Site icon IMLebanon

Salam poursuit ses contacts… et les chrétiens leur bataille

 

Yara ABI AKL 

À quelques jours du 27 juin, date du passage à la retraite du directeur adjoint de la Sécurité de l’État, le général Mohammad Toufaïly, le débat concernant cet appareil de sécurité, dont le fonctionnement est perturbé depuis des mois, bat de nouveau son plein.
À ce sujet, trois scénarios de solutions rapportés par l’agence al-Markaziya ont été évoqués dans la journée d’hier : nommer un nouveau directeur adjoint sur décision du Conseil des ministres, avec l’approbation de tous les ministres, retarder le passage à la retraite du général Toufaïly avec l’approbation du directeur général Georges Karaa et, enfin, rechercher un compromis entre les deux hommes, à même de régler le fonctionnement de cet appareil de sécurité.

Coordination Berry-Salam ?
Alors que le Conseil des ministres n’entend pas discuter de ce sujet épineux lors de sa séance prévue aujourd’hui, le général Georges Karaa a envoyé hier le décret de passage à la retraite de M. Toufaïly à la présidence du Conseil.
Or, des sources proches du Premier ministre Tammam Salam ont indiqué à L’Orient-Le Jour que « le Grand Sérail n’a pas reçu le décret en question ». Selon les mêmes sources, « il n’y a pas de nouvelles données concernant ce dossier qui ne fait que prendre des dimensions politiques et confessionnelles, alors qu’il devrait être résolu avec sagesse et calme, surtout qu’il est évoqué en période de vacance présidentielle et à l’heure où le cabinet gère toutes les affaires publiques du pays ». Les sources précitées ont confié aussi que « le Premier ministre, chargé de régler cette affaire et qui poursuit ses contacts en vue d’un dénouement heureux, est gêné par la coloration confessionnelle qu’a prise ce dossier ».

Commentant la thèse selon laquelle M. Salam attend la date du 27 juin pour trouver la bonne solution, les sources proches du Grand Sérail ont démenti ces informations, estimant que « tout ce qui est dit dans les médias à propos du département de la Sécurité de l’État ne facilite pas la recherche d’une solution, mais ne fait qu’attiser les tensions politiques et communautaires ». Concernant une éventuelle coordination entre Tammam Salam et le président de la Chambre Nabih Berry dans ce domaine, les mêmes sources ont fait savoir que « les deux hommes n’ont pas discuté de ce sujet lors de leur dernière réunion ».

De leur côté, des sources proches de la direction générale de la Sécurité de l’État ont confié à L’OLJ que « la procédure administrative adoptée au sein de cet appareil stipule qu’un mois avant le départ à la retraite d’un officier, le directeur général devrait informer l’autorité de tutelle (en l’occurrence la présidence du Conseil des ministres) de la prochaine vacance du poste, afin qu’elle prenne les mesures adéquates. Ainsi, la direction générale de la Sécurité de l’État a envoyé à la présidence du Conseil en mai dernier le décret de départ du général Toufaïly ».

La bataille à l’extérieur
Le dossier de la Sécurité de l’État avait ravivé la polémique des droits des chrétiens, un thème de campagne longuement défendu par le Courant patriotique libre (CPL), auquel se sont joints les Kataëb au sein du gouvernement, pour s’opposer à « toute tentative d’isoler cet appareil de sécurité ». Cela n’est pas sans susciter des interrogations sur la position des Kataëb à ce sujet après leur démission du gouvernement Salam, sachant que le député Samy Gemayel avait appelé hier à ne pas toucher à cet appareil, que ce soit en limitant son action et le privant des fonds qui lui sont dus, soit en prorogeant le mandat du directeur adjoint.

Contacté par L’OLJ, le ministre démissionnaire du Travail Sejaan Azzi a indiqué que « la décision concernant le département de la Sécurité de l’État est éminemment politique. C’est pourquoi, la bataille que le parti avait menée dans ce domaine pourrait se poursuivre en dehors du Conseil des ministres ». Concernant la coordination CPL-Kataëb dans ce domaine, M. Azzi a déclaré que son parti, la formation de Michel Aoun et l’ancien chef de l’État Michel Sleiman sont sur la même longueur d’onde : « Nous voulons redynamiser le département de la Sécurité de l’État. » Il a également estimé que « tous les projets de solution envisagés devraient être révisés dans le sens de la conservation de l’intérêt de cet appareil ».

De son côté, l’ancien ministre Sélim Sayegh, vice-président des Kataëb, a déclaré à L’OLJ : « Nous sommes désormais en dehors du gouvernement et nous ne ferons plus rien en ce qui concerne la Sécurité de l’État. » Selon lui, « le Conseil des ministres devrait se débrouiller pour résoudre ce problème ».

Libération des fonds dus
Pour le reste des partis chrétiens, il est évident que la bataille qu’ils avaient menée depuis des mois en faveur de la nomination d’un nouveau directeur général adjoint conformément aux lois en vigueur se poursuit.

L’ancien ministre du Travail Sélim Jreissati (CPL) a exhorté hier le Conseil des ministres à nommer un successeur au général Toufaïly avant son passage à la retraite. Dans un entretien accordé à l’agence al-Markaziya, M. Jreissati a mis en garde contre « des tentatives de retarder le passage à la retraite du général Toufaïly ». Selon lui, « il faut faire face à cette éventualité, parce qu’elle pourrait mener à des décisions arbitraires, dépourvues de tout motif légal ». « Il est normal que le Conseil des ministres désigne un successeur au général Toufaïly, sur proposition du Premier ministre, et conformément à l’article 7 de la loi de la défense nationale et à l’article 3 du décret régissant le fonctionnement du département de la Sécurité de l’État », a-t-il ajouté, avant de poursuivre : « Il ne suffit pas de désigner un nouveau directeur adjoint pour assurer le bon fonctionnement de cet appareil. Il faut que la décision de nomination soit accompagnée d’une autre stipulant la libération des fonds qui lui sont dus. »

L’ancien ministre du Travail n’a pas manqué aussi de mettre en garde contre des scénarios qui seraient axés sur l’imposition d’un officier bien déterminé pour libérer les fonds en question, ou encore garder le poste vacant jusqu’au passage à la retraite du général Karaa.
« Il est nécessaire de nommer un directeur adjoint, avant la vacance du poste, et de libérer les fonds, sur décision du gouvernement, sachant que le pouvoir exécutif ne devrait pas, dans des circonstances de sécurité difficiles, paralyser un appareil de sécurité directement impliqué dans la collecte d’informations concernant la sécurité du pays », a conclu Sélim Jreissati.

Mentalité « malicieuse »
De son côté, le président des Forces libanaises, Samir Geagea, a souligné hier que « la prorogation du mandat du général Mohammad Toufaïly serait illégale, puisqu’elle nécessite une proposition du chef du service concerné ». Dans une série de tweets, M. Geagea a estimé que « cette prorogation, si elle avait lieu, serait à l’encontre de toute logique ». « Comment peut-on proroger le mandat d’un directeur adjoint qui n’est pas en bons termes avec son supérieur hiérarchique ? » a- t-il ajouté, avant de poursuivre : « Je ne pourrais expliquer un tel choix que par une volonté de prolonger la crise que traverse le département de la Sécurité de l’État depuis un an. » Le président des FL a enfin exhorté le gouvernement à désigner un nouveau directeur adjoint.

Le ministre du Tourisme Michel Pharaon a écarté en revanche, dans un entretien à La Voix du Liban 100.3, toute possibilité de prorogation du mandat du général Toufaïly, « parce que les lois sont claires, et M. Salam veille à les appliquer ». Selon lui, « le dossier de la Sécurité de l’État fait l’objet d’un suivi continu et minutieux en Conseil des ministres ».
Dans une autre déclaration, M. Pharaon a estimé que « la mentalité malicieuse est plus forte que la loi qui stipule la libération des fonds dus à une institution très impliquée dans le combat contre le terrorisme. Ce sujet fait l’objet de larges concertations en vue de prendre les positions adéquates », a encore dit le ministre du Tourisme.