La société civile mettra à exécution, à partir de ce matin, ses menaces de recours à l’escalade, annoncées samedi au cours de la manifestation du « dernier avertissement ». Le collectif « Vous puez ! » a ainsi déclaré que dès 7h, les entrées menant à Beyrouth seront coupées pendant quelques heures au niveau du CIT à Dora, du City Center à Hazmieh et du triangle routier de Khaldé. Dans un communiqué publié hier, le collectif a affirmé que « les routes ne seront pas bloquées contre les gens, mais pour les gens ». Il a appelé « ceux qui le peuvent à sacrifier quelques heures de travail ou d’éducation, parce que leur santé et leur avenir sont en danger ».
Rappelant que « les pompiers de la Défense civile et les citoyens ont durant des années font entendre leur voix de cette façon », le collectif a appelé les forces de sécurité à « traiter les citoyens demain (aujourd’hui), comme elles l’ont toujours fait ».
La réponse est venue en soirée d’une source proche du ministère de l’Intérieur, qui a fait valoir que le ministère « est soucieux de préserver l’équation consistant d’une part à garantir le droit de manifester et la liberté d’expression, et d’autre part le droit des gens à se déplacer librement et éviter que le pays ne soit paralysé ». Selon cette source, les forces de l’ordre ont pris dès la soirée d’hier « les mesures nécessaires pour faciliter la vie des gens ». )
De leur côté, les collectifs « Nous demandons des comptes » et « Pour la République » ont annoncé qu’ils ne prendront pas part à ce mouvement de protestation, « d’autant qu’il n’y a pas eu de concertations avec la société civile et les ONG environnementales ».
Quant au ministre de l’Éducation, Élias Bou Saab, il a annoncé que la journée d’aujourd’hui sera une journée scolaire ordinaire.
Désobéissance civile
Le blocage des entrées de Beyrouth aujourd’hui constitue la première action d’une série de démarches qui seront prises progressivement « jusqu’à sortir de la crise », comme l’explique à L’Orient-Le Jour Wadih el-Asmar, militant du collectif « Vous puez ! ». Il précise que « toutes les mesures seront prises dans une logique de non-violence ».
« L’escalade sera progressive, ajoute-t-il. Demain (aujourd’hui) nous procèderons donc au blocage des entrées de Beyrouth. L’étape suivante consistera à établir des concertations avec toutes les composantes de la société, c’est-à-dire les syndicats, les ordres, les personnes indépendantes, etc., pour qu’ensemble, nous préparons une journée d’action nationale, ainsi que d’autres actions susceptibles de nous permettre d’atteindre notre but ultime qui est celui de pousser l’État à adopter un plan acceptable pour la gestion de la crise. » Pour cela, le collectif n’exclut pas le recours à la désobéissance civile, « mais en concertation avec les autres composantes de la société civile ». Il reste « que la désobéissance civile est le moyen de pression extrême pour obliger le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour protéger notre santé », insiste Wadih el-Asmar.
Une approche centralisée
Quels points de la décision gouvernementale le collectif conteste-t-il ? « L’État maintient son approche centralisée, affirme Wadih el-Asmar. Une chose des deux : soit aujourd’hui il nous mène en bateau, soit en septembre il nous mentait. » Il rappelle dans ce cadre que le plan de sortie de la crise proposé par le gouvernement en septembre fixait à dix-huit mois la phase de transition jusqu’à ce que les municipalités puissent se charger de la gestion des déchets. « Or cette période est passée à quatre ans dans le plan proposé samedi, constate Wadih el-Asmar, qui explique que c’est le délai nécessaire pour mettre en place les incinérateurs. Ils (les dirigeants) veulent continuer à profiter de la caisse noire dont ils tirent profit par la gestion centralisée des déchets. »
Le deuxième point contesté est le risque de sanctions internationales qu’encourt le Liban « puisque le plan proposé viole la convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée, conformément à laquelle il est interdit d’ouvrir des déchetteries sur la plage et de terrasser la mer avec des ordures ».
À cela s’ajoute le fait que le problème est revenu au point de départ, dans le sens où « il n’y a toujours pas de décentralisation de la crise ». « Les municipalités doivent commencer à gérer leurs propres déchets, martèle-t-il. La décentralisation doit se faire avec des moyens de contrôle et une réglementation stricte de manière à pouvoir transformer les déchets d’un problème en une opportunité, poursuit-il. Toutefois, nous nous retrouvons devant un système mafieux qui s’attache à la centralisation pour éviter tout contrôle et rester maître de toutes les magouilles. »
Le quatrième point contesté reste « le manque de respect dû au pouvoir judiciaire ». « Sukleen est convoquée devant la justice le 11 avril prochain. Pour autant, cela ne gêne pas le gouvernement qui a décidé de continuer à traiter avec cette compagnie, alors que sa probité et son honnêteté sont remises en cause et qu’elle est à l’origine de la crise des déchets », conclut Wadih el-Asmar.