L’ancien ministre Ziyad Baroud et l’expert Ziyad Sayegh réagissent pour « L’Orient-Le Jour » aux « interdictions » édictées par le ministre des AE concernant les réfugiés syriens au Liban.
Le ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre a défini hier ce qu’il a qualifié de « lignes rouges » de la politique à suivre sur le plan local à l’égard des réfugiés syriens et annoncé les mesures que se propose de prendre sa formation dans certaines municipalités du pays. Lors d’une conférence sur « l’action des municipalités » initiée par le CPL, Gebran Bassil a énoncé les « interdictions » à imposer à la population des réfugiés, dont celle d’ouvrir un commerce ou d’établir des camps sauvages.
« Il est interdit à toute municipalité relevant du Courant patriotique libre d’autoriser les réfugiés syriens à ouvrir un commerce », a-t-il dit. « Les personnes déplacées peuvent certes travailler, mais à condition de ne pas saisir des opportunités de travail en défavorisant les Libanais », a-t-il encore précisé. Également « prohibé », a poursuivi M. Bassil, « l’établissement de camps ou de lieux de concentration de déplacés syriens se trouvant dans nos municipalités ».
« Les autorités locales relevant du CPL ne sauraient non plus accepter le fait que la police municipale – quels que soient ses effectifs en nombre – ne puisse accéder aux lieux où résident les réfugiés syriens pour effectuer des perquisitions », a ajouté M. Bassil, précisant que toutes ces mesures « relèvent des prérogatives des autorités locales ».
« Politiquement, une autre paire de manche… »
Interrogé par L’Orient-Le Jour sur ce point et sur le fait de savoir si le président d’une municipalité peut effectivement prendre ce type de mesures, l’ancien ministre de l’Intérieur Ziyad Baroud a répondu par l’affirmative, ajoutant que le décret-loi (118/77) « prévoit en effet la possibilité pour les autorités locales de prendre toute mesure susceptible d’assurer la sécurité et l’ordre public, des concepts qui restent toutefois flexibles quant à leur portée et dans leur application », a estimé M. Baroud. « Les mesures évoquées par M. Bassil sont techniquement justifiées, mais, politiquement, c’est une autre paire de manche », a-t-il indiqué.
La pertinence politique d’une telle mesure devrait être évaluée sous l’angle de « l’échec de l’organisation de l’afflux et de la présence de réfugiés sur le sol libanais », a commenté de son côté Ziyad Sayegh, un expert du dossier des réfugiés au Liban. « Les propos de M. Bassil sont une preuve claire de la confusion générale qui prévaut à ce niveau, surtout de l’absence d’une politique générale unifiée à l’égard de cette question », a-t-il poursuivi.
Même si de telles mesures font effectivement partie du lot de prérogatives dont jouit le président de la municipalité, il n’en reste pas moins que l’État et plus particulièrement les ministères de l’Intérieur et du Travail ont la responsabilité de définir des politiques globales respectivement en matière de sécurité, d’organisation du secteur du travail et de création d’emplois qui doivent favoriser, en premier lieu, les Libanais. Des initiatives qui doivent s’inscrire dans le cadre d’un plan socio-économique défini pour l’ensemble des municipalités, une tâche qui incombe, en premier et dernier lieu, à l’État central, a-t-il expliqué.
« On peut qualifier ce qui se passe actuellement de réaction en lieu et place d’une action réfléchie et planifiée. Ceci est dangereux dans la mesure où il s’agit de décisions qui contribuent à la fragmentation de l’État », a conclu M. Sayegh, en allusion au discours de M. Bassil.
Ce dernier, qui a longtemps insisté sur l’importance de l’action municipale et du développement local, a par ailleurs rappelé dans la foulée la nécessité d’avoir un chef de l’État « issu d’une majorité populaire certaine et non d’une minorité ».