Fady NOUN | OLJ
26/01/2016
Tandis que se joue le sort du Moyen-Orient en Syrie et en Irak, le Liban politique continue à se livrer à ses petits jeux puérils, et il apparaît de plus en plus clairement que l’appui de Samir Geagea à la candidature de Michel Aoun n’a pas tout réglé.
Une joute par twitter et médias interposés a opposé hier le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, au président de la Chambre, Nabih Berry, sur perspective d’élection présidentielle.
Il en ressort que le mouvement Amal ne votera pas Michel Aoun, mais Sleiman Frangié, si tant est que la séance électorale du 8 février tient bon. M. Geagea a eu beau souligner l’incohérence du 8 Mars, qui a prétendu tout au long des mois passés que son candidat à l’élection présidentielle est M. Aoun, son raisonnement pèche sur un point. Le président de la Chambre avait affirmé haut et clair, le 2 août dernier, qu’il ne votera pas pour un homme qui considère que la Chambre est « illégale ». Un adjectif que le chef du CPL avait accolé à une Assemblée qui avait prorogé son mandat. Non que M. Berry soit tout à fait hostile à ce rapprochement. Il ne l’est pas, mais il le juge « insuffisant ».
Il n’est donc pas vrai que le 8 Mars ait inconditionnellement appuyé la candidature présidentielle de M. Aoun, jusqu’à ce que ce dernier ait reçu l’appui des Forces libanaises, comme veut le faire croire M. Geagea. Pas vrai non plus que le Hezbollah est en mesure de dicter sa volonté à ses alliés.
Par contre, M. Geagea a raison de parler du loyalisme à tout crin du Hezbollah à l’égard de Michel Aoun, et c’est le silence et l’hésitation du parti chiite qui semblent le plus l’indigner. Pour ne pas avoir à prendre position sur ce point, le Hezbollah a reporté (chose rarissime) la réunion de son bloc parlementaire, la semaine dernière, et il est resté muet depuis. Prendra-t-il enfin position ? Et comment réagira à cette dérobade le bloc parlementaire du Changement et de la Réforme, qui se réunit aujourd’hui? Le Hezbollah peut-il se permettre de se cabrer sur cette échéance, au risque de perdre un crédit si péniblement accumulé au fil des années ? Les heures qui suivent permettront de prendre le pouls des rapports entre les deux formations.
Les FL ont-elles perdu de leur côté leur pari ? Pas tout à fait encore, puisque ce parti et le CPL veulent poursuivre leur forcing en direction de leurs alliés respectifs, et qu’une réunion de coordination s’est tenue hier, à Rabieh, en présence de Melhem Riachi (FL) et d’Ibrahim Kanaan, à cet effet.
Toutefois, dans l’état actuel des choses, il ne semble pas que la séance électorale du 8 février puisse déboucher sur l’élection d’un président, au regard de la menace de boycottage que feront planer l’un ou l’autre des blocs parlementaires. Samy Gemayel et Ahmad Fatfat l’ont dit hier, chacun à sa façon. Pour M. Fatfat, il n’est pas question que la séance électorale se transforme en une sorte de « plébiscite »… au cas (improbable) où M. Aoun serait l’unique candidat en lice.
Samy Gemayel, lui, s’adressant au CPL, met au défi les différents courants et partis de faire acte de présence à la Chambre, et de s’incliner, quel que soit le résultat escompté du vote.
Au vu de ce macro-enjeu, toutes les autres perspectives politiques semblent mineures. De quoi ont parlé hier le courant du Futur et le Hezbollah au cours de leur régulière séance de « dialogue » ? De rien d’essentiel, on peut en être sûrs, sinon de l’importance de rester en contact pour que le virus de la discorde confessionnelle ne gagne pas (ouvertement) le corps libanais. Car, à l’état latent, le mal est fait.
De quoi parleront mercredi les ténors qui participent à la conférence nationale de dialogue qui se réunira à Aïn el-Tiné ? De rien d’essentiel non plus, puisque l’épreuve de force se poursuit, que le Hezbollah continue de faire cavalier seul en Syrie et qu’aucune force ne peut l’en dissuader.
De quoi débattra le Conseil des ministres, jeudi, en l’absence des ministres du CPL et du Hezbollah, de nouveau soudés sur ce point ? De points non conflictuels, sans doute secondaires, car pour les questions essentielles, comme celle des déchets, le flou continue de régner.
Pour quelle raison CPL et Hezbollah s’absenteront-ils du Conseil des ministres ? Pour les deux blocs, il n’est pas question d’assister à une réunion gouvernementale tant que n’est pas tranchée la question du pourvoi aux trois postes vacants au sein du Conseil militaire, sachant que M. Aoun estime qu’il a un droit de regard sur deux d’entre eux, ce que conteste le ministre de la Défense, qui se considère comme seul concerné, avec le commandant de l’armée. Plus rond que ça, on ne peut pas tourner.