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Une vingtième séance pour – presque – rien

Jeanine JALKH |  
La vingtième séance du dialogue national, qui a eu lieu hier à Aïn el-Tiné, n’a pas été plus fructueuse que les précédentes, reproduisant inlassablement les mêmes discussions byzantines que lors des dix-neuf réunions précédentes.
Placé en tête de l’ordre du jour, l’examen de la loi électorale n’aura abouti qu’à l’introduction d’une proposition de plus, avancée par le chef des Kataëb, et fondée sur le mode de scrutin majoritaire uninominal. Cette proposition est venue alimenter le sempiternel débat sur les modes de scrutin et la loi à adopter avant les élections législatives, prévues en principe dans un an. À cette discussion s’est greffée comme d’habitude la polémique corollaire autour de la primauté du scrutin présidentielle ou législatif. Là aussi, les diverses parties ont campé sur leurs positions, sans même chercher à y mettre la forme.
Affichant toutefois son optimisme traditionnel et se voulant fidèle à son rôle de pompier ou de catalyseur selon les circonstances, le président du Parlement, Nabih Berry, que rien ne semble décourager, a sorti un nouveau lapin de son chapeau dans une ultime tentative de mettre un terme aux tergiversations en cours : « Soyez certains que les élections auront inéluctablement lieu en temps prévu et il n’y aura plus de prorogation du mandat du Parlement. » Mais M. Berry a prévenu : « Si le scrutin doit se dérouler sur base de la loi de 1960 (en vigueur), les citoyens envahiront les rues pour protester. »
Seule la proposition du député Samy Gemayel est venue donc troubler le marasme habituel des échanges, qui avait d’ailleurs prévalu pendant de longs mois au sein des commissions parlementaires mixtes chargées de l’examen de la loi électorale.
À la proportionnelle, brandie et défendue à cor et à cri par le 8 Mars en général, et au système composite auquel s’agrippent le courant du Futur, les Forces libanaises et le Parti socialiste progressiste, est venue s’ajouter la majoritaire uninominale. M. Gemayel a tenu à préciser que l’introduction de ce nouveau mode, appliqué dans les pays les plus démocratiques, « permettra de renouveler la classe politique en mettant un terme à l’effet bulldozer », une allusion à l’emprise des zaïms et autres chefs de file sur les mécanismes électoraux.
Selon lui, ce système, débarrassé dans sa proposition des quotas confessionnels, aura l’avantage de permettre à toutes les forces politiques en présence mais aussi aux indépendants de parvenir à l’hémicycle, en atténuant le confessionnalisme politique.
Cette suggestion semble avoir germé dans l’esprit de M. Gemayel dans le sillage des résultats des élections municipales, dont les Kataëb se sont tirés à bon compte, aux côtés des notables et autres forces locales, face au rouleau compresseur du tandem CPL-FL. Elle refléterait également la volonté du chef des Kataëb de cautionner « le changement » auquel aspirent les Libanais, comme il le souligne en substance.
Mais, avant de voir sa suggestion parvenir aux coulisses du Parlement, il y a un long chemin à faire et les espoirs de voir ce nouveau mode de scrutin pris en considération restent quasiment nuls, en dépit de l’optimisme affiché par M. Gemayel. Ce dernier a en effet souligné devant les journalistes le « sérieux qui a prévalu lors de la séance, notamment pour ce qui est de la volonté d’introduire des réformes structurelles au système politique ».
Autre proposition avancée dans la foulée par le chef des Kataëb, l’élection d’un Sénat sur la base de la proposition de loi dite orthodoxe, qui prévoit l’élection des membres de cette Assemblée par les électeurs de leurs communautés respectives.

Le « package deal »
En dehors de ces nouveautés, c’est la valse traditionnelle des positions restées figées de l’une et l’autre partie en présence qui a meublé le reste de la rencontre. « Chacun des protagonistes se barricade derrière sa position », a reconnu le vice-président de l’Assemblée, Farid Makari.
« À ce jour, nous ne sommes pas parvenus à nous entendre sur un président, encore moins sur une loi électorale », a renchéri l’ancien ministre Ghazi Aridi, représentant le chef du PSP, Walid Joumblatt, absent de la réunion. Avant de mettre en garde contre les conséquences que pourraient générer le « fait accompli qu’appréhendent nombre de personnes », si aucun accord n’est trouvé dans l’intervalle.
Le chef du bloc du Futur, Fouad Siniora, a défendu la loi composite (avec une dose de proportionnelle appliquée à 60 sièges et une autre de système majoritaire pour les 68 sièges restants), avant de dénoncer les « multiples promesses non tenues » en matière d’élection présidentielle.
La prééminence de cette échéance a été réaffirmée par l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, mais aussi par le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, pour qui la présence d’un chef de l’État est incontournable pour toute réforme suggérée ou envisagée.
S’adressant à M. Siniora, Nabih Berry – qui a vanté les principes émis dans le cadre de la loi mise en place par la commission dite Fouad Boutros – a tenu à lui rappeler que c’est sous son mandat et sur l’initiative de son gouvernement que ce projet de loi a pu voir le jour, avant de réaffirmer sa préférence pour un système mixte également (64/64) en partie « inspiré » par la loi Boutros, comme il dit.
Retour donc à la case départ, avec une et même promesse : la poursuite de ce qui est avéré être un dialogue de sourd, les ténors de la politique devant se réunir à nouveau les 2, 3 et 4 août prochain, pour poursuivre quasiment les mêmes débats. Les prochains rendez-vous du dialogue seront toutefois placés sous le thème générique du « package deal », ou mieux encore, « d’un nouveau Doha libanais », en référence à l’accord interlibanais conclu en 2008 dans la capitale du Qatar.
L’idée d’une série de séances de dialogue axées sur le principe du « package deal » a chaleureusement été saluée par le député Ali Fayad, du Hezbollah, qui a considéré que le « package deal » pourrait être un prélude à l’élection d’un président de la République dans un premier temps. « Ce serait le début de la phase d’exécution, sur le modèle de ce qui s’est passé à Doha », a-t-il dit.