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Le passeur qui facilitait le déplacement des terroristes était membre du Baas syrien pro-Assad

 

Fady NOUN

De jour en jour se précisent le modus operandi du réseau relevant du groupe « État islamique » qui a exécuté le double attentat de Bourj el-Brajneh (plus de 44 morts) et la logistique mise en œuvre pour le réussir, ainsi que les impondérables providentiels qui ont empêché un carnage encore plus grand d’être perpétré, jeudi 12 novembre. L’enquête menée dans ce cadre a permis de découvrir que le « passeur » qui facilitait le déplacement des terroristes entre la Syrie et le Liban est un Libanais de la localité (chiite) de Laboué, détenteur d’une carte du Baas syrien pro-Assad et d’un laissez-passer délivré par un service syrien, ce qui lui permettait d’accompagner les terroristes lors de leurs déplacements sans encombres.

Il reste qu’il subsiste des zones d’ombre au tableau et des éléments imprécis, et parfois contradictoires. Ainsi, la chaîne al-Manar, relevant du Hezbollah, fait état d’un réseau de cinq candidats à des attaques-suicide qui devaient être exécutées, dont tous les membres sont syriens.
D’autres sources font état d’un réseau de neuf, dix ou onze membres, dont cinq sont syriens et les autres libanais. Mais la contradiction est toute relative car les candidats aux attaques-suicide syriens ont bénéficié d’une logistique de transport, de séjour et de livraison d’explosifs assurée, semble-t-il, par des Libanais. Toutefois, le statut de complice demeure indéfini pour certains d’entre eux.

Cinq attentats projetés
Les cinq attentats projetés devaient se produire, le premier à Jabal Mohsen (Tripoli), deux autres dans le souk de Bourj el-Brajneh et les deux derniers devant l’hôpital al-Rassoul al-Aazam, sur le boulevard de l’aéroport. Ces deux derniers attentats étaient prévus à l’arrivée des ambulances transportant les victimes des deux précédentes attaques, à Bourj el-Brajneh.
Toutefois, la chance, la providence ou des renseignements ont fait échec à trois de ces cinq attentats. Le premier a échoué à cause de l’arrestation, à l’aube de la journée de jeudi, d’Ibrahim Jamal, son auteur potentiel. L’homme circulait à moto et portait une ceinture explosive. Il a été arrêté par les renseignements des FSI sur informations de la Sûreté générale, croit-on savoir. Il est passé à des aveux partiels et a précisé qu’il devait se faire exploser dans un café de Jabal Mohsen, le quartier alaouite prosyrien de Tripoli. Mais l’homme ne souffle mot du plan d’ensemble en préparation.
C’est après les deux explosions de Bourj el-Brajneh que le plan se dessine aux yeux de la police. En effet, l’un des kamikazes est retrouvé mort sans que sa ceinture explosive ait été actionnée. Il serait décédé dans l’explosion de la moto piégée que son camarade avait fait sauter. Mais le déroulé des événements reste sur ce point imprécis. À l’examen, sa ceinture piégée se trouve être identique à celle que les FSI avaient découverte sur Ibrahim Jamal, à Tripoli. Confronté à ces données, ce dernier a avoué que le kamikaze avait logé un moment avec lui, à Tripoli, avant de se rendre pour sa mission-suicide à Beyrouth. Ibrahim Jamal avoue aussi que lorsqu’il se rendait lui-même à Beyrouth, il logeait dans un appartement situé dans le camp de Bourj el-Brajneh. Une descente a été immédiatement effectuée dans ce dernier repaire et trois Syriens y sont arrêtés. C’est d’eux que la police apprend qu’un second repaire existe à Beyrouth, rue du Liban, en plein cœur d’Achrafieh. Une perquisition effectuée à ce dernier logis permet l’arrestation du chef de bande et la découverte d’autres ceintures explosives.

Parallèlement, précise la chaîne du Hezbollah, la filature de deux suspects, un Libanais et un Syrien, Ibrahim Rayed et Moustapha Jerf, conduit à leur arrestation. Ils appartiennent au même réseau. Selon al-Manar, l’échec du plan s’explique par le fait que deux des kamikazes n’ont pu pénétrer au Liban à temps, qu’un troisième a été arrêté à Tripoli et que les deux derniers n’ont pu s’approcher de l’hôpital al-Rassoul al-Aazam en raison du cordon de sécurité qui l’entoure.

Un ingénieur diplômé
Selon des informations puisées à bonne source, Ibrahim Jamal est entré au Liban venant de Raqqa, la « capitale » du groupe État islamique, grâce à un passeur libanais, originaire de Laboué, Adnane Srour, désormais aux mains des services de sécurité.
L’homme est rien moins qu’un ingénieur diplômé d’une université syrienne, détenteur d’une carte du Baas pro-Assad et, de ce fait, bénéficiant d’un laissez-passer délivré par un service du régime syrien pour faciliter la circulation entre le Liban et la Syrie. A-t-il fait le passeur pour de l’argent ( ce que ses parents assurent) ou par conviction idéologique ? C’est ce que la suite de l’enquête doit élucider. Son sort final en dépend. Son domicile a été perquisitionné et son père arrêté après la découverte de faux papiers et autres objets illicites.
C’est à Zghorta que, sur ordre venu d’Aboul Walid el-Souri, son patron à Raqqa, Ibrahim Jamal prend livraison des ceintures explosives transportées à bord d’un van blanc par Ibrahim Rayed, un Libanais de Ersal. Une autre version veut que les ceintures explosives aient été livrées à Dora.

De bonne source toujours, la police est parvenue également à arrêter Abdel Karim el-Cheikh et Ahmad Darwiche. Le premier est le « cerveau » planificateur des attentats de Bourj el-Brajneh. Il occupait depuis deux mois environ le logement de la rue du Liban avec les deux kamikazes potentiels, identifiés par la source citée par leurs prénoms, Walid et Imad. Le second, Ahmad Darwiche, est le principal locataire de l’appartement de Bourj el-Brajneh, qui a servi de lieu de transit pour des opérations de repérage des lieux et de minutage des attentats.
On apprenait hier soir que quatre nouveaux Syriens ont été arrêtés par les renseignements de l’armée dans un appartement à Wata Mousseitbé (Beyrouth), où des armes, des jumelles, des habits militaires et des talkies-walkies ont été découverts.

Il ne fait pas de doute que c’est grâce à un échange rapide d’informations entre les différents services de renseignements que le démantèlement du réseau de Bourj el-Brajneh a été rendu possible, concluent les observateurs, qui appellent à la consécration de cette coopération.
Relevons pour finir que, tirant la leçon de ce qui s’est produit, le chef de la « force commune » palestinienne assurant la sécurité des camps, Mounir Maqdah, a effectué hier une tournée dans les camps de Bourj el-Brajneh et Chatila dans le but de mieux en surveiller l’accès.