Le secrétaire adjoint américain au Trésor pour le financement du terrorisme, Marshall Billingslea, a conclu hier une visite de deux jours au Liban par une rencontre avec la presse.
Son objectif a été de « poursuivre les discussions déjà entamées avec le gouvernement libanais, le gouverneur de la Banque centrale, le Premier ministre et le président de la République, ainsi que leurs équipes respectives pour faire face aux défis difficiles auxquels tous les États sont confrontés lorsqu’il s’agit de combattre des finances illicites ». M. Billingslea faisait référence aux réseaux de narcotrafic que Washington attribue au Hezbollah, dont le Trésor n’a aucun doute quant à « l’implication de certains membres dans le trafic de drogue ».
Il faisait aussi référence à « l’envoi ou au transfert d’argent par l’Iran au Hezbollah », au service de son agenda régional. « Téhéran est déterminé à subvertir les gouvernements arabes et à saper les économies arabes. Et il est très préoccupant pour nous que cet argent (résultant des actions iraniennes) soit canalisé vers le Hezbollah à ces fins-là », a-t-il lancé.
« Nous sommes donc ici pour travailler avec le gouvernement afin de veiller à ce que cette organisation terroriste qu’est le Hezbollah ne soit pas capable d’abuser du secteur bancaire », a-t-il ajouté.
L’occasion a aussi été pour lui de « partager des informations très spécifiques de renseignements avec le gouvernement sur un nombre de menaces sécuritaires, liées en particulier à l’État islamique, mais également aux réseaux de financements du terrorisme ». L’enjeu « crucial » étant, selon lui, de « poursuivre le travail bilatéral pour sauvegarder l’intégrité du système bancaire libanais », qui serait menacé par les réseaux de blanchiment d’argent du Hezbollah.
L’objectif essentiel de la visite du responsable américain – qui s’est dégagé de ses échanges avec la presse – a été de faire valoir que le secteur bancaire libanais est digne de confiance aux yeux du système bancaire international. « Je suis extrêmement heureux de dire que certaines banques libanaises font parfois plus que ce qui est demandé au niveau de la vérification des comptes selon les standards internationaux. » C’est ainsi qu’« elles ont activement clos tout genre de compte suspect, que ce soupçon soit lié au Hezbollah, au Hamas ou à l’État islamique, ou autre ».
Il estime surtout que le mécanisme de mise en œuvre des sanctions américaines contre le Hezbollah au Liban « fonctionne » et qu’il n’y a pas de durcissement de ces sanctions en vue. Selon lui, la circulaire émise par la Banque centrale aux banques du pays en réponse aux sanctions américaines en 2016 a effectivement permis de « bloquer l’accès du Hezbollah au système bancaire libanais ».
Il a révélé en outre que « des mesures très spécifiques ont été prises pour contrer la capacité du Hezbollah à accéder au système bancaire libanais ». Prié d’en préciser la nature, il a décrit l’enjeu de l’action menée par le Trésor américain : « Rendre le plus dur possible pour les maîtres du Hezbollah en Iran de pouvoir déplacer l’argent vers lui (le parti). » Aussi, « nous œuvrons très activement avec nos partenaires à travers la région pour faire en sorte que l’argent ne puisse pas être envoyé, sinon transféré à travers les banques ou les bureaux de change. Notre coopération a réussi et nous entendons la poursuivre », a-t-il dit.
« Relation exceptionnelle » avec la BDL et les banques
Et de répéter, à plus d’une occasion : « Notre relation avec la Banque du Liban et les banques privées est exceptionnelle. » Il a d’ailleurs mis l’accent sur le fait que les sanctions américaines contre le Hezbollah étaient bénéfiques pour la stabilité du secteur bancaire libanais. « Nos sanctions sont toujours faites sur mesure. Elles sont avant tout créées dans l’objectif de protéger le système financier international, mais sont au final conçues pour produire un changement de comportement. Notre approche, et spécifiquement lorsqu’il s’agit du Liban, commence par la reconnaissance que les banques libanaises sont au cœur de l’économie du pays. »
Et M. Billingslea de qualifier le Hezbollah de « cancer au cœur du Liban qu’il faut traiter sans tuer le patient ».
Sur les preuves d’un recours effectif du Hezbollah au secteur bancaire, sachant que son secrétaire général avait moqué cette option, le responsable américain a d’abord précisé qu’il ne prenait pas les propos de ce dernier pour argent comptant. « Je peux présumer que le Hezbollah dit cela parce qu’il souhaite nous mener sur des fausses pistes loin de ses mécanismes de transfert effectifs », ajoute-t-il, en relevant par ailleurs que « le secrétaire général du Hezbollah prétend que son parti n’est pas impliqué dans un trafic de narcotiques mais beaucoup ont des preuves contraires très claires, surtout quand il s’agit du Captagon ».
« Cela dit, nous allons continuer à poursuivre les trafiquants, les hommes à mallettes et les terroristes du Hezbollah où qu’ils soient. » Renchérissant sur la qualification de terroriste du Hezbollah, il a confié : « J’ai entamé ma journée ce matin à l’ambassade US par une visite au mémorial des victimes de l’attaque contre les marines (en 1983) et je l’ai achevée par une visite à la sépulture de Rafic Hariri dans cette merveilleuse ville. » « Le Hezbollah est une organisation terroriste avec le sang des Américains et des Libanais sur les mains. Et nous sommes déterminés à faire en sorte qu’il soit incapable de miner cette démocratie phénoménale au Liban, ni le centre d’excellence financière qu’il est devenu », a-t-il martelé.
Il a toutefois veillé à faire le distinguo entre le Hezbollah et « les chiites du Liban ». « Nous sommes très soucieux de faire en sorte que les chiites du Liban soient traités équitablement et sans être sujets à discrimination dans le système bancaire et qu’ils aient accès à tous les services financiers assurés aux autres, tout en s’assurant en contrepartie que nous localisons le cancer et qu’il soit compris que c’est sur le Hezbollah que porte notre travail. »