Au fur et à mesure que se confirme et se consolide le front de refus qui s’est constitué face au projet de la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, à la présidence de la République, les espoirs de voir émerger un compromis d’ici au 16 décembre, date de la prochaine séance parlementaire pour l’élection d’un président, s’estompent. La contestation à la candidature de M. Frangié, qui doit être reçu aujourd’hui à Rabieh, par le général Michel Aoun, s’amplifie et se précise jour après jour, rassemblant plusieurs composantes du paysage politique, les partis chrétiens en tête mais pas seulement.
Préférant ralentir la cadence des tractations en cours – histoire de ne pas brûler les étapes et de ne pas susciter un blocage définitif de la part du chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun – les parrains du projet initial ont décidé de laisser plutôt mûrir un éventuel compromis et de tenter de lever les obstacles.
Des milieux diplomatiques influents ont d’ailleurs insisté auprès de M. Frangié sur la nécessité d’œuvrer à dénouer le « nœud chrétien », notamment la position récalcitrante du chef des Forces libanaises, Samir Geagea. Une tâche à laquelle le chef des Marada a commencé à s’atteler, par le biais de contacts effectués loin des feux de la rampe avec la collaboration de ses adjoints, pour préparer la phase à venir. L’idée étant d’intensifier la communication avec les différentes parties, internationales et locales, notamment avec les contestataires du projet.
Quant au Hezbollah, il maintient le suspense et continue d’observer un mutisme absolu à ce sujet en attendant que se précise la position saoudienne. Fait notable, la question présidentielle a figuré hier au menu des sujets discutés lors d’un entretien téléphonique entre le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov et son homologue iranien, Hussein Amir Abdollahian.
Des milieux proches du parti chiite ont clairement fait savoir de leur côté que le Hezbollah n’est pas pressé de préciser sa position par rapport au « compromis Frangié » dont il craint les éventuelles répercussions, préférant persévérer dans son soutien affiché au général Michel Aoun, d’autant qu’il s’est avéré que l’initiative parrainée par le chef du courant du Futur, Saad Hariri, n’est pas claire à ce jour. Le parti chiite attend en outre de voir ce dernier rendre publique son initiative. Et pour cause : une fois la candidature de M. Frangié officiellement annoncée, le parti, qui craint une transaction manigancée par l’axe américano-saoudien, ne manquerait pas de brandir une liste de revendications et de conditions devant garantir son rôle et préserver ses acquis. Il réclamerait notamment des assurances quant à ses armes après le retour de ses combattants de Syrie ainsi qu’une reconnaissance de son rôle et la consécration du triptyque peuple-armée-résistance. Le tout accompagné d’un refus catégorique de la politique de distanciation consacrée dans la déclaration de Baabda et d’un feu vert pour poursuivre sa lutte contre le terrorisme.
Dans les milieux diplomatiques, on croit savoir que l’aval du parti chiite à la candidature de M. Frangié est d’autant plus indispensable que son allié chrétien, Michel Aoun, persiste à dire devant ses visiteurs que sa candidature est toujours de vigueur, estimant que celle du chef des Marada n’est autre qu’un défi à son égard et à l’égard de son projet. Elle vise notamment à couper les ailes du CPL et à porter atteinte à sa popularité. Neutraliser le Courant patriotique libre préluderait ainsi, selon cette logique, à la neutralisation conséquente du Hezbollah. D’où le refus catégorique du chef du bloc du Changement et de la Réforme de tout compromis quel qu’il soit, y compris d’un arrangement autour de la loi électorale.
Les yeux sont aujourd’hui rivés vers Bkerké où s’intensifient les rencontres avec les représentants des différents leaders maronites, faute de pouvoir réunir ces derniers tous ensemble. Une telle rencontre est devenue incontournable comme l’a relevé hier l’ancien président Amine Gemayel après son entretien avec M. Aoun. Avant de reconnaître que les embûches à l’émergence d’un compromis restent nombreuses.
Selon des sources politiques, le refus des autres leaders maronites de se retrouver au patriarcat maronite s’explique par le fait qu’ils cherchent en réalité à éviter d’être embarrassés puisqu’ils seraient ainsi acculés à contredire la position qu’ils avaient préalablement avalisée à Bkerké même, lorsqu’ils avaient accepté, au lendemain de l’expiration du mandat de l’ancien président, Michel Sleiman, de se désister respectivement en faveur du candidat qui émergerait du groupe.
Autre source d’embarras pour le CPL, les Kataëb et les FL, le fait de s’asseoir à la même table avec Sleiman Frangié avant de s’être entendus sur un autre candidat, et la crainte par ailleurs qu’une réunion sous la houlette du siège patriarcal ne soit interprétée comme une consécration de la part du trio chrétien à la candidature du chef des Marada.
D’où la précision apportée par une source des FL qui a indiqué hier que si l’objectif de la réunion de Bkerké était uniquement d’examiner la candidature de M. Frangié, les FL n’y participeront pas. Par contre, elles seront présentes s’il s’agit de trouver une solution au vide présidentiel.