C’est une réunion charnière que le Conseil des ministres tiendra mercredi matin au Grand Sérail. À l’ordre du jour, deux dossiers aussi explosifs l’un que l’autre : celui des déchets ménagers qui reste en quête de solution et celui des nominations sécuritaires, plus que jamais au cœur de tiraillements politiques. Jamais l’expression « ça passe ou ça casse » n’a si bien collé à une réunion du Conseil des ministres. Tout indique cependant qu’on s’oriente vers une cassure qui va pousser le chef du gouvernement, Tammam Salam, à donner à son équipe un congé de plusieurs semaines, au cours desquelles les dossiers pressants intéressant directement les Libanais, à l’instar de celui des déchets, seront traités au niveau des commissions ministérielles.
Concrètement, les réunions ministérielles devront remplacer pour une durée indéterminée celles d’un gouvernement incapable, pour des motifs de tiraillements politico-politiciens, de trouver un terrain d’entente sur lequel il peut bâtir un modus vivendi. L’affaire des nominations sécuritaires ne fait que se compliquer, non seulement pour cause d’absence de consensus sur la façon de gérer ce dossier, mais également pour cause d’absence d’entente au sujet de la relève.
Mercredi, le gouvernement va devoir soit nommer un remplaçant au chef d’état-major militaire, le général Walid Salman, qui doit prendre sa retraite le lendemain, c’est-à-dire le jeudi 6 août, soit retarder ce départ à la retraite, la deuxième option étant pratiquement acquise, si l’on tient compte des résultats des concertations engagées à ce sujet par le ministre de la Défense, Samir Mokbel. Comme on le sait, M. Mokbel avait effectué la semaine dernière une tournée auprès des dirigeants et des responsables politiques pour leur expliquer les solutions possibles à l’affaire des nominations et sonder leurs points de vue. Cette tournée lui a permis de dégager une majorité hostile à des nominations avant l’élection d’un président de la République. Il n’en demeure pas moins que, mercredi, M. Mokbel compte proposer au Conseil des ministres les noms de trois candidats à la succession du général Salman. Non seulement une majorité ministérielle reste hostile à des nominations pour le moment, mais on apprend de sources ministérielles qu’une nomination serait également difficile, en l’absence d’une entente au sujet d’un candidat, notamment au niveau des leaderships druzes. Le ministre de la Défense n’aura de ce fait d’autre choix que de signer un arrêté en vertu duquel il devra, conformément à la loi sur la défense, retarder le départ à la retraite du général Salman.
Le CPL continuera de bloquer
À la faveur de l’examen de cette échéance, le gouvernement pourrait, conformément aux vœux du CPL, être appelé à mettre sur le tapis l’ensemble des nominations sécuritaires, sans pouvoir cependant aller jusqu’au bout de ce dossier, faute d’un consensus sur l’opportunité de cette mesure alors que la présidence de la République est toujours vacante.
Le Courant patriotique libre (CPL) du général Michel Aoun a anticipé cet épilogue auquel il s’oppose farouchement, en multipliant les mises en garde et les menaces d’escalade si jamais les nominations ne sont pas effectuées. Par la voix de certains de ses députés, notamment Hikmat Dib, il a brandi de nouveau la menace d’un recours à la rue. Cette option ne semble pas importuner outre-mesure le camp adverse, qui, après le flop de la manifestation qui avait été annoncée à cor et à cris le 9 juillet dernier – en soutien aux ministres du bloc aouniste qui s’opposaient ce jour-là, durant la réunion hebdomadaire du gouvernement, au mécanisme de prise de décision en Conseil des ministres –, estime que des mouvements de protestation populaires permettront d’évaluer la force du CPL sur le terrain.
Au plan politique, le CPL ne pourra que poursuivre sa politique de blocage, si jamais le Premier ministre convoque d’autres réunions du gouvernement, mais de sources concordantes, on assure que Tammam Salam compte donner un congé sans limite de date à son équipe. À moins qu’un incident ou un dossier brûlant quelconque ne commande la convocation d’un Conseil des ministres, on estime de mêmes sources que le gouvernement ne devrait se réunir de nouveau qu’à la prochaine échéance qui est celle du départ du commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, à la retraite, le 23 septembre prochain.
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Solution provisoire
D’ici là, l’attention sera portée sur le règlement du problème des déchets ménagers, un autre dossier sur lequel se greffent, dit-on, des conflits politico-politiciens en rapport avec des questions d’influence. On sait cependant qu’un début de solution commence à prendre forme, avec les contacts entrepris pour exporter les déchets vers des pays qui, comme l’Allemagne, s’en servent pour produire de l’énergie, recycler certaines matières ou autres. Cette solution serait adoptée à titre provisoire en attendant que les compagnies qui ont remporté l’appel d’offres lancé par le ministère de l’Environnement, sur base du plan national de gestion des déchets, mettent en place, dans les régions concernées, l’infrastructure nécessaire pour le ramassage et le traitement des détritus.
Cela englobe également le Beyrouth administratif pour lequel une compagnie a fini par présenter une offre. Il s’agit de la South for Construction, de M. Riad el-Assaad. Le ministre de l’Environnement, Mohammad Machnouk, doit en informer le Conseil des ministres mercredi. L’ouverture des plis consécutive à l’appel d’offres est prévue le vendredi 7 août. Un autre entrepreneur, Jihad el-Arab, qui a déjà remporté les appels d’offres pour d’autres régions, aurait également présenté une offre, mais cette information n’a pas pu être confirmée.
Dans ce contexte, divers milieux politiques se sont arrêtés sur l’attaque, surprenante par sa violence, du ministre de la Santé, Waël Bou Faour, contre le journaliste Nadim Koteich, du courant du Futur, qu’il n’a cependant nommé qu’à travers un jeu de mots subtil autour de son prénom noyé dans une myriade d’insultes. Dans ces milieux, on a relevé que cette attaque, justifiée par les commentaires de M. Koteich, aux propos attribués par al-Akhbar à Walid Joumblatt dans l’affaire des déchets et la réplique cinglante de ce dernier au quotidien, doit surtout être interprétée comme l’expression de griefs retenus par M. Joumblatt contre le chef du courant du Futur, Saad Hariri, dans l’affaire des déchets et des rapports avec le général Aoun. L’attaque contre Nadim Koteich serait un message indirect adressé à Saad Hariri qui aurait lâché Walid Joumblatt à diverses occasions, selon les mêmes sources.