Le Conseil des ministres qui s’est tenu hier a accordé la priorité à des doléances socio-économiques urgentes, qu’il a réussi à régler, sans prévoir pour l’heure de rentrées supplémentaires à la caisse de l’État.
Le gouvernement a ainsi approuvé des crédits à l’armée libanaise, d’une valeur de 50 milliards de livres libanaises, que le ministre de la Défense avait réclamés. Une source ministérielle confie à L’Orient-Le Jour que cette somme, consacrée à l’achat de munitions, sera puisée dans les réserves budgétaires allouées au ministère de la Défense.
La réunion ministérielle a également réglé la question de la titularisation des contractuels de la Défense civile, que l’on avait crue entravée par une insuffisance de crédits.
Le cabinet a fini par approuver hier les décrets d’application de la loi (votée lors de la réunion parlementaire exceptionnelle qui s’est tenue il y a près d’un an) sur la titularisation des contractuels de la Défense civile. Ces décrets portent sur les conditions de nomination des responsables et des membres respectifs des casernes affiliées à la Défense civile. Pour ce qui est des bénévoles de la Défense civile, les décrets prévoient l’organisation d’un concours de titularisation, sous la supervision du ministère de l’Intérieur, et qui serait préparé par le Comité de la fonction publique, en coordination avec les membres de la Défense civile qui viennent d’être nouvellement titularisés.
Les décrets prévoient en outre d’élaborer le budget relatif à la Défense civile.
Le nombre de bénévoles qui doivent être titularisés, ou encore les dépenses supplémentaires que la titularisation engendrera, ne sont pas révélés. « Les salaires des contractuels désormais cadrés ne changeront pas », croient savoir des sources ministérielles, qui précisent à L’OLJ que seule la titularisation des bénévoles qui auront réussi le concours conduira à un réajustement des salaires. La titularisation doit occasionner en outre des dépenses supplémentaires liées aux indemnités de fin de service.
Ce « premier pas positif » vers la création d’un cadre de la Défense civile est plutôt un acte de bonne volonté, encouragé par l’appui explicite qui avait été donné à cet organisme par le secrétaire général du Hezbollah lors de sa dernière allocution, et par la solidarité du Futur et du ministre de l’Intérieur avec les membres de la Défense civile.
Cette entente sur la titularisation, s’est accompagnée d’un accord tacite d’éluder, en Conseil des ministres, l’option de la majoration de la taxe sur le prix de l’essence.
Faisant l’objet d’une vive contestation civile et syndicale, à laquelle se sont joints des partis politiques comme les Kataëb, cette option impopulaire n’a pas été évoquée hier au sein du cabinet. D’ailleurs, plusieurs ministres qui faisaient leur entrée à la réunion se sont hâtés, devant les médias, d’opposer des réserves à cette mesure, y compris le ministre de la Justice, Achraf Rifi.
Alors que l’option d’une majoration de la taxe sur l’essence est attribuée au chef du bloc du Futur, Fouad Siniora, des sources du Futur précisent à L’OLJ que ce dernier n’avait pas avancé cette option à la lumière des doléances liées à la Défense civile. « Voyant les nombreuses failles budgétaires, M. Siniora a suggéré de rétablir la taxe de 3 000 livres sur le prix de l’essence qui avait été abolie, à son initiative, en 2008, à cause de la flambée du prix du pétrole », relèvent-elles.
Même si le débat autour de cette option a été suspendu hier, il pourrait émerger en marge des discussions budgétaires qui s’annoncent.
Bou Saab vs Khalil
Le débat autour des rentrées et dépenses a en effet meublé une grande partie de la réunion. Il a abouti à un accord en vue d’élaborer un nouveau budget, afin de régler les déséquilibres financiers, ou du moins de rationaliser les dépenses et d’activer des instances de contrôle.
Des débats ponctuels autour du budget ont révélé des « tensions sous-jacentes » entre les ministres, sur fond de scandales de corruption : alors que le ministre des Télécoms, Boutros Harb, a demandé le déblocage de fonds nécessaires pour verser les salaires des fonctionnaires d’Ogero, le ministre Waël Bou Faour a réclamé au préalable d’ouvrir « les dossiers de corruption du directeur d’Ogero, Abdel Menhem Youssef ». Il serait néanmoins probable que la question des salaires soit réglée aujourd’hui indépendamment de la polémique autour d’Ogero. Il a été décidé de consacrer une série de réunions du cabinet pour débattre et approuver un projet de budget.
« Il y a une orientation sérieuse vers l’approbation d’un nouveau budget », confie un ministre, qui évoque toutefois certains points budgétaires délicats qui pourraient faire l’objet de polémiques politiques. C’est pourquoi le ministre des Finances doit effectuer une tournée auprès des différentes parties politiques afin d’assurer la couverture nécessaire au chantier budgétaire. Le dernier budget avait été voté en 2006, sur la base des dépenses et recettes de 2005, qui s’évaluaient à un total de 10 000 milliards de livres libanaises. Un total qui équivaut aujourd’hui à 23 000 milliards de livres libanaises.
« Très heureux » de la relance du débat budgétaire, le ministre Nabil de Freige se dit également enthousiaste de la perspective d’approbation de nouveaux projets à l’ordre du jour du Conseil aujourd’hui, comme celui relatif à la construction du pont de Jal el-Dib. Il dit craindre toutefois « de nouveaux blocages » ce jeudi.
Il est en effet attendu que le Premier ministre soumette à l’approbation des ministres le déblocage des 50 millions de livres libanaises pour la mise en œuvre du plan d’exportation des déchets. Un plan auquel le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a opposé hier des réserves, tout en assurant qu’il ne compte pas l’entraver…
Enfin, la réunion s’est achevée sur un débat tendu entre le ministre de l’Éducation, Élias Bou Saab, et son collègue des Finances, Ali Hassan Khalil. Alors que le premier réclame le versement des salaires des enseignants contractuels, le second lui reproche de ne pas lui avoir soumis les documents relatifs dans les délais, lui enjoignant de soumettre de nouveaux documents pour l’année en cours. M. Bou Saab a déclaré qu’il avait l’intention d’inciter les enseignants à se mettre en grève jusqu’au versement de leurs salaires.
Le Conseil des ministres se trouvera aujourd’hui encore tiraillé entre les doléances pressantes et les sensibilités politiques.