C’est peu dire que le dossier des déchets s’enlise dans les méandres des pressions et des calculs politiciens. C’est en tout cas ce qu’a affirmé hier le ministre de l’Agriculture Akram Chehayeb dans une interview accordée au quotidien as-Safir. « Les veto qui ont émané de part et d’autre concernant la mise en place de décharges dans différentes régions » ont montré que l’enthousiasme affiché par les composantes politiques du gouvernement n’était que de façade, a ainsi soutenu M. Chehayeb avant de pointer du doigt les médias qui, selon lui, ont également et à certains égards joué un rôle négatif dans la perception du plan de gestion des déchets par l’opinion publique.
L’heure est donc à l’introspection une nouvelle fois et à la recherche de nouvelles alternatives, parmi lesquelles le transport des déchets à l’étranger, une solution qui serait intermédiaire, le temps que le plan Chehayeb commence à être exécuté. Pour le moment, et en attendant que les responsables rendent pratiquement possible le transport de centaines de milliers de tonnes à l’étranger, les différentes décharges de Beyrouth et de la banlieue sud non loin de l’aéroport ont encore une capacité respective de deux semaines et d’un mois. « Le vrai problème se situe dans le Metn et au Kesrouan », a indiqué le ministre. Du côté du ministère de l’Environnement, Mohammad Machnouk a également affirmé que « l’ensemble des forces politiques ont échoué dans la tentative de trouver une seule nouvelle décharge et nous sommes actuellement en train d’examiner, une fois de plus, l’option du transport des déchets ».
Veto en série
Pour mettre en place un système d’exportation des déchets, une étude approfondie doit avoir lieu notamment en ce qui concerne le cahier des charges. C’est dans cette direction que le Premier ministre Tammam Salam est actuellement en train de concentrer ses efforts, a expliqué le ministre de l’Information Ramzi Jreige à L’Orient-Le Jour. Le Premier ministre s’est ainsi réuni tour à tour hier avec le ministre des Affaires sociales Rachid Derbas et le ministre de l’Agriculture Akram Chehayeb. Également au Sérail, M. Jreige a déclaré dans ce contexte que « l’heure est à l’impasse ». Pour lui, « l’État doit pouvoir user de son pouvoir souverain pour choisir les emplacements des différentes décharges qu’il convient de mettre en place». Dans ce cadre, le député Talal Arslane a fait savoir hier qu’il refusait l’installation d’une décharge «dans notre région» sur le site proposé de la Costa Brava, avant d’assurer qu’il est avec le ministre Chehayeb sur la même longueur d’onde en ce qui concerne les décharges de Choueifat et de la Montagne, dénonçant « ceux qui veulent pêcher en eaux troubles ». En outre, c’est dans ce contexte que les habitants de la région de Marjeyoun ont entamé un sit-in hier pour protester contre une décharge sauvage improvisée près de la rivière Marj el-Khokh. C’est un habitant de la région qui y aurait déversé des ordures à l’insu des habitants sur le site d’une ancienne carrière surplombant la rivière. Le président de la municipalité de Khiam, Abbas Awada, a souhaité que l’État demande des comptes « à tous ceux qui transportent les déchets et les déversent dans des lieux inappropriés. Il faut que les responsables ramassent ces ordures à leur compte avant qu’une catastrophe écologique n’ait lieu dans nos régions ».
Face aux veto qui se multiplient, région après région, concernant la mise en place de décharges, « l’option de délocalisation des déchets est une solution intermédiaire et cela peut être mis en place assez rapidement, à en croire les estimations du Premier ministre », a affirmé M. Jreige. Même son de cloche du côté du député Simon Abiramia qui a réclamé « une solution intermédiaire puis définitive à la crise des déchets ».
Cercle vicieux
De son côté, et dans un entretien accordé à la radio Voix du Liban 93.3, le député Serge TerSarkissian a estimé que « la délocalisation des déchets est extrêmement onéreuse et complexe à réaliser ». Et pendant que la politique bloque toute issue immédiate, certaines municipalités ont décidé d’explorer les pistes qui pourraient leur permettre de s’occuper de leurs déchets, comme celle de Baalbeck qui a organisé un atelier de travail sur le thème du traitement des déchets en partenariat avec la société Sukomi, le but étant de se mettre au fait des « nouvelles techniques de traitement, dans le respect de l’environnement et à prix bas », a déclaré dans ce contexte le mohafez de Baalbeck, Bachir Khodr.
En dépit des efforts qui sont actuellement fournis pour tenter de trouver une solution à ce dossier, le ministre Ramzi Jreige se montre pessimiste. « Il devient aujourd’hui légitime de se demander où sont passées les prérogatives de l’État, en l’absence de président de la République, de Conseil des ministres et de séances parlementaires. Nous sommes pris dans un cercle vicieux », s’est-il désolé.