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Berry reprocherait au Futur de le laisser seul face à Aoun…

Sandra NOUJEIM

Lors de son discours hier à Tyr, à l’occasion de la commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr et de ses deux compagnons, le président de la Chambre, Nabih Berry, a réédité ses précédentes positions (en faveur de la relance institutionnelle notamment) et rappelé son initiative de déblocage global dont les « clauses restantes » et les plus complexes sont l’entente sur le cabinet et la loi électorale comme préalables au déblocage de la présidentielle. Aucun espoir quelconque de solution proche, surtout lorsque l’on sait les divergences dans les milieux politiques sur la nécessité, voire l’existence d’un package deal à l’heure actuelle.
L’on retiendra en revanche de ce discours le signe concret d’un apaisement des rapports entre Aïn el-Tiné et Rabieh : le président de la Chambre s’est abstenu de pointer du doigt de manière précise le récent boycottage du gouvernement par le bloc du Changement et de la Réforme, tout en rappelant l’impératif de « ne pas recourir à la rue » et de préserver la stabilité. Ce faisant, M. Berry a réaffirmé son souci de maintenir une marche a minima des institutions, sous-tendu par la volonté stratégique du Hezbollah de préserver le statu quo actuel. Rappelons en effet que le timing d’une solution régionale n’est pas propice, et le Hezbollah n’est pas disposé à se préoccuper de considérations internes, étant accaparé par le terrain syrien. Cela sans compter l’enjeu fondamental, pour le parti, de monnayer un éventuel déblocage au Liban.
« La situation interne telle quelle sied parfaitement au Hezbollah, et ce dernier n’est pas près de la compromettre », relève à L’Orient-Le Jour un député du bloc parlementaire du Futur. Et le bloc aouniste a vite compris, semble-t-il, qu’il sera le seul à mener une escalade isolée, et surtout non souhaitée par ses alliés. La rencontre mardi dernier entre le président de la Chambre et le ministre Élias Bou Saab – présent à la cérémonie hier – a signalé un début de décompression de l’escalade aouniste annoncée. L’ancien ministre Salim Jreissati confirme à L’OLJ « l’apaisement » des rapports avec Aïn el-Tiné. Selon lui, « le président Berry a pris conscience qu’on ne peut aller trop loin sans le Courant patriotique libre (CPL), ni trop loin contre lui. En contrepartie, le CPL a pris conscience d’un fait que le général Michel Aoun avait déjà maintes fois répété lors des réunions de son bloc, à savoir que le président Berry est un élément incontournable dans l’équation des échéances nationales ».

« Notre allié commun… »
Pourtant, sur le dossier présidentiel, Nabih Berry maintient une position hostile à la candidature du général Michel Aoun, une position qu’il aurait d’ailleurs communiquée au ministre Gebran Bassil, à la fin de la réunion qui avait abouti à un accord confidentiel sur la gestion des ressources gazo-pétrolières. Sollicité par Gebran Bassil sur le dossier de la présidentielle à la fin de leur entretien, M. Berry lui aurait répondu en dissociant clairement l’accord économique de la présidentielle, rapporte une source ministérielle. Qui plus est, alors que le dialogue se poursuivrait entre le CPL et les acteurs du courant du Futur réceptifs à l’option Aoun – selon des sources concordantes des deux camps –, le président de la Chambre reprocherait au Futur de le laisser seul dans sa confrontation de la candidature du général Aoun. Des milieux du bloc du Futur, hostiles à cette candidature, rapportent ainsi à L’OLJ que « le président de la Chambre est frustré par l’ambivalence des positions du Futur » à ce sujet.
C’est un autre son de cloche qui émane de Salim Jreissati. « Il existe certes des différends de choix entre le président Berry et nous, mais seulement de choix déclarés. C’est-à-dire que les différends sont de forme, pas de fond », dit-il. Il en est ainsi de la présidentielle. « En dépit de ce qui est déclaré, serait-il possible d’envisager un instant que notre camp puisse avoir deux candidats différents ? » s’interroge-t-il. Dans le fond, le président de la Chambre serait favorable à l’option Aoun, surtout que « notre allié commun, à savoir le Hezbollah, a fait et déclaré son choix, et agi en faveur du général Aoun ». Il reste à M. Berry de prendre à son tour fait et cause pour ce choix, qui est celui du 8 Mars, « et d’agir en conséquence », poursuit M. Jreissati.
Cette demande adressée au président de la Chambre n’est-elle pas implicitement dirigée contre le Hezbollah et son inaction concrète, surtout qu’elle rejoint l’approche du bloc du Futur, lequel presse le 8 Mars avec plus d’insistance à prendre une position unifiée en faveur d’un candidat ? La question ne se pose pas au niveau du Hezbollah, qui a fait ses choix, répond l’ancien ministre. « C’est avec le président de la Chambre que nous devons entretenir la relation », ajoute-t-il.

Panne de communication
Et pour cause : ce qui empêcherait à l’heure actuelle Nabih Berry de franchir le pas – en somme « logique » – et de soutenir ouvertement le général Aoun serait « une panne de communication » à laquelle Rabieh entend remédier, en redéfinissant « des principes régulateurs dans nos rapports bilatéraux », explique M. Jreissati, sans plus de précision.
Il reste que cette accalmie devrait se traduire dans un premier temps par une participation du CPL à la table de dialogue lundi prochain, où il a prévu de soulever la question du pacte national. Relevant sur ce point « l’absence d’une définition » du pacte – une faille que nul ne conteste, du reste –, M. Jreissati appelle les parties au dialogue à y remédier. La définition que le bloc aouniste défend serait celle du grand constitutionnaliste Edmond Rabbath. Ce dernier estime qu’« une décision quelconque, une politique, ou une tendance », qui émanerait d’« un président de la République, d’un gouvernement ou d’un quelconque responsable », serait considérée comme contraire au pacte à partir du moment où elle pourrait avoir pour résultat « une dissension confessionnelle ». C’est donc dans ce cas qu’il y aurait atteinte au pacte énoncé dans le préambule de la Constitution, explique-t-il. Sur cette base, le bloc du Changement et de la Réforme continue de condamner le dernier Conseil des ministres en l’absence des « ministres à même de rassurer les chrétiens ». En revanche, le bloc ne considère pas le gouvernement monochrome de Nagib Mikati, dont il avait partie, comme ayant « porté une menace aux sunnites », et donc contrevenu au pacte.
C’est dire, en somme, l’absurdité des contradictions, qui conduisent les milieux du Futur à minimiser d’entrée le débat sur le pacte national, « sujet à beaucoup de divergences ». Les menaces d’escalade « contre rien », selon ces milieux, seraient, à l’instar « des petites querelles Berry-Aoun », vouées à être balayées d’un revers de la main « lorsque viendra l’heure des solutions »…