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Pour Hariri, il ne faut pas s’y méprendre : Le Liban ne peut durer sans president

Sandra NOUJEIM |

La nouvelle dynamique de déblocage initiée par le chef du courant du Futur Saad Hariri a eu pour premier effet de créer des remous – ponctuels – dans le camp du 8 Mars. Le Courant patriotique libre (CPL) a tenté de retrouver à mi-chemin le président de la Chambre, Nabih Berry, sur la question du package deal, en lui proposant un entretien franc autour de certaines garanties ou réassurances qui pourraient lui valoir l’appui de ce dernier. En vain. Certains visiteurs de Aïn el-Tiné ont été jusqu’à rapporter à L’Orient-Le Jour que « le caractère imprévisible » du leader chrétien serait, pour M. Berry, un argument supplémentaire en faveur du package deal.
L’on assiste donc à un retour au statu quo des candidatures au sein du 8 Mars : l’appui du Hezbollah à Michel Aoun sans Amal et l’appui de ce dernier à Sleiman Frangié sans le Hezbollah.
Et pour accompagner ce retour sans devoir se justifier à l’égard de son candidat, il aura suffi pour le Hezbollah de se dire « embarrassé » par les querelles entre ses deux alliés, à savoir MM. Berry et Aoun, dont il dit avoir tenté de rapprocher les points de vue. Cette position sous-entend ce dont toutes les parties politiques sont conscientes du reste, à savoir qu’aucune initiative de déblocage ne serait à même d’embarrasser tactiquement le Hezbollah au point de l’inciter à débloquer le scrutin présidentiel : ni l’appui des Forces libanaises (FL) à Michel Aoun ni la disposition du courant du Futur à soutenir ce dernier (les milieux proches du Hezbollah persistent à dire d’ailleurs que cette disposition déclarée n’a toujours pas été vérifiée dans les faits). En outre, depuis le début des veillées de la Achoura, s’il arrive que des responsables du parti chiite évoquent le Liban, c’est pour lier expressément sa situation actuelle aux développements régionaux et souligner que « le Liban doit aujourd’hui son existence au Hezbollah » (selon les termes de Naïm Kassem, numéro deux du parti).
Pourtant, la récente initiative de Saad Hariri est motivée par son souci d’éviter toute confrontation ouverte avec le Hezbollah, ce qui exclut d’emblée toute velléité de l’embarrasser sur la présidentielle, comme l’expliquent à L’OLJ des milieux proches du courant du Futur. « Le seul objectif de l’initiative de Saad Hariri est d’assurer coûte que coûte l’élection d’un président », disent-ils.
Ils s’abstiennent d’endosser formellement l’avis selon lequel le Hezbollah œuvrerait activement pour le maintien du blocage. « Ce dont nous sommes sûrs, c’est le refus jusqu’à nouvel ordre par le Hezbollah d’appuyer la candidature de Sleiman Frangié. Pour ce qui est de l’option Aoun, le nœud semble se situer chez Nabih Berry, pas chez le Hezbollah, même si Samir Geagea (président des FL, NDLR) est certain que le président de la Chambre assure une couverture au Hezbollah », précisent-ils, laissant entendre que rien n’est définitivement joué.
Au ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui lui aurait assuré, lors de leur dernière rencontre à Moscou, que « la Russie est disposée à soutenir tout accord approuvé par les différentes parties libanaises », Saad Hariri aurait répondu qu’on n’en est pas « encore » là…
Il tenterait encore d’obtenir un accord autour de l’une des deux candidatures actuelles du 8 Mars, précisément Michel Aoun, « avec lequel un accord est en cours de négociation », assurent ces milieux. Ils démentent toutefois que cette entente porte sur des détails liés à l’exécutif (la répartition des portefeuilles, ou encore la consécration d’un tiers de blocage, comme l’aurait rapporté Nabih Berry à ses visiteurs). « Nos pourparlers ne portent sur aucun package deal, lequel est une idée propre au président de la Chambre, mais s’articulent sur des idées de politique générale : l’engagement à ne pas toucher à Taëf, la relance de l’économie et des institutions sur le modèle libéral haririen, et une dissociation minimale du Liban à l’égard de la crise syrienne », rapportent les mêmes milieux.
Hier, le député Ibrahim Kanaan, délégué par Michel Aoun à Meerab, a annoncé avec optimisme « une opportunité historique fédérant le CPL, le Hezbollah, le courant du Futur et les FL, et bientôt le reste des parties ». Des milieux médiatiques proches des FL plaidaient eux aussi hier pour « un accord à cinq » sur l’étape à venir, incluant également le Parti socialiste progressiste.
Plus réalistes, les milieux du courant du Futur assurent à L’OLJ que « les efforts de Saad Hariri sont très sérieux, se poursuivent et apporteront du nouveau ». En effet, l’ancien Premier ministre serait fermement convaincu que « le Liban ne peut pas durer sans président. Il existe des craintes très sérieuses d’un effondrement prochain du pays », ajoutent-ils. Des craintes partagées par les évêques dans le communiqué publié à l’issue de leur réunion hebdomadaire hier. « La position du patriarche, relayée par les évêques, rejoint notre position sur la primauté de la présidentielle sur toute autre solution et sur l’impératif d’un retour à l’esprit des textes », disent ces milieux. Saad Hariri, qui a soutenu l’appel de Bkerké, prévoit ainsi de se rendre incessamment à Bkerké et à Dar el-Fatwa.
Mais alors que les milieux interrogés confirment la rencontre récente de Saad Hariri à Riyad avec le vice-prince héritier Mohammad ben Salmane, préalablement à son passage à Moscou, ils s’abstiennent toutefois d’en rapporter la teneur. « Il n’est pas sûr que la rencontre à Riyad ait porté sur la présidentielle », se contentent-ils de dire.
Du reste, le scepticisme exprimé par certains diplomates au Liban sur la possibilité d’un déblocage prochain renforce les chances de la troisième option que Saad Hariri garderait ouverte, en cas d’échec des options Frangié et Aoun : « Celle de dire qu’il a tout essayé » et qu’il se désiste désormais de la charge qu’il s’est lui-même imposée de sauver le pays de l’effondrement…
En attendant, le Conseil des ministres devrait se réunir aujourd’hui en présence des ministres du Hezbollah, en dépit du boycottage aouniste : un retour à la normalisation du vide ?