Le rapport du secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, sur la gestion des déplacements massifs de réfugiés et de migrants dans le monde, ayant recommandé entre autres « d’accorder un statut (aux réfugiés) dans le pays d’accueil lorsque les conditions ne sont pas propices à un retour », a conduit le Conseil des ministres, jeudi, à réaffirmer le refus de la naturalisation sur le territoire libanais, que prohibe en tout cas la Constitution.
La mise au point de l’Onu précisant que « le rapport ne préconise en aucun cas la naturalisation, ni l’octroi de la citoyenneté aux réfugiés » n’a pas suffi à calmer les réactions virulentes de politiques libanais, craignant l’existence d’un projet non déclaré de naturalisation des déplacés syriens au Liban.
Les représentants de l’Onu au Liban se sont donc employés hier à dissiper tout malentendu sur la question.
La coordinatrice de l’Onu au Liban, Sigrid Kaag, s’est rendue au palais Bustros pour un entretien qu’elle a requis avec le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, chargé par le gouvernement du suivi de l’affaire. Dans un communiqué, Mme Kaag a veillé à réaffirmer que « le rapport du secrétaire général de l’Onu constitue un exposé général de la situation des populations déplacées ». « Aucun État spécifique n’y est mentionné, a-t-elle indiqué. L’objectif du rapport est de promouvoir une action collective plus large et une meilleure répartition des responsabilités entre les États membres de l’Onu face aux mouvements importants de réfugiés et déplacés ». Si le rapport « promeut une meilleure intégration sociale et le rejet de la discrimination » à l’égard des déplacés, « il ne plaide nulle part en faveur de la naturalisation des réfugiés ». Elle a ajouté lors d’un point de presse que « M. Ban sait très bien que l’implantation est interdite par la Constitution libanaise ». Et de rappeler que « la crise des réfugiés au Liban ne se résoudra que par le biais d’une solution à la crise en Syrie, et lorsque les circonstances de leur retour seront établies ».
Pour sa part, M. Bassil a remis à la coordinatrice de l’Onu une lettre adressée à M. Ban, dans laquelle il exprime des réserves sur la recommandation onusienne invitant les pays d’accueil à élaborer des politiques nationales de manière à faciliter l’inclusion sociale des réfugiés, sans écarter l’option de leur naturalisation. Dans sa lettre, M. Bassil souligne la « seule solution » qu’il préconise : « Le retour sûr et rapide des déplacés chez eux. Nous refusons la naturalisation et les séjours prolongés sous toutes leurs formes. »
Par ailleurs, le représentant permanent du Pnud au Liban et résident coordinateur de l’Onu pour les affaires humanitaires, Philippe Lazzarini, a été reçu hier par le ministre du Travail, Sejaan Azzi, qu’il a tenu à rassurer en écartant toute velléité internationale de naturaliser les déplacés syriens au Liban. « M. Ban a été très clair lors de sa dernière visite au Liban, lorsqu’il a insisté sur le retour sûr et graduel des déplacés syriens », a souligné M. Lazzarini, avant de rappeler « l’appui continu de l’Onu au Liban, qui continue d’assurer un accueil exceptionnel de réfugiés ». Il a précisé enfin que le refus par les autorités libanaises de toute naturalisation est clairement parvenu aux responsables onusiens : « Les autorités libanaises ont été claires et leur position est conforme à leur Constitution. » La solution des États-Unis…
La diplomatie américaine s’est également activée auprès du Premier ministre, Tammam Salam, afin de dissiper tout malentendu sur la question de la naturalisation. Le chargé d’affaires près l’ambassade US, l’ambassadeur Richard Jones, qui vient de rentrer d’un séjour aux États-Unis, s’est rendu au Grand Sérail. « La mise au point (publiée la veille par l’Onu) est très utile en ce sens qu’elle clarifie la position de l’organisation sur la question des déplacés », a précisé M. Jones. Il a déclaré ensuite que son pays « comprend la sensibilité de la question pour le Liban ». Pour le diplomate, « la solution optimale est le retour des réfugiés chez eux dès que les circonstances s’y prêtent, et si ce retour s’avère impossible, c’est vers d’autres pays que les réfugiés devront être transférés pour être naturalisés ». Et M. Jones d’ajouter : « Les États-Unis font ce qui leur est dû à ce niveau. Le président américain avait déjà annoncé une augmentation du nombre de réfugiés que notre pays entend accueillir cette année. Ce nombre sera encore revu à la hausse l’année prochaine. Toutefois, il faut comprendre que toute la crise des déplacés est complexe pour tous les États qui y sont impliqués. »
Par ailleurs, le ministre des Affaires sociales Rachid Derbas a déclaré à l’agence d’informations al-Markaziya que la question de la naturalisation, qu’il a pris l’initiative de soulever lors du dernier Conseil des ministres, fait l’objet d’un « refus unanime de la part de toutes les composantes du gouvernement ». « La naturalisation ne passera jamais », a-t-il souligné.
« Les propos de Ban Ki-moon suscitent des appréhensions non seulement auprès des Libanais, mais aussi des Syriens », a-t-il fait remarquer par ailleurs. Revenant sur son entretien la veille avec une délégation de parlementaires de l’Union européenne, il a révélé avoir été contacté par la chef de la Délégation de l’UE, qui « m’a assuré que la naturalisation des déplacés syriens au Liban n’est même pas mentionnée dans les débats ». Ce que dément pour sa part le ministre Rony Araiji, qui a confié hier qu’il « n’existe encore aucun signe, au niveau international, susceptible de mettre en échec l’hypothèse de la naturalisation des déplacés ».
Notons enfin que l’ancien ministre des AE Farès Boueiz a lui aussi critiqué le rapport « choquant » du secrétaire général de l’Onu qui « déroge aussi bien à la légalité qu’à la justice internationales ».