De vives réactions dans les milieux opposés au Hezbollah ont fusé hier contre la tournée à Kfarkila (à la frontière avec Israël) du commandant de la brigade chiite syrienne Imam al-Baqr, connu sous le nom de Hajj Hamza, alias Abou Abbas. Lors de sa visite au Liban-Sud, annoncée mercredi par les médias sociaux, le chef militaire syrien, dont les combattants seraient entraînés par le Hezbollah, a proféré des menaces à l’encontre de l’État hébreu, qui ont été diffusées sur le site officiel de la brigade qu’il commande. « Qu’Israël sache que nous sommes à ses portes. Un jour viendra où nous réussirons à briser ses frontières », a averti Hajj Hamza.
Cette annonce intervient quelque deux semaines après une autre visite incongrue dans la région, celle d’un chef milicien irakien, Kaïs el-Khazaali, qui avait été initiée par le Hezbollah. Le fondateur de la milice irakienne avait affirmé à cette occasion qu’il était prêt à s’unir « avec les Libanais et la cause palestinienne face à l’occupation israélienne ».
Souhaid : « De l’encre sur du papier » ?
Dans le cadre des communiqués quotidiens qu’il diffuse sur les réseaux sociaux, l’ancien député Farès Souhaid a estimé que les visites des deux chefs militaires, « affiliés aux gardiens de la révolution iranienne, ont été programmées par celle-ci pour nous pousser à nous habituer, nous Libanais, à l’idée de l’appropriation par l’Iran de la décision de guerre ou de paix sur notre territoire ».
« Ces émissaires sont accompagnés par la branche libanaise des gardiens de la révolution iranienne, en l’occurrence le Hezbollah, tandis que le gouvernement s’attache à assumer ses engagements liés à la politique de distanciation qu’il a pris devant les Libanais, la Ligue arabe, le Groupe de soutien au Liban et les Nations Unies », a noté le coordinateur du 14 Mars, avant d’ajouter à cet égard : « Le Premier ministre, Saad Hariri, insiste sur le dialogue comme moyen unique de régler les problèmes en suspens et adopte la politique de distanciation, comptant sur les promesses du Hezbollah ou de son allié, le président Michel Aoun. » « Or, le Hezbollah continue à œuvrer dans le sens de la violation de cette décision de distanciation », a ajouté M. Souhaid, se demandant « si l’appel du chef du gouvernement ne représente que de l’encre sur du papier ». Et de s’adresser à MM. Aoun et Hariri en ces termes : « Votre avenir politique ne dépend pas de votre alliance et du compromis autant qu’il dépend du respect de l’engagement que vous avez pris devant le monde entier au sujet de la distanciation. »
« Déplacé ou touriste ? »
Quant à Mouïn Merhebi, ministre d’État pour les Affaires des réfugiés (Courant du Futur), il déplore à L’Orient-Le Jour « la situation de chaos qui permet aux miliciens étrangers de s’introduire dans le pays ». « Comment ces combattants ont-ils atteint le sud du Litani ? » s’interroge-t-il. « Je voudrais demander au ministère des Affaires étrangères et à la Sûreté générale si Kaïs Khazaali avait obtenu un visa d’entrée, et si plus récemment Hajj Hamza est entré dans le pays en tant que déplacé ou en tant que touriste », ajoute-t-il, non sans ironie. Et de confier par ailleurs, toujours avec esprit : « Je ne sais si les propos évoqués par le président Michel Aoun, selon lesquels le Liban doit employer des moyens militaires spéciaux en ayant recours aux “forces armées populaires”, ne sont pas de nature à encourager le Hezbollah à inviter les milices étrangères à se rendre au Liban pour des séjours touristiques. » « Dans le cas où Israël déciderait de mener une guerre contre le pays, j’en ferai assumer la responsabilité morale au Hezbollah et à toute partie qui l’appuie dans de tels actes, notamment dans sa violation de la résolution 1701 », conclut fermement M. Merhebi.
À l’opposé de ces vives contestations, le Hezbollah considère que de telles visites ne constituent pas une enfreinte à la politique de distanciation. « La tournée du chef militaire Hajj Hamza au Liban-Sud s’inscrit dans le cadre des tournées de “résistance”, a affirmé un proche du parti chiite à l’agence al-Markaziya, soulignant que « cette visite ne transgresse pas la distanciation tant qu’elle est dirigée contre l’ennemi de tous, à savoir l’ennemi israélien ». Pour lui, « la visite de Hajj Hamza s’inscrit plutôt dans le cadre des propos prononcés par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, selon lesquels les frontières seront ouvertes devant des milliers de combattants pour qu’ils participent à une guerre qu’Israël aura déclarée contre la Résistance ». Et le proche du Hezbollah de conclure en insistant : « Pas de distanciation ni de neutralité à l’égard de l’ennemi israélien, qui viole la souveraineté libanaise à un rythme quasi quotidien et nous lance des menaces de temps à autre. »
Pour sa part, l’ambassadeur de Syrie Ali Abdel Karim Ali, qui venait d’être reçu par le président de la Chambre Nabih Berry, a affirmé devant des journalistes qui le questionnaient au sujet de la visite de Hajj Hamza qu’il n’était pas très informé des circonstances de l’événement. « L’ennemi guette au Liban et en Syrie, et il est donc de la responsabilité des dirigeants et des peuples syrien et libanais de coordonner leurs efforts pour le combattre », a-t-il toutefois ajouté, estimant que « la coordination entre le Liban et la Syrie est naturelle parce que l’ennemi est tant Israël que le terrorisme, deux facettes d’une même monnaie ».