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L’élimination de Moustapha Badreddine, un épisode de la guerre de l’ombre régionale

Fady NOUN |  

Qui a tué Moustapha Badreddine, le chef des opérations secrètes du Hezbollah en Syrie ? En l’absence hier d’accusations directes lancées par le Hezbollah, les hypothèses les plus diverses ont circulé à ce sujet. Le secretqui a entouré cet attentat, perpétré de nuit selon certaines sources, cadre bien avec ce que l’on imagine être la guerre de l’ombre dans une Syrie livrée à l’anarchie. Pour certains, l’assassinat est signé Israël. Un fait, à cet égard, est troublant. C’est un média israélien qui, mardi, avait annoncé qu’Israël avait lancé un raid aérien contre un convoi du Hezbollah, information démentie sur l’heure par ce parti… mais qui se produit deux nuits plus tard. Au chapitre des réactions, l’agence Reuters a signalé que, selon un ancien responsable israélien, le Premier ministre Netanyahu « s’est réjoui » de l’élimination de Badreddine. Certains ont vu là une « signature » indirecte de l’attentat.

« Justice est faite », a-t-on pu lire hier sur les réseaux sociaux, au sujet de cette mort violente. Héros pour le Hezbollah, Moustapha Badreddine est en effet considéré par d’autres comme le « cerveau » de l’attentat terroriste qui a coûté la vie à Rafic Hariri, en février 2005.
Le Tribunal spécial pour le Liban le soupçonne en particulier d’être l’un des utilisateurs des 8 téléphones mobiles, tous achetés à Tripoli le jour même, qui ont servi aux exécutants de l’attentat, et qui n’ont plus jamais été utilisés après l’explosion des 1 800 kilos de TNT qui ont pulvérisé le convoi de l’ancien Premier ministre.

À juste titre, le TSL a refusé hier de commenter cette mort, mais il est probable qu’il voudra obtenir la preuve biologique que l’homme éliminé était bien Moustapha Badreddine, avant de suspendre les poursuites engagées contre lui et/ou le paiement des honoraires de l’avocat chargé de le défendre d’office.

Pour Waddah Charara, auteur de L’État Hezbollah, « le parti chiite est très gêné. Accuser Israël d’avoir mené une opération aérienne, c’est mettre en doute l’efficacité de la Russie à protéger l’espace aérien syrien ». En outre, « il ne faut pas exclure que cet assassinat soit le résultat de tiraillements entre le régime, la Russie et l’Iran », a-t-il déclaré à l’AFP. « Cependant, l’assassinat s’est passé dans la banlieue de Damas, près de la zone de l’aéroport, tenue par le régime. Il y a donc eu un travail de renseignement opéré en amont, qui peut par ailleurs associer plusieurs parties syriennes et régionales », souligne-t-il.

Ce flottement a conduit certains commentateurs du 14 Mars à affirmer qu’avec la mort de Moustapha Badreddine, c’est peut-être un nouveau « témoin gênant » dans l’assassinat de Rafic Hariri qui est éliminé, après ceux qui l’ont été en Syrie.

Le « numéro deux » du Hezbollah, Naïm Kassem, a indiqué qu’au plus tard ce matin les résultats de l’enquête seraient annoncés. Les heures qui viennent diront s’il pourra tenir parole.

Le système bancaire
L’assassinat de Moustapha Badreddine ne doit pas occulter l’attaque lancée par le Hezbollah contre la Banque du Liban, jeudi. Une attaque « milicienne » dans laquelle la BDL a été accusée d’avoir franchi les lignes rouges et atteint « les lignes noires », couleur épouvantail des chemises portées par les partisans de ce parti, et dont la seule évocation doit, dans l’esprit du Hezbollah, faire naître des sentiments de terreur chez l’adversaire. Attaque politique aussi, dont le but serait de désavouer à l’avance l’un des outsiders de la course à la présidence.

Il ne faut pas oublier, aussi, que ces attaques interviennent à la veille de l’arrivée au Liban de Daniel Glaser, secrétaire adjoint au Trésor américain chargé de vérifier que les lois visant à renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et les procédures de financement du terrorisme sont appliquées.

Ces attaques ont été très mal prises par quelques personnalités politiques, notamment par Samir Geagea, qui y ont vu une tentative de provoquer une faillite bancaire dans le prolongement de la faillite institutionnelle déjà accomplie.

C’est dans ce climat politique plutôt sombre, et surtout ambigu, que le président français François Hollande a fait parvenir, à une dizaine de jours de la visite que doit effectuer au Liban son ministre des Affaires étrangères (25 mai), un message au patriarche maronite, dans lequel il se dit « gagné » au modèle libanais et croit pouvoir s’engager à mettre à profit les relations internationales de la France pour une sortie de la crise présidentielle. Rêvons !