Rentré hier soir de Riyad, le chef du courant du Futur, Saad Hariri, se serait résolu à annoncer incessamment son appui formel au chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun. Le secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri, en aurait notifié en fin de journée les responsables des secteurs de son parti, rapportent à L’Orient-Le Jour des milieux du courant du Futur, démentant que l’Arabie ait opposé un veto à Michel Aoun.
L’optimisme du Courant patriotique libre (CPL) – et sa certitude que l’annonce aurait lieu, même s’il n’était pas sûr de son timing – serait donc en voie d’être conforté.
Mais le fait que Saad Hariri appuie solennellement le général Michel Aoun ne serait pas un gage de son élection, seulement un préalable aux concertations que le candidat entend mener au sein du 8 Mars, notamment avec le président de la Chambre, Nabih Berry, et le chef des Marada, Sleiman Frangié.
« La feuille de route du CPL, convenue par Saad Hariri, prévoit que l’annonce de son appui à Michel Aoun précède obligatoirement la tournée du CPL auprès de ses deux alliés au sein du 8 Mars », a ainsi précisé hier le député Sélim Salhab à l’agence d’information al-Markaziya, s’abstenant toutefois de révéler la teneur « des considérations politiques » justifiant cette chronologie.
Le motif évident en serait que le CPL pense avoir plus de chances de dissiper les réserves de ses alliés du 8 Mars à son égard s’il bénéficiait de l’appui formel de Saad Hariri.
Pour l’heure, rien n’est moins sûr. Des milieux du 8 Mars hostiles à l’option Aoun précisent que la position du président de la Chambre reste inchangée et « va de pair » avec celle des Marada. Même s’ils sont certains que Saad Hariri annoncera incessamment son appui à Michel Aoun, ils attendent de voir « la manière avec laquelle il formulera cet appui ». Sans donner plus de détails à cet égard, ils n’excluent pas la possibilité, le cas échéant, de la tenue d’une séance électorale avec les deux candidats du 8 Mars en lice. « Tout se jouera alors sur les voix », ajoutent-ils. Certes, le chef du bloc du Changement et de la Réforme refuse obstinément de s’aventurer dans une séance électorale dont le résultat ne serait pas tranché d’avance, rapportent des sources concordantes. Mais, à en croire des milieux du 8 Mars, des responsables du CPL tenteraient de le convaincre d’emprunter la voie du jeu démocratique, voyant dans l’appui de Saad Hariri une opportunité de remporter la course.
Comment expliquer, du reste, le fait que Saad Hariri accepte de soutenir son rival politique, Michel Aoun, sans que celui-ci ne soit en mesure de décrocher au préalable l’appui de son propre camp ?
Le principal motif de sa démarche serait d’épuiser la seule voie de déblocage qui lui soit offerte par le Hezbollah de manière à ôter au parti chiite tout prétexte supplémentaire de paralyser le scrutin, constatent des milieux politiques. La balle serait alors dans le camp du 8 Mars, le contraignant soit à se fixer sur un candidat, soit à lever le boycottage de la séance électorale afin que l’un ou l’autre de ses deux candidats soit élu.
Où situer dès lors la position récemment attribuée à Damas sur le dossier présidentiel, à savoir l’appui syrien à Michel Aoun à la magistrature suprême, assorti d’un veto contre Saad Hariri à la présidence du Conseil ?
Des sources du courant du Futur estiment qu’il ne faut pas se faire d’illusions : le veto syrien au leader du courant du Futur ne serait qu’un moyen de camoufler le refus du Hezbollah de débloquer le scrutin. Selon des sources de la Maison du Centre citées par l’agence al-Markaziya, le Hezbollah ne souhaiterait pas combler la vacance présidentielle de sitôt, mais « la décision a été prise d’exploiter jusqu’au bout (l’option Aoun) afin de mettre à nu les boycotteurs ».
En somme, le leader du courant du Futur aurait décidé d’appuyer Michel Aoun, en dépit du risque sérieux de compromettre sa popularité, avec la conviction que sa démarche a peu de chances d’aboutir. « Il n’aura rien à y gagner, mais beaucoup à perdre », constate une source du courant du Futur, peu convaincue de l’efficacité des tentatives d’embarrasser le Hezbollah.
Le CPL s’est toutefois vite activé à entretenir la perspective de l’élection de Michel Aoun. Lors d’un entretien télévisé en soirée, le député Alain Aoun a loué « la fidélité du Hezbollah, qui a tenu parole ». Il a laissé entendre que le député Walid Joumblatt élirait Michel Aoun, étant donné qu’il est près de faire l’objet d’une « unanimité ». « Il faudrait que toutes les parties soient incluses dans les ententes en vue », a-t-il ajouté, en évoquant les rencontres que le CPL projette d’avoir avec toutes les parties, à commencer par le président de la Chambre et les Marada. « Nous nous préparons de manière à ne pas faire de faux pas » avec ces deux composantes du 8 Mars, a-t-il dit. Confirmant enfin que les acteurs internationaux ont exclu le Liban de leurs préoccupations, surtout à la veille de la présidentielle américaine, Alain Aoun a indiqué que « nous aurons pour la première fois la possibilité de libaniser le scrutin ».
Séance législative demain
Alors que ces perspectives promettent encore de s’amplifier cette semaine, une séance législative (la première de la session ordinaire) pourrait se tenir demain avec la participation des Forces libanaises (FL) et du CPL. L’ordre du jour distribué samedi dernier aux députés, décidé à l’issue de la réunion du bureau de la Chambre lundi dernier, inclut le vote de cinq lois à caractère financier. Sachant que les FL et le CPL continuent de conditionner la relance du législatif à l’examen préalable d’une loi électorale, l’ordre du jour devrait inclure une clause relative au vote d’une nouvelle loi électorale. Les FL auraient demandé que cette proposition de loi soit revêtue du caractère de double urgence – de manière à justifier leur présence à la séance, rapporte une source parlementaire. L’insertion de cette clause serait donc de pure forme. En rapprochant à demain la séance législative, initialement prévue pour jeudi, le président de la Chambre aurait entendu assurer la tenue, jeudi, du Conseil des ministres.