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Coalition antiterroriste, compromis présidentiel, exportation des déchets : durcissement du blocage

Fady NOUN

Il ne manquait plus que ça. L’annonce, hier, par l’Arabie saoudite de la création d’une coalition antiterroriste comprenant 34 pays musulmans, dont le Liban (qui n’est ni chrétien ni musulman), a ajouté à la confusion qui règne à Beyrouth.
Le baroud d’honneur de Gebran Bassil était-il nécessaire ? On peut en douter. Toujours est-il que, malgré une réserve de taille du Premier ministre soulignant que l’adhésion du Liban à la coalition ne peut se faire que conformément à la Constitution, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil (rejoint par le ministre des Affaires sociales, Sejaan Azzi) a trouvé le moyen de protester contre la manière dont la décision a été annoncée. Il est vrai qu’elle l’a été par le vice-héritier d’un pays où le « bon plaisir » du roi a toujours droit de cité.
Certes, il est cavalier d’annoncer à un pays – même si c’est le minuscule Liban –, qu’il fait partie d’une coalition, avant de l’avoir consulté. Car même l’ambassadeur du Liban à Riyad, Abdel Sattar Issa, n’en savait rien. Mais les réserves sont loin d’être de pure forme. On peut en relever, de prime abord, trois : le Liban peut-il adhérer à une coalition présidée par un pays, l’Arabie saoudite, qui classe le Hezbollah dans la catégorie des organisations terroristes ? (On rappelle que ce pays vient de bloquer les comptes d’un certain nombre de cadres du Hezbollah pour blanchiment d’argent et financement du terrorisme). Le Liban peut-il adhérer à une coalition dont l’Iran et la Syrie sont absents? L’Arabie saoudite va-t-elle se retrouver en train de combattre les Frères musulmans que l’Égypte classe comme organisation terroriste ? Et en résumé, le 8 Mars de la « moumanaa » peut-il accepter d’être dans une coalition dirigée par l’Arabie saoudite ?
On voit très vite les contradictions d’une coalition montée à la va-vite, et où la peau de l’ours est vendue bien avant qu’il soit tué. De son côté, interrogé au sujet de la coalition, une source du Hezbollah, citée par l’agence al-Markaziya, a répondu par un « no comment » éloquent synonyme de « pas de temps à perdre ».
Il va de soi que cette coalition continuera d’alimenter, dans les prochains jours, la chronique politique. En fait, elle ne fait que souligner encore plus l’amateurisme avec lequel se traitent les dossiers les plus graves, à commencer par celui de l’initiative de compromis présidentiel dans lequel semble s’être embarqué Sleiman Frangié, sans gilet de sauvetage.
La fragilité de cette proposition ressort de plus en plus chaque jour, malgré les efforts déployés par M. Frangié pour en convaincre ses alliés. Après avoir échoué à le faire avec Hassan Nasrallah, rencontré en secret au cours de la semaine dernière, on apprend que M. Frangié n’a pas eu plus de succès avec Bachar el-Assad, qui l’a reçu en fin de semaine. Ce dernier lui aurait conseillé de privilégier ses alliances (avec Michel Aoun et le Hezbollah) sur ses ambitions présidentielles, ce qui n’a pas été facile à accepter et qui donc ne l’a pas été.
Concrètement, l’initiative de compromis est toujours d’actualité, mais ses chances reculent à vue d’œil. Car avec des alliés comme le Hezbollah et Michel Aoun, Sleiman Frangié n’a plus besoin d’adversaires. Le patriarche parviendra-t-il à réanimer cette initiative ? Rien n’est moins sûr, avec les têtes carrées de service. Mais « un miracle » est toujours possible, a dit hier le patriarche.
C’est cette « possibilité de miracle » que le Premier ministre a saluée, hier, au cours d’une réunion consacrée au contrôle qualité dans les restaurants. Ce compromis a été « une bouffée d’air frais dans une situation d’immobilisme interminable », a affirmé M. Salam, tout en constatant à contrecœur que « l’initiative a rencontré des obstacles qui la retardent ». « Mais j’espère que cet élan ne retombera pas », a-t-il conclu.
« Ceux qui entravent le règlement de la crise des déchets doivent assumer leurs responsabilités », a-t-il par ailleurs affirmé, comme s’il prévoyait le blocage.
En tout état de cause, sur la présidentielle, on pourra écouter jeudi soir M. Frangié plaider en direct pour son initiative et expliquer pourquoi il l’a acceptée, au cours de l’émission grand public Kalam el-nass.
Les obstacles auxquels se heurte le compromis présidentiel n’empêcheront pas les députés de se rendre aujourd’hui au Parlement, pour la séance d’élection d’un nouveau président prévue par Nabih Berry. Encore une séance pour rien, encore des oraisons funèbres faciles !
La morosité ambiante devrait par ailleurs s’aggraver un peu plus par ce qui ressemble beaucoup à un nouveau verrou dans la crise des déchets. Pourtant le Premier ministre avait cru pouvoir annoncer que l’on n’est pas loin de la solution et que le Conseil des ministres devrait se réunir ces deux jours, pour trancher cette question. C’était, hélas, sans compter avec le nouvel obstacle qui a surgi hier sous la forme d’une opposition du bloc du Changement et de la Réforme à la solution de l’exportation, au prix élevé où elle se conclut.
Tout laisse croire que dans ce domaine, on n’est pas encore sorti de l’auberge et que dans les rues et sur les routes, les fêtes sentiront un peu moins bon que prévu.