LA SITUATION
Le président de la Chambre a-t-il mis les blocs parlementaires au pied du mur ? C’est ce qu’un regard superficiel pourrait faire croire. Mais, en fait, les positions à une semaine de la date fixée pour la séance législative (12 et 13 novembre) semblent plus incertaines qu’il n’y paraît.
Le bureau de la Chambre, pour sa part, a publié l’ordre du jour de cette fameuse séance « de nécessité législative » qui se prépare, et que Nabih Berry est déterminé à conduire à son terme, estimant qu’un déficit du consensus national, côté chrétien, serait un moindre mal que le fait de ne pas la tenir.
L’ordre du jour comprend 38 points. En tête, des projets et propositions de loi sur l’hygiène alimentaire, la récupération de la nationalité, le déblocage des fonds appartenant aux municipalités, l’acceptation d’un prêt de la Banque mondiale (construction du barrage de Bisri), la signature d’un accord de prêt entre le Liban et le Fonds arabe de développement (financement de travaux d’infrastructure d’égouts), le projet d’ouverture de crédits supplémentaires pour couvrir les déficits relatifs aux traitements et salaires dans le secteur public.
L’ordre du jour a tous les atouts, sauf un : la loi électorale n’y figure pas. Et, alors que les positions de tous les blocs parlementaires au sujet de leur participation à la séance semblent claires, celle du CPL ne l’est toujours pas. Michel Aoun semble toujours miser sur un changement de sentiment chez Nabih Berry qui lui ferait inscrire la loi électorale à l’ordre du jour, ce qui lui permettrait de participer à la séance législative. De leur côté, les Forces libanaises paraissent réfractaires à toute participation, mais la visite hier soir d’Ibrahim Kanaan à Maarab ajoute un point d’interrogation aux positions en jeu. Que mijotent les deux courants ?
Le quorum des 65 députés semble tout à fait accessible, et le pointage de M. Berry crédite la séance d’environ 33 députés chrétiens sur 63 (64, moins le siège occupé par Michel Hélou, député aouniste décédé de Jezzine). Les blocs CPL – Kataëb – FL en seraient absents. Mais les députés considérés comme indépendants, comme Boutros Harb, semblent toujours hésiter, comme le prouvent ses déclarations à la normande faites hier chez Samy Gemayel.
Enfin, selon des observateurs, la tenue qui semble certaine de la séance pourrait toujours être compromise par une décision de dernière minute du courant du Futur, « travaillé » par son allié chrétien, les Forces libanaises. Fouad Siniora, qui a affirmé que son bloc participera à la réunion en dépit de l’absence de trois courants chrétiens essentiels, qui, à eux trois, représentent largement la majorité absolue de l’électorat chrétien, ira-t-il jusqu’au bout de ses positions ?
Tous les contacts pourraient expliquer pourquoi M. Geagea a annulé la conférence de presse qu’il devait tenir hier, et dans laquelle il allait abattre ses cartes. Sur ce plan, il ne fait pas de doute que la séance parlementaire servira de test à la solidité des « intentions » contenues dans la déclaration commune CPL-FL.
Les hésitations de Boutros Harb
Le président du parti Kataëb, Samy Gemayel, et le député Boutros Harb se sont rencontrés hier soir au siège central du parti Kataëb, à Saïfi.
« Nous avons parlé des positions communes que nous pourrions prendre par rapport à la réunion de l’Assemblée nationale, la semaine prochaine, a dit M. Harb. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de préserver les institutions et leur permettre de jouer leur rôle. Toutefois, nous sommes également d’accord sur la priorité absolue que doit avoir la question de l’élection d’un nouveau président de la République, et nous pensons que toute action qui en prend la préséance est déplacée. » « Certes, il est des nécessités qui correspondent à des besoins essentiels, a repris M. Harb, notamment sur le plan économique et monétaire, et nous nous devons d’être souples afin de leur trouver des solutions, faute de quoi nous risquons la catastrophe, mais en même temps nous devons respecter les principes fondamentaux de notre système politique. »
En conclusion, M. Harb a affirmé qu’il décidera de se rendre ou pas à la séance législative après avoir pris connaissance de son ordre du jour.
« Certes, a-t-il interjeté, la position du parti Kataëb à ce sujet est une position de principe, et nous en tiendrons compte. C’est du reste ce dont nous avons parlé. »
Le député du Batroun a ajouté, en réponse à une question, qu’il serait idéal que tous les blocs parlementaires assistent à la séance, pour éviter de lui donner une quelconque coloration confessionnelle, jugeant que rien n’empêche, ce jour-là, que le président de la Chambre, dans le respect de la Constitution, entame la séance par l’élection d’un président de la République. Et, en cas de dérobade, ce serait alors la 31e séance de vote d’un nouveau président dont le quorum aura été torpillé.