Jour après jour, on se rapproche de la République de l’absurde où la guerre des ego se fait de plus en plus acharnée sur fond d’un sabotage institutionnel qui risque d’emporter tous les passagers à bord.
Sauf que cette fois-ci, le risque est grand de voir le gouvernement passer du « coma vers l’agonie », une image utilisée hier par le ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, qui effectuait, pour L’OLJ, un diagnostic sur l’état de pourriture de la situation dans un pays parvenu au bord du gouffre.
Après le énième ratage de la séance de dialogue couronné par la menace de la suspension de ce que d’aucuns considèrent comme une hérésie institutionnelle stérile, les interrogations s’accumulent sur l’avenir d’une institution autrement plus officielle qui lutte aujourd’hui pour sa survie, à savoir le gouvernement.
Le test pour son maintien en vie sera lancé dès jeudi prochain, date à laquelle une réunion du Conseil des ministres est prévue en l’absence du ministre Kataëb, déjà démissionnaire, et laquelle il faut ajouter celle des ministres du bloc du Changement et de la Réforme, qui, semble-t-il, ont décidé de définitivement couper les ponts.
Couper les voies menant au Sérail
Suite à une réunion qui a eu lieu lundi soir à Rabieh, l’ultimatum a été lancé : le CPL procédera prochainement à « une escalade progressive », consistant notamment à des « mesures politiques de protestation cumulées au recours à la rue », devait préciser à la télévision hier l’un des députés du bloc du Changement et de la Réforme, Hekmat Dib.
Le « ras-le-bol » du CPL a été exprimé par son chef Gebran Bassil, qui a évoqué une « profonde crise du système », assurant que cette « République est devenue inutile ». La protestation des aounistes sera formulée à travers une action concertée qui irait jusqu’au blocage des axes routiers menant au Sérail, afin d’empêcher la tenue des réunions futures des membres restants de l’exécutif, a encore indiqué M. Dib à la LBCI.
La tension est donc à son paroxysme et rien ne va plus au lendemain d’une séance de dialogue qui s’est conclue par un bras de fer des plus « inquiétants » entre les protagonistes, a affirmé à L’OLJ une source autorisée du Hezbollah qui a toutefois évité de dire qui sont ces protagonistes, à savoir Gebran Bassil et le chef des Marada, Sleiman Frangié.
C’est ce qui fera dire d’ailleurs à plusieurs commentateurs que « le dialogue ne sera plus jamais le même après la confrontation de lundi », ses conséquences devant inéluctablement se répercuter sur le prochain Conseil des ministres, voire sur l’avenir de l’ensemble du fonctionnement des institutions.
Le gouvernement aux soins intensifs
Plusieurs ministres ont d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme – l’une des rares fois où il faudra les croire sur parole au vu de la gravité de l’impasse –, mettant en garde contre le spectre de l’effondrement total. M. Derbas l’a clairement exprimé hier en parlant de la nécessité la plus urgente de sauvegarder un exécutif qui « survit simplement grâce à la réanimation artificielle ».
Tout en évoquant le spectre de la démission du tiers + un des ministres, synonyme de chute du gouvernement, M. Derbas a assuré que pour l’instant cette éventualité est à écarter tant que le Premier ministre restera aux commandes.
Si la volonté de Tammam Salam est indéniablement celle de continuer à mettre à profit sa légendaire « patience » pour sauver les meubles, personne ne sait à ce jour pour quel scénario il optera demain jeudi.
M. Salam va-t-il décider de maintenir coûte que coûte la réunion du gouvernement dans une ambiance aussi électrique ou va-t-il tout simplement, comme l’ont suggéré certaines informations de presse, « arranger » un défaut de quorum pour éviter de verser de l’huile sur le feu et éluder le problème posé par le CPL ?
De sources ministérielles, on fait état de trois options : un report pur et simple sur décision de M. Salam, un défaut de quorum, ou la tenue de la réunion « loin de toute provocation comme le commande la sagesse », comme le dit M. Derbas.
Le Hezbollah, qui joue, une fois de plus, à calmer les esprits, a d’ailleurs envoyé ses représentants auprès du chef du gouvernement l’exhortant à reporter la réunion jusqu’à ce que l’orage passe et que la médiation entreprise notamment par le parti chiite auprès du CPL puisse aboutir.
« À ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse du Sérail. Mais nous espérons qu’une autre composante au moins du gouvernement nous rejoindra dans cette requête pour convaincre M. Salam de la nécessité du report », confie une source proche du parti.
S’abstenant de confirmer ou d’infirmer les échos autour d’une réunion prochaine entre le secrétaire général du parti chiite et le général Michel Aoun pour calmer le jeu, cette source assure toutefois que « les députés du parti feront quand même acte de présence si la réunion est maintenue ».
Dans les milieux du Hezbollah, on insiste sur la priorité à accorder à la stabilité du pays à l’ombre du feu qui l’entoure au niveau de la région et non pas aux conflits de politique politicienne. On souligne également que si le Liban a réussi à ce jour à préserver une stabilité relative, « il serait absurde d’en venir aujourd’hui à tout saboter ».
Rappelant pour sa part que les députés et ministres du parti chiite ont exprimé à plusieurs reprises, et à nouveau hier, leur volonté de préserver aussi bien le dialogue que le gouvernement, le ministre des Affaires sociales a indiqué dans un entretien à L’OLJ que le Hezbollah s’efforce aujourd’hui d’« unifier l’agenda du camp du 8 Mars » à travers une nouvelle médiation qu’il tentera auprès des frondeurs, à savoir le CPL. « À défaut, a-t-il dit, les aounistes risquent d’embarrasser leurs alliés chiites bien plus que leurs adversaires. » D’ailleurs, a laissé entendre M. Derbas, il est clair que le Hezbollah ne « soutient pas son allié » dans sa politique de sape des institutions.