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Chehayeb à « L’OLJ » : Chacun doit participer à la solution qui ne peut être que globale

 

 

Le ministre de l’Agriculture ne fixe pas de délai pour la mise en application de la phase urgente du plan de gestion des déchets, mais assure que la réunion au Biel demain avec les notables du Akkar sera « déterminante ».

La commission d’experts présidée par le ministre de l’Agriculture Akram Chehayeb a poursuivi hier ses réunions avec la société civile, notamment avec des jeunes du mouvement civil et une délégation du parti Tachnag. Interrogé par L’Orient-Le Jour, M. Chehayeb a assuré que « le travail se poursuit dans le calme » pour faire aboutir le plan, sans donner pour autant un délai précis pour le début des travaux, mais a assuré que « la réunion de vendredi (demain) au Biel avec les notables du Akkar sera déterminante ». Il a précisé que la commission a tenu des réunions hier avec des notables du Akkar et du parti Tachnag pour discuter du dépotoir de Srar, qu’on propose de transformer en décharge qui accueillera des déchets d’autres régions, et de la réhabilitation du dépotoir de Bourj Hammoud, dont le plan prévoit à terme d’accueillir aussi des déchets après un remblai.

« La commission technique planche sur l’étude des sites pressentis pour accueillir des décharges, notamment leur nature, leur proximité à des points d’eau, etc. », a précisé M. Chehayeb. Est-il vrai que le site de Masnaa pourrait être abandonné (selon des informations parues dans la presse) ?
Le ministre de l’Agriculture ne précise pas quel site pourrait être retenu, mais assure que « tout endroit qui représenterait un risque de pollution serait abandonné, nous voulons après tout régler un problème, pas en créer un autre ».

Interrogé sur la perspective de rouvrir la décharge de Naamé pour une période de sept jours afin d’y entreposer les ordures amoncelées dans les rues, la réponse du ministre suggère que les négociations avec les habitants de la région sont toujours en cours. « Nous devons tous participer à la solution, qui ne peut être que globale, a-t-il dit. La région de Naamé a beaucoup souffert, il est vrai. Mais si nous pouvons profiter de la phase actuelle de travaux de fermeture et de réhabilitation du site pour régler un problème, je suis sûr que les habitants seront au rendez-vous. » Il a par ailleurs mis en relief « ce débat ouvert avec toutes les organisations de la société civile, qui est une première dans l’histoire de la gestion des déchets au Liban ».

La veille, mardi, une réunion avait été tenue par la commission avec des représentants d’une soixantaine d’ONG écologiques. Raja Noujaim, de la Coalition civile contre le plan gouvernemental de gestion des déchets, qui participait à la réunion, a noté « un résultat positif, dans le sens où tous ceux qui étaient présents ont convenu de la nécessité de régler l’urgence, sous peine de tomber dans un problème qui nous dépassera à tous quand viendra la saison des fortes pluies ».

Le militant parle d’un plan alternatif proposé par sa coalition avec quatre autres acteurs de la société civile, le collectif « Je suis responsable », l’association « Sakker el-dekkaneh », le groupe G et le consultant Rached Sarkis.
Ce plan s’échelonne sur trois étapes, l’une pour régler la crise des ordures accumulées à court terme, la deuxième pour la transition et la troisième pour le long terme. À court terme, il s’agira de transporter en un premier temps quelque 40 000 tonnes de déchets empilés dans la capitale et autres vers une cellule close depuis longtemps de la décharge de Naamé (et non vers une cellule encore en activité, comme il avait été proposé dans le plan), sur un terrain de quelque 70 000 mètres carrés, après un traitement d’odeurs étalé sur deux jours. Par la suite, le tri pourra commencer sur place, manuel dans un premier temps puis à l’aide d’un matériel semi-mécanique. Entre-temps, dans les aires de stockage d’origine (les estimations sont de plus de cent mille tonnes dans les rues), l’espace sera dégagé pour un traitement sur place des quantités restantes.
Après le tri, les matières recyclables pourront être vendues et les matières organiques hachées s’il n’y a pas d’autre alternative. Le plan proposé retient aussi l’option de traiter tous les déchets dans les aires de stockage présentes au cas où il serait impossible de les transporter, après un traitement d’odeurs. Des efforts seraient en cours pour tenter de faire avancer cette option. )

 

« Des modifications au plan après son adoption ? »
Par ailleurs, le plan Chehayeb continue de susciter des déclarations de soutien, comme celle, hier, du mouvement du Renouveau démocratique. Son secrétaire général Antoine Haddad a plaidé pour « une mise en application immédiate du plan Chehayeb, notamment dans sa phase urgente ». Il a recommandé « de concentrer les efforts du mouvement civil vers une réforme de ce plan en vue de le garder sous l’œil vigilant de la population et de la société civile, et d’empêcher une nouvelle infiltration de la corruption et du partage des parts dans ce secteur vital ».

Le plan Chehayeb ne fait cependant toujours pas l’unanimité, comme pour Ali Darwiche, président de Green Line. « Pour moi, il est évident que plutôt qu’une commission d’experts, il s’agit d’une tentative de sortir le gouvernement de la mauvaise passe dans laquelle il s’était mis, dit-il. Un expert ne change pas d’avis à plusieurs reprises, 24 heures à peine après avoir pris ses décisions. Et puis, comment un tel plan a été élaboré en quelques jours seulement ? À titre d’exemple, comment concevoir que la décharge de Naamé ne sera rouverte que pour sept jours? Cette durée ne sera jamais suffisante pour transporter plus de cent mille tonnes de déchets. »

Les réunions avec les écologistes auront au moins permis d’apporter des modifications au plan initial… « J’ai déjà prévenu certains de mes collègues que ces modifications ne serviraient à rien parce que la décision du Conseil des ministres a déjà été adoptée et qu’elle ne sera pas changée », estime-t-il.
Mais on ne peut assurément pas laisser les ordures dans la rue. « Sous prétexte qu’il y a eu échec, je ne peux pas tout faire passer parce qu’il y a urgence », répond-il. Comme solution urgente, il se demande d’ailleurs « pourquoi ne pas stocker ces ordures au Biel (Beyrouth), une terre vide, polluée et remblayée, de plus de 300 000 mètres carrés. Ce serait une solution momentanée avant d’installer des centres de tri. »

Plaidoirie contre le remblai de la mer à Bourj Hammoud ?
Pour sa part, Rima Tarabay, vice-présidente de Bahr Loubnane, soulève un point qu’elle considère comme primordial dans le plan Chehayeb : le projet de réhabilitation du dépotoir de Bourj Hammoud. « Le plan mentionne la réhabilitation de la décharge par un traitement des déchets, mais prévoit un grand remblai pour gagner en surface sur la mer, fait-elle remarquer. Des remblais similaires avaient déjà été entrepris dans des sites de dépotoirs à Beyrouth (Normandy) et à Saïda. Aucun spécialiste de l’environnement ne peut valider ce genre de projet. Tout bétonnage de la mer provoque de l’érosion, anéantit la chaîne alimentaire de la faune maritime qui se trouve dans les eaux marines à proximité de la côte et, par conséquent, provoque un déséquilibre majeur au niveau de l’écosystème. Un tel remblai aura des conséquences catastrophiques et irréversibles pour le littoral et l’écosystème marin. »

Et d’ajouter : « Le plateau continental de la côte libanaise est très étroit, son remblayage et son artificialisation anéantiront la zone où se trouve le phytoplancton (organisme principal à la base de la chaîne alimentaire des animaux marins) qui se multiplie et produit les éléments nutritifs pour les espèces marines. Les modifications de la côte mèneront à l’érosion des deux côtes de la zone remblayée. Le courant transporte les nutriments essentiels pour la survie des espèces marines. Tout changement ou toute modification de ce courant emportera ces éléments nutritifs vers d’autres endroits, ce qui conduira à la disparition, à brève échéance, de la biodiversité marine régionale. »