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Le Premier ministre conforté par la communauté internationale

 

Fady NOUN |  

Fort de tout ce que le pays oppose comme résistance à la présence encombrante des réfugiés syriens, le Premier ministre Tammam Salam prend l’avion demain pour New York, où il assistera lundi au sommet des Nations unies pour les réfugiés et les migrants et à d’autres sessions de l’Assemblée générale de l’Onu.
Certes, surmontant des réactions xénophobes confinant au racisme, divers ministères tentent vaille que vaille de mettre de l’ordre dans ce flux démographique imprévu qui s’est infiltré dans toutes les régions. C’est le cas en particulier du ministère de l’Éducation nationale, qui a annoncé hier une augmentation de la capacité d’accueil des écoles publiques. Mais il faudrait un pays nettement moins troublé que le Liban de 2016 pour appréhender ce problème de sang-froid.
Le Premier ministre est accompagné du ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, qui est loin de partager ses points de vue sur la crise interne ou sur celle des réfugiés. M. Bassil a précédé M. Salam à New York et inaugurera aujourd’hui les travaux de la conférence dite « Diaspora Energy » qui s’y ouvre, parallèlement aux travaux de l’Assemblée générale de l’Onu. L’objectif de la conférence est de tenter de mettre en place un lobby libanais en Amérique du Nord.
La présence à New York de M. Salam lui donnera certainement l’occasion de rencontrer des chefs d’État et responsables étroitement concernés par la crise régionale, et celle du Liban en particulier, ainsi que de peaufiner les détails de la rencontre du groupe de pays amis du Liban qui se tiendra à la fin de l’année, à Paris, sous l’égide de la France.
Avant son départ, le Premier ministre a reçu de la part des représentants des cinq grands du Conseil de sécurité et de l’Onu un signe ostentatoire et unanime d’appui qui va au-delà de sa personne et touche aux institutions dont il se considère le garant, en particulier au Conseil des ministres, que le Courant patriotique libre essaie de paralyser, faute de pouvoir le plier à sa volonté.
La réunion est un signe fort adressé aussi bien à M. Salam qu’à l’opposition à son pouvoir, jugé « non conforme au pacte national », un argument qui s’émousse de jour en jour, dans la mesure où aucune autre composante communautaire ni aucun autre mouvement ou parti politique ne semblent vouloir suivre le camp aouniste, sinon sur le fond, du moins dans la forme quasi anarchique qu’il cherche à imprimer à son mouvement.
Du reste, on apprenait hier, par la voix de Naji Gharios, que la décision du recours à la rue du CPL, agitée depuis deux ou trois semaines, « n’a pas encore été prise ». Certains en concluent que le chantage à l’escalade du CPL est celui d’un courant qui s’est engagé dans une impasse et dont la seule issue est la fuite en avant.
L’absence de M. Salam a également du bon, dans la mesure où elle apaise momentanément les tensions qui se sont manifestées dernièrement sur le plan interne, dans la perspective des échéances sécuritaires qui s’approchent, notamment l’expiration du mandat du général Jean Kahwagi, à la fin du mois en cours.

Maîtres-chanteurs
D’ores et déjà, toutefois, en l’absence d’un Conseil des ministres susceptible de nommer un successeur au général Kahwagi, en l’absence au départ d’un consensus sur l’identité de ce successeur, il semble acquis que son mandat sera prorogé de facto d’un an, sous la forme d’un « renvoi de la date de mise à la retraite » de l’officier. Du reste, la réunion, hier, du général Kahwagi avec le ministre de la Défense, Samir Mokbel, lors de laquelle les deux hommes sont apparus parfaitement détendus, et la rencontre ultérieure de M. Mokbel avec le Premier ministre, en disent long sur ce que l’on doit attendre de ce côté-là. Selon les experts, l’article 55 de la loi militaire autorise le ministre à prendre la décision adéquate pour éviter toute vacance à la tête de la hiérarchie militaire.
Dans un pays où les maîtres-chanteurs, que ce soit au plan politique, sécuritaire ou social se multiplient, comme en témoignent les défis lancés aux forces de l’ordre ou à la justice, la volonté de vivre, et de vivre en commun, continue de s’afficher quand même. C’est ainsi que le patriarche maronite a invité hier le vice-président du Conseil supérieur chiite, Abdel-Amir Kabalan, à s’associer personnellement à la cérémonie de prière qui se tiendra en la basilique Notre-Dame du Liban, à Harissa, à l’occasion de la Journée mondiale de prière pour la paix.
Parallèlement, le patriarche a reçu hier le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, avant le voyage qu’il doit effectuer au Vatican, à l’invitation du pape François. Que peut bien vouloir le pape du général Ibrahim ? Selon les observateurs, le souverain pontife voit dans Abbas Ibrahim un « middle man », un homme qui sait rester en bons termes avec tout le monde et qui, par là, est susceptible d’intervenir aussi bien sur le plan local que régional, compte tenu de l’enchevêtrement des forces et des intérêts qui marque la région. On n’oublie pas, au Vatican, les deux évêques syriaque-orthodoxe et grec-orthodoxe, Youhanna Ibrahim et Boulos Yazigi, disparus il y a trois ans, près d’Alep, et l’espoir de les retrouver, ou au moins de connaître leur sort, continue d’être vif.