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Pour l’opposition, le pays est devenu otage du Hezbollah

Yara ABI AKL

Si le président de la République, Michel Aoun, se félicitait, lors d’une rencontre tenue lundi avec les médias à Baabda, des « accomplissements » de la première année de son sexennat, nombreuses sont les remarques de l’opposition sur ce plan, aussi bien au niveau stratégique qu’en ce qui concerne les dossiers des nominations et de la lutte contre la corruption.
Pour ces milieux, la ligne politique actuelle a transformé le pays en un État « otage du Hezbollah ». D’autant que le parti chiite a réussi, selon eux, à imposer ses propres conditions au pouvoir politique. On en veut pour preuve le dénouement de la bataille de « L’aube des jurds » d’août dernier. Il y a aussi l’attitude du chef de l’État qui assure « une sorte de couverture légitime » au parti de Hassan Nasrallah, à partir de son statut de président de la République.
Mais pour Boutros Harb, député de Batroun, il y a avant tout de graves atteintes à la Constitution qui ont marqué la première année du mandat. Il s’agit, bien entendu, de la non-tenue des élections partielles à Tripoli et au Kesrouan (pour élire les successeurs de Michel Aoun, Robert Fadel et Badr Wannous). « Il y a aussi le vote par le Parlement du budget 2017 sans comptes arrêtés, en violation de l’article 87 du texte constitutionnel, et contrairement aux positions affichées par le chef de l’État et son bloc parlementaire pendant une décennie », comme on peut lire dans un communiqué publié hier par M. Harb. Ce dernier fait référence à la campagne menée tambour battant par le CPL et ses alliés entre 2011 et 2016 sur la question des 11 milliards de dollars dépensés en plus des douzièmes provisoires sous les gouvernements Siniora (2006 à 2009).
Boutros Harb a de plus stigmatisé l’attitude du ministre des Affaires étrangères, chef du Courant patriotique libre et gendre de Michel Aoun, Gebran Bassil. « Un ministre proche du mandat attise les tensions communautaires et les haines. Il remue les couteaux dans les plaies, en portant notamment atteinte à la réconciliation druzo-chrétienne de la Montagne », souligne le texte, qui ajoute que le ministre concerné « commet toutes sortes d’atteintes aux prérogatives de ses collègues ».
S’il se félicite de la bataille des jurds, Boutros Harb dénonce « l’adoption par la présidence de la politique du Hezbollah et la justification de son arsenal », mettant en garde contre les retombées négatives de ces prises de position.

« Nous ne savons pas qui gouverne le pays »
C’est également à partir de ce point que Nadim Gemayel, député Kataëb de Beyrouth, dresse un bilan négatif de la première année du sexennat. Interrogé par L’Orient-Le Jour, M. Gemayel s’indigne de « la dualité flagrante entre le Hezbollah et la Constitution », ainsi qu’entre « la légitimité arabe et le projet iranien que représente le parti chiite ». « Tout cela mène le pays là où il ne veut pas et cela est dangereux », ajoute-t-il.
Tout comme Boutros Harb, Nadim Gemayel critique l’attitude de Gebran Bassil. Il fait même état d’une « autre dualité » entre le président Aoun d’un côté et le CPL et son chef de l’autre. « Nous ne savons pas qui gouverne le pays, est-ce M. Aoun ou le CPL », déplore le député de Beyrouth, qui estime que la première année du sexennat est celle du « clientélisme » et « du partage du gâteau » comme « l’ont montré les nominations administratives et judiciaires monochromes ».
Le président du Rassemblement de Saydet el-Jabal, Farès Souhaid, farouche opposant à la politique iranienne dans la région et aux alliés locaux de la République islamique, se veut encore plus clair.
À L’OLJ, il confie ne rien trouver de positif dans la première année du sexennat. « Tout se dont se félicite le chef de l’État n’est que le résultat de l’abdication du pouvoir politique face aux conditions imposées par le Hezbollah », explique l’ancien député de Jbeil, avant de poursuivre : « À la faveur de cette logique, le danger essentiel qu’encourt le Liban, c’est qu’en cas d’attaque militaire ou financière contre le parti chiite (au moyen des sanctions américaines), c’est le pays dans son ensemble qui en paierait le prix. » Cela pousse M. Souhaid à dresser un constat fort et significatif : « Il n’y a plus de frontières entre la République libanaise et le mini-État du Hezbollah, dans la mesure où le pays tout entier est pris en otage par le parti chiite, d’autant que Michel Aoun lui assure la légitimité à partir de son poste de président de la République. »
Commentant la rencontre médiatique de lundi, Farès Souhaid fait valoir que « Michel Aoun s’est comporté comme un chef de parti, non comme président de la République ». Il en veut pour preuve le lien établi entre la stabilité du pays et l’accord de Mar Mikhaël, conclu en 2006 entre le parti chiite et le Courant patriotique libre. « Or, cette entente interpartisane n’engage que ceux qui l’on signée, et ne concerne aucunement tous les Libanais. »
Enfin, dans les milieux chiites hostiles au parti de Hassan Nasrallah, on se contente de reprocher aux forces politiques » qui se veulent souverainistes « de faire des concessions » inutiles « au profit du Hezbollah, « qui exerce son hégémonie sur le pays »