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Les commissions conjointes tentent en vain d’avaliser le principe du scrutin mixte

 

Sandra NOUJEIM

Les commissions parlementaires conjointes, chargées de plancher sur une nouvelle loi électorale, se sont réunies hier sans progresser sur le fond. La déclaration du député Robert Ghanem, rapporteur des commissions, a paru faire état d’une entente sur deux points : « D’abord, la nécessité d’élaborer une nouvelle loi électorale, et, ensuite, l’orientation du débat vers le mode de scrutin mixte, celui-ci étant le plus apte à générer une entente entre les différents blocs parlementaires. »

Mais M. Ghanem a vite fait de conclure sur une note réaliste : « Jusqu’à l’heure, nous n’avons pu aboutir à aucune décision finale, mais le débat doit se poursuivre au cours des prochaines séances. »
Il a ainsi édulcoré ce que d’autres députés, présents à la réunion, affirment à L’OLJ de but en blanc : chaque bloc continue de camper sur ses positions, et rien, en commissions, n’est assimilable à un débat.
Il y a néanmoins eu hier une tentative de décrocher une entente de principe sur le mode de scrutin mixte (indépendamment des détails relatifs au découpage) du fait que ce mode constitue rationnellement le seul intermédiaire entre la proportionnelle et le système majoritaire. Le député des Forces libanaises Georges Adwan aurait ainsi proposé de soumettre le scrutin mixte à un vote par écrit, une proposition à laquelle se sont toutefois opposés des députés du Courant patriotique libre, notamment Ibrahim Kanaan, relayés par des députés du Hezbollah.
Le bloc aouniste aurait jugé inutile de procéder au vote en question, « puisque le débat autour du scrutin mixte est déjà en cours », explique le député Alain Aoun à L’OLJ. « Nous acceptons de débattre du mode de scrutin mixte, mais refusons de nous y limiter », ajoute-t-il. Le bloc aouniste favorise en effet la loi dite orthodoxe (que les commissions avaient décidé de renvoyer en séance plénière) et soutiennent, en seconde option, la proportionnelle intégrale – pour laquelle plaide le Hezbollah. Dans ce sens, si le vote sur le scrutin mixte avait eu lieu, il y aurait eu un risque qu’il élimine de fait la loi dite orthodoxe : en votant pour le scrutin mixte, le CPL aurait semblé se désavouer et sonner le glas de cette loi. C’est ce qui aurait motivé le refus des députés aounistes de prendre part au vote, empêchant par conséquent sa tenue.
Le député Marwan Hamadé résume à L’OLJ « l’improductivité » de la réunion et son lien direct avec la paralysie institutionnelle par le constat suivant : « De même que le tandem Hezbollah-CPL nous place devant l’alternative d’élire le général Michel Aoun ou personne, il nous place devant l’alternative de voter pour une loi spécifique (la proportionnelle, NDLR) ou rien. »
Or le vote pour le scrutin mixte, s’il avait eu lieu, aurait pu initier un débat constructif autour de la loi électorale lors de la prochaine séance de dialogue qui s’ouvre le 2 août prochain. C’est à cela que se résume son intérêt, sans plus. C’est en effet au Parlement réuni en séance plénière que revient la décision souveraine d’approuver une nouvelle loi électorale : rien de ce qui peut émaner des commissions ne saurait être considéré comme définitif ou irrévocable. Le refus d’un vote de principe sur le scrutin mixte signalerait ainsi une volonté de maintenir les semblants de débats dans l’impasse.
Désormais, le seul moyen de mettre au point une nouvelle loi électorale serait, selon les Kataëb, de soumettre chacun des dix-sept projets et propositions de loi à des votes successifs en séance plénière. Une proposition que Robert Ghanem s’est engagé hier à rapporter au président de la Chambre à son retour, explique le député Nadim Gemayel à L’OLJ. Sachant que la réunion d’hier était la dernière prévue (aucune nouvelle date n’a été fixée), le président Berry pourra convoquer les commissions à une ultime réunion s’il accepte le principe du vote (par opposition au consensus).
Or des divergences pointent déjà autour du mécanisme d’élaboration d’une nouvelle loi électorale. « Si l’on choisit de le faire par consensus, il faudra attendre les trois séances consécutives de dialogue national pour réexaminer les options d’une entente à ce niveau », a déclaré hier le député Ali Fayad, lors d’un échange à bâtons rompus avec les journalistes.
En revanche, Nadim Gemayel écarte d’entrée l’option d’un consensus : « Il est impossible d’obtenir un consensus autour d’une nouvelle loi électorale, et la table de dialogue, ayant déjà prouvé ses limites, sera sans intérêt. »
Si Alain Aoun partage ce scepticisme quant à l’efficacité des trois prochaines séances de dialogue, il précise toutefois que le débat autour de la présidentielle primera sur les débats auxiliaires, jusqu’à la fin de l’année. Depuis la relance de l’option Aoun, le CPL réoriente son discours en donnant la priorité à la présidentielle.
Le courant du Futur continue d’œuvrer pour le déblocage de la présidentielle par principe.
Dépassant le faux débat autour de la loi électorale, le député Jean Oghassabian estime que « les choses se dirigent vers la tenue des législatives (en juin 2017) sur la base de la loi 1960 ».
Sauf qu’à la suite de cette échéance, le gouvernement deviendrait démissionnaire, et « le pays totalement paralysé », explique-t-il à L’OLJ.
Une mise en garde qui pourrait annoncer ce que tous les milieux politiques s’abstiennent de dire, à savoir une nouvelle rallonge du mandat parlementaire. Surtout que, de l’avis d’une source informée mais critique à l’égard de la candidature de Michel Aoun, celle-ci aurait « perdu toutes ses chances d’aboutir auprès du chef du courant du Futur ».