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Riyad met les Libanais au défi de se prononcer pour ou contre le Hezbollah

 

Yara ABI AKL

Une semaine après la fin de la bataille de « L’Aube des jurds » qui s’est soldée par l’évacuation des jihadistes du groupe État islamique du territoire libanais, en vertu d’un accord tripartite conclu entre le Hezbollah, le régime syrien et l’EI, l’Arabie saoudite a tiré à boulets rouges sur le parti chiite, invitant pratiquement les Libanais à choisir entre le royaume wahhabite et le parti dirigé par Hassan Nasrallah.
Lundi, sur son compte Twitter, Thamer el-Sabhane, ministre d’État saoudien pour les Affaires du Golfe, a écrit : « Les crimes contre l’humanité que commet le parti du diable (le Hezbollah) contre notre nation auront certainement des répercussions au Liban. Les Libanais devraient faire le choix entre le soutenir ou s’opposer à lui. Le sang des Arabes est cher. »
Si le ministre saoudien s’est contenté de s’en prendre au Hezbollah, son collègue Adel el-Jubeir, chef de la diplomatie saoudienne, s’est directement attaqué hier à l’Iran, l’accusant de perturber la stabilité de la région. « La République islamique déstabilise la région au moyen du Hezbollah et des attaques terroristes », a-t-il déclaré, lors d’une conférence de presse dans la capitale britannique, selon des propos rapportés par des médias libanais.
Outre les attaques directes contre le parti chiite, les propos de MM. Joubeir et Sabhane revêtent une importance certaine, dans la mesure où ils interviennent après une longue absence saoudienne de la scène libanaise, et quelques semaines avant la visite du président de la République, Michel Aoun, à Téhéran. À cela s’ajoute aussi le dénouement de la bataille de « L’Aube des jurds » et la (précaire) cohabitation entre le Hezbollah et ses adversaires locaux au sein du gouvernement, dirigé par Saad Hariri, auquel tout le monde reste attaché en dépit de tous les désaccords entre les deux camps.
L’analyste politique Sami Nader explique les fortes prises de position saoudiennes par la volonté du royaume « d’investir dans les zones où il se trouve en confrontation avec L’Iran ». Interrogé par L’Orient-Le Jour, il fait valoir que « l’époque où l’Arabie saoudite tournait le dos au Liban est révolue ». Allusion à la crise diplomatique entre les deux pays à cause du refus du Liban de se conformer à l’unanimité arabe lors du vote, en janvier 2016, par le conseil de la Ligue arabe, d’une résolution condamnant l’Iran.
Commentant la dimension strictement locale de la querelle, M. Nader estime qu’ il s’agit d’une tentative de rendre au rapport de forces son équilibre après l’accord tripartite (Hezbollah-Damas-EI) imposé au Liban par le parti de Hassan Nasrallah.

Messages à Aoun et Bassil
Même son de cloche chez Moustapha Allouche, coordinateur du courant du Futur à Tripoli. « Nous souffrons d’un grave problème que constitue le Hezbollah, dans la mesure où il tente de nous imposer des choix dont nous ne voulons pas », dit-il à L’OLJ, avant de poursuivre : « Le Hezb n’a causé que la mort et la destruction dans les pays où il est allé. » Selon le cadre de la formation haririenne, « le parti de Hassan Nasrallah n’est autre que l’outil de l’Iran pour préserver son influence au niveau régional, à l’heure où il enregistre des échecs dans plusieurs pays arabes ».
Concernant les retombées des déclarations saoudiennes sur la cohésion de l’équipe ministérielle libanaise, Moustapha Allouche reconnaît que Saad Hariri subirait de « grandes pertes » s’il acceptait « l’hégémonie iranienne sur le pays ». Il estime, toutefois, que les déclarations de MM. Sabhane et Joubeir sont adressées au président Michel Aoun, au chef de la diplomatie, Gebran Bassil, et à tous ceux qui gravitent dans l’orbite du parti chiite et qui continuent à le soutenir.
Mais, du côté de Meerab, on se veut beaucoup plus prudent. Un proche du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, se contente ainsi de souligner à L’OLJ que son parti a toujours appelé à « prendre au sérieux » les déclarations des responsables saoudiens. « La marge de manœuvre laissée par le royaume à la République islamique semble se rétrécir », note-t-il.