez profondément, remplissez vos poumons d’un air au parfum de la sève capiteuse de ce conifère dont le bois a servi à la construction des bateaux des Phéniciens, du temple de Salamon et aux tombeaux des pharaons.
Pensez à la beauté, la majesté, la dignité et la solidité des cèdres, réfléchissez ensuite à l’esprit mercantile des Phéniciens et méditez sur l’avenir du Liban.