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Présidentielle : le pari du déblocage pèse sur Bkerké

Sandra NOUJEIM

Bien qu’amorti, le compromis autour de la présidentielle n’a pas été vain : il a réaffirmé, avec plus de force, l’impératif d’élire un nouveau chef de l’État, indépendamment de la personne du candidat en question, comme s’accordent à le constater des milieux politiques.
En plus d’épargner au pays les retombées sécuritaires directes des conflits régionaux en cours, le souci des diplomates plaidant pour la présidentielle serait de protéger le Liban des possibles violences de groupes radicaux ou terroristes, en réaction aux solutions politiques en vue, notamment en Syrie, expliquent des sources diplomatiques à L’Orient-Le Jour.
C’est cette considération qui aurait défini les « caractéristiques » du futur chef de l’État : « La connaissance des affaires régionales et la capacité de faire face au terrorisme », selon ces sources.
Répondant à ce profil, la candidature du député Sleiman Frangié, issu du 8 Mars, avait en théorie l’avantage supplémentaire de rassurer l’axe irano-syrien, et de briser plus aisément le blocage de la présidentielle par le tandem Hezbollah-Courant patriotique libre (CPL). Ce double pari a révélé ses limites devant la décision officielle du Hezbollah, et avec lui du 8 Mars, de ne pas renoncer pour l’heure à la candidature du général Michel Aoun. L’équation « soit Michel Aoun, soit le vide » demeure.
Mais elle est désormais contrebalancée par une autre : soit Sleiman Frangié, soit un candidat de consensus. Cette équation est défendue par Bkerké, qui serait déterminé à mener jusqu’au bout son forcing pour le déblocage de la présidentielle. L’appel pressant du patriarche aux quatre pôles chrétiens de se réunir pour s’entendre sur le moyen de ce déblocage (c’est-à-dire sur un candidat de consensus) est renforcé par le fait que les quatre leaders ont déjà eu leur chance, et se sont vus opposés respectivement des veto chrétiens à leur candidature.
Quoi que s’abstenant, pour l’heure, de répondre à l’appel du patriarche, les parties chrétiennes du 14 Mars plaident d’ores et déjà pour un candidat consensuel, à travers les réserves qu’ils opposent au compromis autour de la candidature de Sleiman Frangié.
« Nous préconisons une entente sur un projet commun, sur la base duquel nous débattrons de la personne la plus à même d’incarner ce projet », a ainsi déclaré hier le député Georges Adwan, lors d’un entretien télévisé. C’est dans cet esprit que le chef des Kataëb, Samy Gemayel, avait réaffirmé « notre attachement à la Constitution et à nos principes, que nul ne peut nous contraindre à abandonner ».
En exigeant des précisions sur le contour du compromis proposé, notamment sur les lignes directrices de la politique de Sleiman Frangié, les parties chrétiennes du 14 Mars renvoient un double message : celui d’une ouverture, dans la forme, à la perspective de déblocage – c’est ce point positif que retiennent les milieux du Futur au sujet de la position des Forces libanaises (FL), à l’heure où Saad Hariri entendrait réajuster ses rapports avec les FL et réaffirmer la cohésion du 14 Mars ; et celui d’exiger d’un candidat de consensus de prendre position sur la guerre en Syrie et sur les armes du Hezbollah. Or lorsque l’on sait que l’esprit du compromis proposé est de garder en suspens les dossiers litigieux, les réserves que lui opposent les parties chrétiennes trahissent des divergences fondamentales, entre les différentes parties nationales, sur la conception même du compromis.
S’alignant sur une précédente déclaration du député Walid Joumblatt, le ministre Akram Chehayeb a fait assumer hier aux parties chrétiennes et au Hezbollah la responsabilité de « la mise en échec d’une initiative positive ». S’exprimant à l’ouverture d’une conférence sur la gestion de l’eau à l’hôtel Mövenpick, le ministre de l’Agriculture a déclaré : « Nous avons cru dans le compromis, mais ceux qui bafouent les chances se sont entendus sur la mise en échec de cette initiative. »
L’état des lieux est le suivant : d’une part, des parties du 14 Mars craignent un président dont l’appartenance politique est radicalement opposée à leurs principes nationaux ; de l’autre, le 8 Mars affirme que le temps n’est pas opportun pour élire un président. D’ailleurs, le discours du CPL n’a pas changé : « Nous ne cherchons pas d’alternatives, mais appelons à un retour à la volonté populaire et au respect du partenariat national », a ainsi affirmé l’ancien ministre Gaby Layoun à l’agence al-Markaziya.
En théorie, le défi de Bkerké sera donc, d’une part, de décrocher une entente chrétienne sur un candidat non engagé en faveur d’un axe et, de l’autre, de dénoncer nommément ceux qui, parmi les pôles chrétiens, sont responsables du blocage de la présidentielle. Selon une source informée, le patriarcat envisagerait de réunir des députés chrétiens afin de contrecarrer le refus des pôles chrétiens de se réunir pour apporter une solution à la présidentielle.
Mais le fait que certains milieux du Futur, favorables au compromis autour de Sleiman Frangié, continuent d’affirmer qu’il est « maintenu, même s’il se heurte à des difficultés », incite à penser que Bkerké continue d’œuvrer, pour l’heure, en faveur du député zghortiote.