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Pour Hariri, « le Hezbollah ne veut pas de compromis »

 

Sandra NOUJEIM 

Même si le report, hier, de la 35e séance électorale pour l’élection d’un président de la République a été une réédition des précédents scénarios torpillant la présidentielle, une triste réalité s’impose : la logique de l’entente préalable sur un président.

En effet, les blocs représentés hier à l’hémicycle auraient pu, théoriquement, assurer le quorum des deux tiers nécessaire pour la tenue de la séance électorale : si l’on exclut les 27 députés du bloc du Changement et de la Réforme, les 13 députés du bloc du Hezbollah et les 4 députés du bloc des Marada, il manquait deux députés pour assurer le quorum. Ces deux parlementaires auraient pu être assurés parmi les indépendants du bloc aouniste, ou parmi les Marada, par exemple. Autrement dit, un forcing en faveur de la tenue de la séance aurait été possible. Mais il était convenu d’éviter une telle éventualité, quitte à provoquer, le cas échéant, le retrait de certains députés, du bloc berryste notamment. Même si le « souhait » du Futur avait été de forcer l’élection du chef des Marada, il n’aurait pu mener sa tentative jusqu’au bout « à cause des réserves des blocs berrystes et joumblattistes, et celles des Marada », rapportent ses milieux, lesquels sont certains par ailleurs que les Forces libanaises (FL) n’auraient pas boycotté la séance pour empêcher l’élection de Sleiman Frangié.

Le président de la Chambre avait défendu une position paradoxale à la veille de la tenue de la séance électorale : il avait invité les trois candidats à se rendre à l’hémicycle s’ils le désirent, tout en signalant que le boycottage est un droit (comme l’avait précisé le secrétaire général du Hezbollah), et que la présidentielle a une « portée nationale » indéniable. Comprendre qu’il est déconseillé de s’aventurer dans un scrutin qui n’aurait pas été convenu au préalable par toutes les parties. )
Cette approche reste cependant contestée avec virulence par le bloc du Futur. Le chef du bloc du Futur, le député Fouad Siniora, a fait assumer, lors d’un point de presse hier au Parlement, « toute la responsabilité » de la déliquescence institutionnelle « aux parties qui boycottent la séance électorale, y compris les Marada ».
Le député Ahmad Fatfat a prié pour sa part le président de la Chambre de « ne plus fixer de nouvelle date à la séance électorale, tant qu’il n’aura pas obtenu au préalable l’accord de Hassan Nasrallah sur la tenue de la séance ». « Il pourrait également lui déléguer la tâche de convoquer directement la séance électorale, puisqu’il s’est hissé au rang de guide suprême de l’État, et de nommer les présidents de la République ». Le député de Denniyé s’est opposé en outre à l’argument sur le droit de boycottage : « Lorsqu’il en est fait un usage abusif pendant dix-huit mois, on ne saurait parler de droit, mais de paralysie et de mainmise sur les institutions. »

Mais le Futur n’est plus au stade d’affronter les boycotteurs. Dans certains milieux du 14 Mars, on admet désormais que la présidentielle ne peut être dissociée d’un package-deal, qui porte notamment sur l’exécutif. Le ministre Michel Pharaon en a fait l’aveu clair hier.
Le courant du Futur, qui avait longuement défendu la primauté de la présidentielle, comme « clé de voûte de toutes les solutions », fait face désormais à une double problématique : s’il se résigne à négocier un package-deal afin de rompre l’état de vide – ce qui serait en soi une concession en faveur du Hezbollah –, il risque là encore de se heurter à de nouveaux atermoiements du parti chiite. Ce dernier pourrait en effet reporter indéfiniment la solution globale afin de se hisser en maître du compromis, et en grand timonier du timing du déblocage.
« Il y a un changement de mentalité chez le Hezbollah : il ne cherche plus à marquer des points, mais à s’imposer comme parti unique », constatent des sources du Futur, qui rapportent à L’Orient-Le Jour le point de vue de l’ancien Premier ministre Saad Hariri sur les récentes prises de position du Hezbollah. Ce dernier avait affirmé samedi à Rabieh qu’il attendra que « la situation mûrisse pour en cueillir les fruits ». « Le président Hariri a compris que le Hezbollah ne veut pas de compromis, puisqu’il continue de maintenir la candidature de Michel Aoun. Or, en ce qui nous concerne, il n’y a aucune possibilité d’appuyer cette candidature. Mais s’il arrive que le général Aoun décroche l’appui de Walid Joumblatt et de Nabih Berry, le courant du Futur ne boycottera pas la séance électorale, mais rejoindra les rangs de l’opposition », disent ces milieux. C’est ce qui aurait émané de la réunion dimanche dernier en Arabie saoudite, entre Saad Hariri et une délégation du Futur, regroupant Fouad Siniora, Nouhad Machnouk, Ghattas Khoury, Nader Hariri et Bassem Sabeh.
Le non catégorique que le Futur oppose à Michel Aoun ne serait toutefois pas lié à un veto saoudien.
Selon des informations attribuées à des sources FL, « l’Arabie saoudite n’oppose de veto à aucun des trois candidats en lice puisqu’elle reconnaît la décision chrétienne historique qui marque cette échéance. Si les chrétiens s’entendent sur le nom du général Aoun, l’Arabie ne s’opposerait pas à son élection (…), surtout que ce qui lui importe est la tenue de la présidentielle au plus vite, la permanence du vide étant la pire chose qui puisse arriver au Liban ». Cette position aurait été communiquée lors « des visites régulières et fréquentes de représentants des FL en Arabie saoudite », dont la dernière en date aurait eu lieu samedi dernier.
Une source autorisée du Futur ne dément pas l’absence de veto de l’Arabie contre Michel Aoun, mais rappelle que « c’est notre base qui s’est opposée avec virulence à sa candidature – et cela est un élément qu’il ne faut pas sous-estimer ». La différence entre Michel Aoun et Sleiman Frangié serait que le second n’a « jamais pris de positions susceptibles de menacer la convivialité ».
L’appui de Michel Aoun par Samir Geagea aurait, du point de vue du Futur, « inquiété et mécontenté la base sunnite », à tel point que « Samir Geagea risque de se faire huer par la foule s’il choisit de se rendre en personne à la commémoration du 14 février », estime ainsi un député du Futur. Les FL et le Futur chercheraient seulement à « sauver la face » de leur alliance. L’entretien entre Fouad Siniora et Georges Adwan n’aurait dans ce sens « rien apporté de nouveau ».
Quoi qu’il en soit, le chef des FL aurait décidé de ne pas se rendre à la cérémonie du 14 février, « pour des raisons sécuritaires », mais il prévoit d’y déléguer « un groupe important de cadres et de députés des FL ».
Le chef des Marada tendrait lui aussi à y déléguer le ministre Rony Araiji. Il est en tout cas presque certain que Saad Hariri n’annoncera pas officiellement son appui à la candidature de Sleiman Frangié.