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La visite de Zarif, en plein blizzard des bazars…

 

L’ÉCLAIRAGE

Philippe Abi-Akl 

Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, arrive aujourd’hui à Beyrouth, dans le cadre d’une tournée régionale marquant l’ouverture d’une nouvelle étape après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien et la nécessité d’établir une coopération entre les différentes parties, notamment l’Iran et l’Arabie saoudite, en vue d’une reconnaissance d’un rôle de Téhéran à l’échelle régionale. Avant sa visite, le diplomate iranien s’est empressé de déterminer la position de l’Iran vis-à-vis des divers dossiers politiques dans la phase suivant la signature de l’accord. Dans un entretien au quotidien as-Safir paru la semaine dernière, le ministre iranien des Affaires étrangères affirme que « l’Iran souhaite établir des relations étroites avec ses voisins » et que l’accord de Vienne ne peut que rapporter des dividendes à ces derniers. M. Zarif exprime également le respect de son pays pour la souveraineté et l’indépendance des États, son rejet de la violation de leurs frontières et de l’ingérence dans leurs affaires internes, ainsi que la nécessité de saisir la chance d’une coopération entre les pays de la région pour profiter des dividendes techniques du nucléaire pacifique, conformément aux résolutions internationales.

La visite du chef de la diplomatie iranienne intervient à l’ombre de nombreux développements régionaux : il est ainsi question, selon des sources diplomatiques, d’un accord américano-russe, conclu entre John Kerry et Sergueï Lavrov en mai dernier en Belgique avant la signature de l’accord de Vienne, et qui porterait sur les solutions aux crises régionales. Moscou se serait occupé de mettre au point un règlement concernant le dossier syrien. Sa mission se serait ensuite élargie à la mise en œuvre d’une réconciliation entre Riyad et Téhéran et de contacts entre Damas et Riyad, en vue d’un règlement de la crise, qui serait précédé d’un congrès de l’opposition syrienne fin août à Moscou, visant à unifier les rangs de cette dernière et à élaborer un document politique comportant les revendications de l’opposition pour une solution. Ce document serait ensuite présenté lors d’un Genève III, que la Russie aspire à organiser. Des réunions de préparation à un Moscou I se seraient tenues à Istanbul entre le vice-ministre des Affaires étrangères russe, Mikhaïl Bogdanov, et des représentants de l’opposition syrienne de l’intérieur et de l’extérieur. Des rencontres entre l’opposition syrienne et des responsables iraniens auraient également eu lieu à cette même fin.

Selon les mêmes sources diplomatiques, un plan saoudo-turc visant à mettre fin à la crise syrienne aurait été mis sur pied. Ce plan refuse tout rôle à Bachar el-Assad dans la solution, dans la mesure où ce dernier n’a plus aucune crédibilité et a impliqué l’Iran dans le conflit, lui offrant ainsi un rôle régional aux dépens des Arabes. Le document appelle par ailleurs l’Iran à retirer les pasdarans et le Hezbollah de Syrie, dans la mesure où leur présence ne cesse de jeter de l’huile sur le feu et de reporter toute solution. Il serait alors enfin possible aux Syriens de résoudre leur crise eux-mêmes. Partant, Ankara et Riyad auraient accordé leurs violons sur la solution en Syrie, dans une même optique visant à nier tout rôle à l’Iran dans la solution – dans la mesure où la Syrie est une terre arabe, ce qui nécessite le retrait des instruments iraniens du territoire syrien – et toute participation d’Assad au règlement. Saoudiens et Turcs auraient également mis l’accent sur la nécessité de combattre Daech et les mouvements extrémistes. Ce sont ces positions que le royaume wahhabite aurait transmises au directeur des renseignements syriens, Ali Mamlouk, lors de sa visite Djeddah le 7 juillet dernier et à Moscou.

La coordination saoudo-turque intervient à la suite de la dynamique diplomatique qui a suivi la signature de l’accord, à travers notamment le sommet Kerry-Lavrov à Doha, où les deux diplomates ont tenté de réconforter leurs homologues des pays du Golfe – notamment le chef de la diplomatie saoudienne, Adel Joubeir –, et de les convaincre de la nécessité d’une participation de Téhéran à la solution politique des crises régionales. Les pays du Golfe avaient informé, à cette occasion, Washington et Moscou de leur refus catégorique de voir Téhéran s’ingérer dans les affaires arabes. Un diplomate arabe accrédité en Europe indique que la Russie a été invitée à jouer son rôle en coordination avec les États-Unis et l’Europe. Moscou aurait ainsi contribué à la visite de Ali Mamlouk en Arabie et à celle du chef de la diplomatie syrienne, Walid Moallem, à Téhéran. Il existerait également, selon cet ambassadeur, une volonté de redynamiser les rencontres à Oman, loin du feu des projecteurs, entre Riyad, Téhéran et Damas. La Russie souhaiterait, ajoute ce diplomate, fixer des priorités dans le cadre d’une feuille de route en faveur d’une solution à la crise syrienne. Là où le régime syrien réclame des législatives sous contrôle international, suivies d’une élection présidentielle et de la formation d’un cabinet, l’opposition, elle, insiste sur la formation d’un cabinet de transition disposant des prérogatives présidentielles, qui mettrait en œuvre un cessez-le-feu et veillerait au retour des réfugiés syriens afin qu’ils prennent part à la consultation électorale, puis à l’élection présidentielle.

Selon un ancien responsable libanais, le Liban n’est pas en marge de cette dynamique. Moscou, sous le titre de « protecteur des minorités » au plan régional, fait pression en faveur du déblocage de la présidentielle et de la dynamisation des institutions. La décision du ministre de la Défense, la semaine dernière, à la suite du Conseil des ministres, de proroger le mandat des chefs sécuritaires est l’une des manifestations de ce changement de climat, qui augure d’une série de rencontres, notamment entre MM. Zarif et Joubeir, bientôt, à Moscou.
La visite du chef de la diplomatie iranienne à Beyrouth, aujourd’hui, coïncide avec la date de la 27e séance pour l’élection d’un nouveau chef de l’État. La présence de M. Zarif sera donc une aubaine pour tâter le pouls de Téhéran concernant une volonté de faciliter l’échéance, surtout que l’Iran est pointé du doigt, à la tête du camp Hezbollah-CPL, comme le commanditaire du camp des boycotteurs. Sauf que, pour des sources du 14 Mars, la visite du diplomate iranien vise à confirmer la suprématie de Téhéran sur le monde arabe, du Yémen au Liban-Sud. Il est attendu que M. Zarif cherche à convaincre, durant sa visite, que l’Iran souhaite une solution en Syrie, en réponse au blocage arabo-turc actuel à une telle proposition.