La visite prévue demain, mardi, à Beyrouth, du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, annonce d’ores et déjà un signe d’éclaircie interne, à en croire les milieux du 8 Mars, qui n’ont de cesse d’appeler les Libanais à « accueillir positivement et avec sagesse » l’accord sur le nucléaire. Or les retombées politiques et régionales de cet accord, qui commencent à s’ébaucher en Syrie, pourraient rester encore longtemps incertaines : l’ambassadeur des États-Unis, David Hale, dont les propos ont été rapportés par une autorité politique citée par le quotidien al-Qabas, samedi, aurait évoqué le risque, pour les Libanais, de « pâtir des secousses diplomatiques en Syrie, aussi longtemps qu’ils ont pâti, pendant quatre ans, du séisme militaire en Syrie ».
En effet, « les négociations d’un accord sur la Syrie risquent d’être plus compliquées que celles de l’accord sur le nucléaire », aurait-il ajouté. Dans les hautes sphères politiques libanaises, l’optimisme n’a pas encore sa place et l’heure serait, semble-t-il, encore à l’attente. « Ce n’est pas cette année qu’un nouveau chef de l’État sera élu », estime-t)-on ainsi dans les milieux centristes.
En ce sens, l’issue trouvée pour court-circuiter les nominations sécuritaires ne serait pas le signe d’un déblocage qui commence, mais encore un moyen de gagner du temps en maintenant la stabilité dans le pays. Ainsi, les menaces d’escalade du Courant patriotique libre (CPL), en réaction à l’issue trouvée aux nominations sécuritaires, n’ont pas vraiment alimenté de craintes réelles dans les milieux politiques la semaine dernière.
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Au lendemain de la signature, mercredi soir, par le ministre de la Défense de sa décision de reporter d’un an le départ à la retraite de trois responsables militaires, les indices d’une réaction imminente et agressive, pourtant annoncée dans les discours des cadres du CPL, n’étaient pas visibles dans la pratique. Une source autorisée rapportait ainsi à L’Orient-Le Jour « une attitude calme des députés aounistes » lors de la réunion de la commission de l’Environnement, jeudi dernier, à peine quelques heures après le camouflet des nominations. Samedi dernier, la conférence de presse du leader du CPL, le député Michel Aoun, à l’issue d’une réunion urgente de son bloc, a amorti l’élan d’un recours immédiat à la rue. S’adressant à « chaque membre du CPL » en le rappelant à son devoir de « se tenir prêt lorsque l’heure aura sonné », le général Aoun s’est abstenu de fixer un rendez-vous concret à ses partisans. Le report du recours à la rue, ou, si l’on préfère, l’abstention de fixer une date aux protestations, donne lieu à deux interprétations : soit le général Michel Aoun sait très bien que ses alliés ne le soutiendront pas au plan populaire (le député Sleimane Frangié a été clair sur ce point), soit il n’a lui-même pas encore fait son choix dans ce sens, et attendrait, de concert avec le Hezbollah, d’utiliser la carte de la rue au moment opportun, expliquent des milieux politiques cités par l’agence d’informations al-Markaziya.
Cette double lecture est visible dans les nuances d’interprétations, au sein du 14 Mars, de la position aouniste. Ainsi, par exemple, pour le député Ahmad Fatfat, la décision du ministre de la Défense n’aurait pu se faire sans un accord préalable du Hezbollah, ce qui signifie que ce dernier a « abandonné son allié ». Le député Dory Chamoun, estime, pour sa part, que la menace d’escalade aouniste serait entretenue implicitement par le Hezbollah. En d’autres termes, même s’il a été cloué au pilori (ponctuellement), par un accord sous-jacent entre le Hezbollah et le Futur sur les nominations, le général Aoun est conscient de l’importance de la présence du parti chiite à ses côtés pour une éventuelle escalade, et le parti chiite, lui, pourrait tirer profit d’une telle escalade dépendamment de la stratégie qu’il souhaite mener sur la scène interne. Le Hezbollah continue d’ailleurs de soutenir les principes du « partenariat » invoqués par son allié, sans pour autant lui emboîter le pas sur la voie de la mobilisation.
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Des milieux centristes réfutent donc la thèse de l’abandon d’un allié par un autre et résument l’épisode des nominations sécuritaires par le fait que « le Hezbollah tient toujours au gouvernement ». Ceci n’a pas empêché le général Aoun de hausser le ton samedi, en sonnant la charge contre le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, qu’il a accusé de favoriser une stratégie militaire des « deux poids, deux mesures », et de faire cavalier seul « sous le couvert du gouvernement ». La réponse à ce discours lui est parvenue le jour-même du domicile de l’ancien président de la République, Michel Sleiman, à Lehfed, où ce dernier a réuni le vice-Premier ministre Samir Mokbel, à la tête des ministres sleimanistes, avec le commandant en chef de l’armée, en présence des ministres Achraf Rifi et Nouhad Machnouk. Les photos des rires échangés, dans une atmosphère visiblement très décontractée, entre le président Sleiman, le général Kahwagi et le ministre Machnouk, en tenue de week-end, ont fait le tour des médias et des réseaux sociaux.
Les discours des responsables du CPL qui ont suivi la charge du général Aoun durant le week-end ont entretenu l’escalade, en évitant toutefois de relancer les accusations adressées au commandement de l’armée.
Le thème des « droits des chrétiens » était ainsi au cœur du discours du ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, dans son allocution, à Zahlé, à la Faculté orientale, sur « le partenariat ». « L’Église catholique ne peut demeurer neutre face à l’élimination politique des chrétiens du Liban », a-t-il affirmé, élargissant ainsi les appels aounistes à la mobilisation. Des appels qui trouvent leur écho dans la colère populaire alimentée par la corruption générale sur le dossier des déchets. En visite hier à Aïn Dara, où il a été reçu par le moukhtar du village et des membres du conseil municipal, le député Alain Aoun a salué le refus des habitants d’offrir un dépotoir temporaire sur leur terre et déclaré que « la bataille menée par le CPL vise à changer la manière de traiter avec les chrétiens dans ce pays ». Pour sa part, le député Walid Khoury a affirmé hier, à la radio, que l’escalade sera tributaire du déroulement de la prochaine réunion du Conseil des ministres, jeudi prochain.
Signalons enfin qu’après son déplacement en Égypte, le Premier ministre Tammam Salam doit se rendre mercredi en Jordanie, à la tête d’une délégation, pour prendre part à la réunion annuelle du Haut-Comité libano-jordanien, l’occasion pour lui de s’entretenir avec le roi Abdallah II.