Le ministre de l’Agriculture, Akram Chehayeb, s’est montré hier nettement plus optimiste que les jours précédents au sujet d’une issue positive à la crise des déchets qui dure depuis plus de trois mois.
S’exprimant dans le cadre du talk-show Kalam en-Nass de Marcel Ghanem, M. Chehayeb a laissé entendre qu’un second site pour accueillir une décharge pourrait être fixé dès aujourd’hui et, partant de ce fait, qu’une séance du Conseil des ministres serait convoquée « dans les prochaines heures ».
Le ministre n’a néanmoins pas abandonné toute prudence dans ses propos. « Si un site de décharge est définitivement adopté demain (aujourd’hui) par le Hezbollah et Amal (dans la Békaa ou au Liban-Sud), suivi d’une étude de la viabilité économique et technique, nous aurons fait un pas de géant vers une résolution du dossier des déchets ménagers en Conseil des ministres », a-t-il dit.
Cela signifierait donc que le plan de sortie de crise préparé par la commission d’experts qu’il préside depuis plusieurs semaines serait pratiquement sur la voie de la mise en application.
« Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil (bloc Berry), nous a notifiés que la désignation d’un site sera confirmée d’ici à la réunion du Conseil des ministres », a-t-il dit sans plus de précision. « C’est un site qui fait partie de ceux déjà étudiés et approuvés. Il suffirait de cinq jours pour y établir une aire de stockage des déchets. »
La mise en application du plan attendait, rappelons-le, la désignation d’un site de décharge dans la Békaa ou au Sud, l’autre site de décharge principal étant à Srar, dans le Akkar. Les déchets empilés devront être transportés vers la dernière cellule encore ouverte de la décharge de Naamé, dans un délai de sept jours.
Dans une sorte de bilan de trois mois de crise, M. Chehayeb a parlé d’environ 100 000 tonnes de déchets toujours empilés dans les rues, de 10 à 12 000 tonnes qui ont été incinérés à l’air libre, et quelque 100 000 tonnes qui ont été enfouis dans diverses régions, dont un volume conséquent sous un mur de l’aéroport de Beyrouth, provenant de la banlieue sud. Ces déchets sont recouverts de terre. Et le nombre de décharges sauvages a explosé dans le pays.
Srar, Békaa ou Sud, Saïda, Bourj-Hammoud
Le ministre Chehayeb a confirmé, au cours de son interview, que le travail de réhabilitation a repris dans la décharge de Srar, au Akkar. Il avait été interrompu en raison de plaintes des habitants qui souffraient d’odeurs dégagées par le retournement du sol, qui contient déjà des tonnes de déchets enfouis. Actuellement, selon lui, les tractations et la persuasion ont permis de remettre les choses sur la voie.
L’autre décharge doit donc être située dans la Békaa ou au Sud. Le ministre a détaillé les négociations avec les deux formations majoritaires sur le terrain, le Hezbollah et Amal. Selon lui, plusieurs sites ont été proposés successivement, dont plusieurs refusés par la commission d’experts parce que non adéquats du point de vue de la nature du sol, comme Boudaï et Wadi Sahour, très riches en eau. D’autres, comme Janta, ont été approuvés par la commission mais rejetés par le Hezbollah pour des raisons « sécuritaires », liées au conflit en cours à la frontière libano-syrienne. Cinq sites ont été identifiés dans un no man’s land entre les deux pays, mais appartenant à l’État libanais : trois se sont révélés inaptes à recevoir des décharges alors que deux l’étaient. Un de ces terrains accueille une décharge sauvage, mais son adoption a été refusée par les habitants de la région. On attend donc de connaître le site définitif adopté par toutes les parties concernées.
Parmi les autres sites évoqués dans le plan Chehayeb, il y a l’usine de tri et compostage de Saïda, qui devra accueillir 250 tonnes par jour. Le plan prévoit aussi un projet de réhabilitation du dépotoir de Bourj-Hammoud : construction d’une jetée et remblayage de 55 000 mètres carrés dans la mer, qui deviendront terrain public (cette partie du plan a déjà été très critiquée par plusieurs écologistes), traitement de la montagne elle-même, dont une partie devra servir au remblayage, création d’une cellule pour les déchets qui ne sont toujours pas devenus inertes. Cette cellule pourrait recevoir, durant un an, quelque 600 tonnes de déchets des régions environnantes, ce qui réduirait le tonnage envoyé dans le Akkar ou dans la Békaa (ou au Sud). M. Chehayeb a dit ne pas avoir eu de réponse définitive de la part de la municipalité ou du parti Tachnag. Contacté au cours de l’émission, Hagop Pakradounian, président du parti, a déclaré que « l’affaire est en cours d’étude ».
M. Chehayeb a été interrogé sur l’option de l’exportation des déchets, qu’il a considérée comme « la pire des solutions, celle du dernier recours », parce que coûteuse et nécessitant des délais importants. Il a néanmoins précisé qu’il y avait eu trois offres à ce niveau.
Également interrogé sur l’incinérateur qu’on prévoit d’installer à Dhour Choueir, le ministre a souligné que le plan n’a pas tenu compte de l’option de l’incinération, se limitant à celles de la production d’énergie par récupération de méthane et par les combustibles issus des déchets (RDF). Selon lui, toute installation d’incinérateur nécessite un permis des ministres de l’Industrie et de l’Environnement et requiert une étude d’impact environnemental.
Enfin, le ministre a évoqué la nécessaire adoption d’une taxe sur les déchets, seule mesure susceptible de pousser les gens à réduire leur production de déchets à la base.