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Le compromis « retardé » jusqu’au début de l’année prochaine

 

Sandra NOUJEIM

« Le compromis est retardé ou saboté en raison d’une entente inattendue entre des pôles apparemment antagonistes » : par ce tweet, le député Walid Joumblatt a confirmé samedi dernier le gel du compromis autour de la présidentielle.

Il a toutefois précisé hier à L’Orient-Le Jour que « le compromis n’a pas échoué. Il a seulement été retardé ». Et il en a fait assumer la responsabilité à parts égales au Hezbollah et aux Forces libanaises (FL).

Le chef du Futur, Saad Hariri, qui a contacté hier le député Sleiman Frangié, a réaffirmé lui aussi à son interlocuteur que le compromis était toujours en marche et que sa réussite est en grande partie tributaire des contacts menés par le député zghortiote au sein du 8 Mars. Ces espoirs du Futur sont doublés d’un assouplissement de ses rapports avec les FL, qui auraient fait preuve, au moins, d’une « volonté de discuter des contours du compromis », estiment les milieux du courant haririen.

Le chef des FL, Samir Geagea, aurait d’ailleurs pris l’initiative de contacter hier Saad Hariri : même si l’entretien n’a rien changé sur le fond du débat autour de la candidature éventuelle du député Sleiman Frangié, il a eu « un effet d’assainissement positif », estime une source informée.

Pour le Futur, le véritable nœud du déblocage serait donc au niveau du Hezbollah, dont l’aval seul aurait largement contribué à l’aboutissement du compromis. Le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, qui a reçu jeudi dernier le député Sleiman Frangié, a formulé le refus de son parti de soutenir une autre candidature que celle du chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun. Le 8 Mars doit maintenir une position unifiée sur la présidentielle, et d’adopter une attitude uniforme lors de l’éventuelle séance électorale, lui aurait affirmé Hassan Nasrallah en substance.
L’intention, désormais déclarée du parti chiite, de ne pas élire un nouveau chef de l’État, s’alignerait sur le choix stratégique de Téhéran de maintenir pour l’instant le statu quo au Liban. Ce choix trouve plusieurs explications, dont l’on retiendra deux : d’abord, le rétablissement de l’équilibre interne au Liban, de manière à relancer les institutions, ôterait à l’Iran une carte de pression dans ses négociations régionales ; ensuite – et c’est ce que défendent les milieux proches du Hezbollah – un compromis parrainé par le chef du courant du Futur, et soutenu par l’Arabie saoudite, ne peut que provoquer un sursaut de doute quant à son intérêt pour le parti chiite sur le long terme.

Ces doutes avaient d’ailleurs plané sur la genèse du compromis en question : alors que le Hezbollah avait été informé, dès le départ, de la démarche de Sleiman Frangié auprès du chef du Futur, il n’a pas tardé à s’interroger ensuite sur les garanties que ce compromis pouvait lui apporter, et surtout, l’aptitude du député de Zghorta à mener les négociations au nom du 8 Mars.

Voulant rassurer le parti chiite, des milieux du 8 Mars favorables au compromis ont vite fait d’affirmer que le chef des Marada n’a donné aucune garantie à Saad Hariri (relative par exemple à son maintien à la présidence du Conseil des ministres durant six ans). Ni même a aspiré à le faire, étant conscient que la magistrature suprême ne lui accorde pas les moyens de ses promesses, ont défendu ces milieux.
Aux fins de cette argumentation en faveur du compromis, celui-ci est présenté comme un moyen de contourner les différends de principe, et non de les régler : ce compromis met de côté, jusqu’à nouvel ordre, les questions litigieuses portant sur le conflit syrien, les armes du Hezbollah et les interventions régionales de ce dernier ; il donne la priorité à un rééquilibrage des rapports entre le 8 Mars et le 14 Mars, comme seul moyen de relancer les institutions. Sur cette base, la magistrature suprême « consensuelle » est accordée au premier et la présidence d’un gouvernement « d’union nationale » est confiée au second.
 
Présentée sous cette forme, la solution n’a pas paru suffire au Hezbollah pour l’amener à renoncer au blocage qu’il mène actuellement, sous la couverture privilégiée du chef du bloc du Changement et de la Réforme. Le bloc de Fidélité à la résistance, qui s’était réuni vendredi dernier, avait d’ailleurs dénoncé avec virulence l’hostilité saoudienne à l’égard du Hezbollah, à plusieurs niveaux, comme en atteste notamment la polémique Arabsat-al-Manar. « Il faut en déduire que le parti chiite ne souhaite pas séparer les polémiques régionales de la politique libanaise, c’est-à-dire qu’il ne souhaite pas adhérer pour l’instant à la logique du compromis envisagé », a confié le député Ahmad Fatfat à L’OLJ. Résultat : même si « l’initiative de Saad Hariri a au moins le mérite d’avoir relancé le dossier de la présidentielle », il n’en reste pas moins que ce dossier pourrait revenir à la case départ, c’est-à-dire au blocage par la candidature du général Michel Aoun, a-t-il ajouté.

Pour le député de Denniyé, trois éventualités sont en effet envisageables : la plus réaliste serait de s’attendre à un prolongement du blocage, c’est-à-dire de l’état de décrépitude; une autre éventualité serait « de voir le Hezbollah mener cette fois le jeu en proposant au Futur de soutenir la candidature du général Michel Aoun » ; le troisième scénario, qui reste malgré tout envisageable, est celui d’un forcing mené par Bkerké, avec l’appui de certains diplomates occidentaux, en faveur d’un déblocage de la présidentielle. Un déblocage qui devra toutefois attendre le début de l’année prochaine.
Ce pari sur un forcing chrétien semble plus pertinent qu’il ne l’était avant la question du nouveau compromis : la position du patriarche maronite, qui est rentré hier soir du Caire, s’est affermie et ses appels à élire un président sont devenus plus pressants et plus ciblés à l’adresse des quatre pôles chrétiens (à défaut d’élire Sleiman Frangié, ils sont pressés de trouver un candidat alternatif). Cet appel de Bkerké est relayé même par certains députés membres du bloc du Changement et de la Réforme, comme Nehmetallah Abi Nasr. C’est dans ce contexte que Ghattas Khoury doit se rendre aujourd’hui à Rabieh, pour présenter ses condoléances au général Aoun après le décès de son frère.

L’impératif de combler la vacance présidentielle par la bonne volonté des parties libanaises a été réitéré hier par le chef des Kataëb, Samy Gemayel. Pour les FL, c’est surtout la bonne volonté du général Michel Aoun qui serait la clé du déblocage. Selon le général à la retraite Wehbé Katicha, conseiller du chef des FL, « le 8 Mars estime que la solution est soit Aoun, soit Frangié. Pour nous, il n’y a pas moyen que l’un des deux accède à la présidence… à moins que le général Michel Aoun n’assure la couverture à la candidature de Sleiman Frangié »…