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Panorama politique de la première année du mandat Aoun

Yara ABI AKL |

 

À la veille de la première commémoration de l’élection du général Michel Aoun à la présidence de la République, le 31 octobre 2016, un état des lieux des relations politiques entre les diverses formations semble nécessaire. D’autant que leurs rapports de force ont subi des transformations significatives durant la première année de ce mandat. À cela, s’ajoute un élément important : la commémoration de l’accession de M. Aoun à la première magistrature intervient à quelques mois des législatives qui devraient se tenir en mai 2018, conformément à la nouvelle loi électorale prévoyant la proportionnelle avec 15 circonscriptions.
Il est vrai que l’accord de Meerab, conclu entre le Courant patriotique libre et les Forces libanaises le 18 janvier 2016, a consacré un très gros pan de la réconciliation interchrétienne tant attendue pour commencer à panser les plaies de la guerre civile. Il est vrai aussi que c’est en vertu de cette entente que le leader des FL a appuyé la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République, afin de mener ce qu’il concevait comme « un chrétien fort » à Baabda. Mais si d’aucuns s’attendaient à une alliance chrétienne forte, il reste que les deux partis divergent sur nombre de points importants. On en veut pour preuve les débats violents entre les ministres FL et leurs collègues aounistes en Conseil des ministres. C’est le cas, bien entendu, pour le plan de production de l’électricité élaboré par le ministre de l’Énergie et de l’Eau, César Abi Khalil (CPL), auquel le parti de Samir Geagea oppose un veto catégorique.
À l’heure où plusieurs composantes gouvernementales ont tenté de réduire la polémique suscitée par ce dossier épineux afin de préserver la stabilité du cabinet, ce sont surtout les nominations diplomatiques jugées monochromes (en faveur du CPL), ainsi que les « tentatives » de normaliser les rapports libanais avec Damas, qui ont provoqué l’ire de Meerab. Le leader des FL a même été jusqu’à déclarer sans détour qu’une démission (des FL) est envisageable « si le gouvernement normalisait les rapports avec le régime syrien, ou si les appels d’offres frauduleux étaient conduits ». Mais à la veille des élections, d’aucuns écartent l’éventualité d’un retrait du gouvernement : Samir Geagea est conscient des conséquences fâcheuses d’un tel choix, aussi bien sur le plan politique que dans les rangs de sa base populaire.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Wehbé Katicha, conseiller politique de M. Geagea, se veut optimiste. Il assure que les deux alliés sont toujours attachés à la réconciliation interchrétienne, dans la mesure où elle représente « un besoin pour les chrétiens du Liban ». Il ne cache pas toutefois que les relations entre les deux formations passent par des moments difficiles. Expliquant ce constat, il fait état de divergences de nature « administrative » liées à la gestion des affaires publiques. Allant plus loin, le conseiller du chef des FL critique les décisions et agissements du chef de la diplomatie, Gebran Bassil, notamment son entretien avec son homologue syrien, Walid Moallem, en septembre dernier. Affirmant que son parti ne sortira pas du cabinet à l’heure actuelle, il déclare : « Nous n’avons pas soutenu Michel Aoun pour qu’il nous mène vers la Syrie et l’Iran, et nous pourrons sortir du cabinet, si cela arrive, et si Gebran Bassil confisquait le rôle de la présidence de la République. »
Parallèlement à la dégradation des rapports entre le CPL (qui appelle à un dialogue objectif entre alliés) et les FL, ces dernières déploient de grands efforts pour ramener à la normale les relations avec les Marada. Effectivement, Samir Geagea a très vite tenu à étouffer la polémique suscitée par les récents propos de son épouse Sethrida concernant les Zghortiotes. À ce sujet, Wehbé Katicha tient à assurer que le rapprochement entre les deux partis n’est nullement destiné à contrer Gebran Bassil, à la veille de la bataille électorale prévue à Batroun, village natal du chef du CPL et fief important des FL.

Le PSP « pas concerné » par la visite de Bassil au Chouf
La première année de la présidence Aoun s’achève sur des rapports tout aussi troublés entre Rabieh et Moukhtara. Et pour cause : le chef du CPL n’a pas manqué d’évoquer « l’importance du retour politique des chrétiens à la Montagne », lors d’une tournée à Aley, il y a deux semaines. Une position radicale interprétée comme « une atteinte flagrante » à la réconciliation druzo-chrétienne de 2001 scellée par le patriarche Nasrallah Sfeir et Walid Joumblatt. Mais en dépit des tentatives d’explications par les aounistes des déclarations de Bassil, les relations entre le CPL et le Parti socialiste progressiste sont loin d’être au beau fixe. La passe d’armes entre le député joumblattiste, Waël Bou Faour, et le ministre de l’Énergie et de l’Eau, César Abi Khalil, hier sur Twitter, en est une preuve flagrante.
À la lumière de cet échange, des sources proches du chef du PSP, Walid Joumblatt, dressent à L’OLJ ce constat fort : « Nous ne prétendons pas au monopole d’une région, mais nous ne sommes pas concernés par la visite de Gebran Bassil au Chouf », prévue en principe demain dimanche.
Au sein du courant du Futur, qui entretient de bonnes relations avec le PSP en dépit de quelques divergences ponctuelles et des problèmes dont souffre le cabinet Hariri, on semble soucieux de préserver le compromis politique élargi qui a permis des « accomplissements » (tels que la loi électorale et le budget), comme le dit Ammar Houri, député de Beyrouth, à L’OLJ.
Enfin, tout comme il a permis au cabinet Hariri de voir le jour, ce même accord politique a entraîné, sur l’échiquier politique, un débat plus démocratique, donc plus sain. Il s’agit naturellement de l’émergence d’une opposition en bonne et due forme, quelles qu’en soient les raisons, incarnée par les Kataëb, qui ont aussi bien voté contre Michel Aoun qu’ils dénoncent sans relâche les agissements « douteux » du gouvernement. Joint par L’OLJ, Salim Sayegh, vice-président des Kataëb, souligne que son parti « a pu créer une opposition culturelle à la ligne politique actuelle ». « Nous avons l’obligation de demander au gouvernement de nous rendre des comptes, parce que les gens attendent des actions concrètes », dit-il, invitant les FL à prendre une position qui soit « en harmonie avec leurs constantes, afin de rétablir l’équilibre politique ».