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Le Liban est-il toujours une priorité pour les Libanais ?

Fady NOUN

« Le Liban reste sur la liste des priorités des États-Unis », assure le sous-secrétaire d’État Thomas Shannon, en visite au Liban. Mais l’est-il pour les Libanais eux-mêmes ? On est en droit d’en douter. Aussi bien le Courant patriotique libre que le courant du Futur se sont déclarés non concernés par la pointe lancée dimanche par Nabih Berry, au cours du meeting commémorant la disparition de l’imam Moussa Sadr en Libye. Le président de la Chambre avait critiqué les « caprices » de ceux qui traînent les pieds, et ne sont pressés ni d’élire un président de la République ni de faire réussir la conférence nationale de dialogue qui se tient lundi prochain, à Aïn el-Tiné. Mais à quel jeu se prête-t-il lui-même ?
Outre l’échéance du dialogue national, la semaine qui vient comprendra aussi un Conseil des ministres. De toute évidence, les discours incendiaires de Gebran Bassil et les menaces d’un recours à la rue n’ont pas intimidé les autres composantes politiques du gouvernement, qui ont, elles aussi, affirmé qu’elles peuvent recourir à la rue. En attendant, deux grandes composantes du gouvernement, le courant du Futur et le bloc de Michel Sleiman (3 ministres), se sont prononcées hier de facto pour le maintien dans ses fonctions du général Jean Kahwagi.
Pour en revenir à M. Shannon, ce dernier est venu demander au Liban de pallier la vacance présidentielle le plus vite possible, en lançant : « Nous ne pouvons pas choisir pour vous. » « Aide-toi, le Ciel t’aidera », pourrait-on dire tout aussi bien. C’est exactement ce que la France n’a cessé de répéter, tout au long des mois passés, et jusqu’à la lassitude. Il faut croire, en fait, que, découragés par le degré de soumission au fait accompli des Libanais, les responsables français n’ont plus envie de prononcer le mot « Liban ». De fait, aucune trace de notre pays ne figurait dans le discours prononcé par le président François Hollande, mardi dernier, à l’ouverture des travaux de la « Semaine diplomatique française », et l’on affirmait, de source proche du Quai d’Orsay, que le dossier de la présidentielle pure était désormais du passé, et l’on se rapprochait de la formule « package deal ». Présidentielle-présidence du Conseil-loi électorale.

L’imam Sadr et le dossier des disparus
Sur un autre plan, détail symptomatique de la manière dont les affaires d’État sont traitées, un jugement a interdit hier à une avocate de s’exprimer en public sur ce qu’elle sait du sort de l’imam Moussa Sadr, porté disparu il y a 38 ans en Libye. Certes, ménager les sentiments de la famille et tenir compte de certaines considérations juridiques semblent légitimes. Mais n’est-il pas temps, si le pays doit se relever de la guerre, d’accepter une opération vérité ?
Mardi dernier, à l’occasion de la Journée mondiale des disparus, Wadad Halawani, qui s’exprimait au nom du comité des familles des détenus en Syrie, des familles des personnes disparues et enlevées au Liban et de Solide (Soutien des Libanais en détention et en exil), préconisait, une fois de plus, le vote du projet de loi portant création d’une Commission nationale d’enquête indépendante pour les victimes de disparitions forcées. Le projet dort, pour le moment, dans les tiroirs de la Chambre.
C’est à se demander s’il n’y a pas quelque part de la lâcheté à ne pas vouloir regarder notre passé en face et poser les fondements d’une réelle réconciliation nationale, où tout le monde reconnaîtrait ses torts, et où les personnes qui ont été laminées par les souffrances de la guerre, et d’abord les parents des personnes disparues ou détenues en Syrie, recevront un début de justice.
Le président du comité des anciens détenus libanais en Syrie, Ali Abou Dehn, a annoncé hier qu’un travail de mémoire allait être fait sur chaque Libanais ayant fait de la prison en Syrie. Il a en outre fait l’apologie du film Tadmor (Palmyre, du nom de la plus sinistre des prisons syriennes), projeté lors d’un festival du film en Suisse, pour sa description des méthodes de torture en usage dans les prisons du régime syrien. M. Abou Dehn a en outre proposé que les indemnités qu’on accorderait aux anciens détenus libanais en Syrie soient prélevées sur les mensualités des députés qui refusent de voter en faveur du projet de création d’une commission d’enquête nationale…