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Berry persiste et signe devant les députés : Je ne voterai pas pour Aoun

 

LÉGISLATIF

Sandra NOUJEIM |

 

L’ouverture de la session parlementaire ordinaire hier a renvoyé des impressions mitigées.

Même s’il a repris son activité de législation après plus d’un an d’interruption, le Parlement est resté limité par la législation de nécessité. Des 21 projets et propositions de lois à l’ordre du jour (dont douze lois économiques – voir page 8), 19 ont fini par être votés en deux séances successives. Le principal enjeu a été d’éviter au Liban d’être classé sur la liste noire de l’OCDE. Et cet enjeu s’est accompli.
Le reste n’aura été que simulations de débats, dissimulant à peine les tensions sur la présidentielle, laquelle avance désormais à une vitesse qui dépasse certains députés, visiblement désemparés. L’appui formel du chef du courant du Futur Saad Hariri au général Michel Aoun a été quasiment confirmé par les milieux parlementaires, en même temps que s’est consolidée la persistance du président de la Chambre, Nabih Berry, à ne pas voter pour M. Aoun.
Aussi, le député Georges Adwan, membre du bloc des Forces libanaises, a-t-il tenu à prononcer un mot de courtoisie à l’adresse du président de la Chambre, à l’ouverture de la séance. Revenant sur les propos attribués la veille au ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, sur une alliance sunnito-maronite au détriment des chiites, M. Adwan a estimé que « l’atmosphère ambiante ne ressemble pas au président de la Chambre, que l’on connaît comme étant un homme de dialogue et d’ouverture, toujours prêt à faire face aux problèmes de nature confessionnelle ». Et de poursuivre : « J’espère que l’apaisement que vous incorporez à la table de dialogue et dans vos rapports avec toutes les parties sera maintenu, le pays ayant plus que jamais besoin d’une telle atmosphère. »

Berry « non inclus » dans le compromis sur la présidentielle
C’est une réponse calme mais ferme que donnera Nabih Berry : « Je vous remercie pour vos mots. Néanmoins, ce que vous me demandez implicitement de faire (un rapprochement avec Michel Aoun, ndlr), nécessitera qu’une autre personne, qui porte le nom de Nabih Berry, le fasse. Et ce ne sera pas moi. Du reste, la seule position que j’ai exprimée jusque-là est la suivante : en vertu de la Constitution, je me rendrai au Parlement. Nous nous rendrons à l’hémicycle et voterons selon notre conviction. J’ai dit que je ne voterai pas (pour Michel Aoun, ndlr) et que je rejoindrai l’opposition. Il n’y a rien de confessionnel dans mes propos. J’aurais aimé toutefois que certaines parties me contactent pour comprendre ma position. Si je voulais bloquer le scrutin, je l’aurai fait, mais notre bloc sera le premier à se rendre à la séance électorale » du 31 octobre. Pour sa part, le ministre Khalil a une nouvelle fois démenti les propos qui lui ont été attribués : « Je n’ai fait que dire mon refus des accords bilatéraux. Du reste, connaissant la méthode du président Berry, celui-ci sera le premier à tendre la main pour saluer Michel Aoun, si ce dernier est élu. »
Les milieux berrystes précisent « ne pas faire partie des ententes conclues sur la présidentielle jusqu’à présent ». Selon des sources indépendantes, le président de la Chambre aurait demandé de prolonger la durée des concertations, de manière que la séance électorale du 31 octobre soit reportée comme ses précédentes. Une demande qui semble être restée sans écho. Il y aurait comme une hâte, que les FL partagent avec le CPL, de faire élire M. Aoun. Mais que cette hâte contamine la Maison du Centre reste pour le moins incompréhensible. La retenue de certains députés du bloc du Futur, lorsqu’ils sont interrogés sur la présidentielle, en dit long. Il n’y aurait en effet aucune garantie, pour Saad Hariri, de ce que serait l’après-élection du chef du bloc du Changement et de la Réforme. Le Hezbollah aurait même « transmis à plus d’une partie qu’il soutiendrait Michel Aoun, mais pas Saad Hariri », selon une source indépendante. Pour l’instant, c’est l’appui de la Maison du Centre à Michel Aoun qui risquerait de porter un coup dur à la popularité du leader sunnite, et cela à quelques mois des législatives qui devraient « déterminer la configuration du prochain gouvernement », selon des milieux proches des concertations sur la présidentielle.
En attendant, les tours de passe-passe règnent.

Subterfuge de la loi électorale
Il y va de la manière dont les Forces libanaises et le Courant patriotique libre ont justifié hier leur présence à la séance législative, qu’ils avaient jusque-là conditionnée à l’examen préalable de la loi électorale : reconnaissant la nécessité d’approuver cinq lois financières urgentes pour « éviter au pays un danger » imminent, les deux blocs ont annoncé qu’ils n’allaient prendre part au vote que pour ces cinq lois et se réserveront de voter pour les clauses restantes de l’ordre du jour. Ce qui a conduit le ministre Ghazi Zeaiter à leur lancer une pointe dans la foulée des votes à main levée : « Attention, vous venez de voter une loi en dehors de votre liste… » L’autre justificatif avancé par les deux factions chrétiennes a été l’insertion présumée à l’ordre du jour de deux projets de loi électorale, qui devaient théoriquement être soumis au vote à la fin de la séance. Or l’ordre du jour de 21 clauses distribué aux médias hier n’incluait aucun projet de loi électorale et était plus réduit que celui distribué la veille aux députés. Il a fallu que le président de la Chambre, sollicité par des députés perplexes, explique que les lois électorales seront examinées à la fin de la séance en dehors de l’ordre du jour. Mais une fois achevé l’examen de la dernière clause de l’ordre du jour (relative à un projet d’amendement d’une loi sur la nomination d’enseignants d’écoles publiques, qui a été renvoyé en commissions), Nabih Berry a constaté que le quorum de la majorité absolue requis pour la tenue de la séance n’était plus satisfait et a décidé ainsi de lever la séance sans débattre des lois électorales. Un subterfuge visiblement consenti au préalable par toutes les parties. L’on ne saura pas d’ailleurs si le quorum ne s’était pas évaporé bien avant la fin de la séance…
Quoi qu’il en soit, à l’issue de la séance nocturne, les députés Adwan et Kanaan ont tenu une conférence de presse conjointe, se félicitant d’avoir permis, par leur participation, d’entériner cinq lois vitales pour le pays et s’engageant à œuvrer jusqu’au bout pour une nouvelle loi électorale.
Enfin, les débats ont prouvé les limites de la législation de nécessité. Des députés du bloc du Hezbollah ont contesté énergiquement la rapidité imposée à l’examen de certaines lois pourtant techniques et vitales pour le pays.

L’urgence contestée par le Hezbollah
S’attardant sur certaines des lois financières jugées urgentes, Nawaf Moussaoui a appelé à les examiner plus sérieusement en commissions. Visiblement soucieux de respecter les délais impartis par des instances internationales – comme le Forum mondial sur la transparence fiscale (un impératif jugé abusif par le bloc du Hezbollah) – le président de la Chambre fera en sorte que M. Moussaoui exprime ses remarques dans la durée des deux séances législatives, excluant catégoriquement l’option d’un recours aux commissions.
Outre les textes financiers, le Parlement approuvera : un amendement de la loi de défense nationale, qui élargit le champ des bénéficiaires des frais médicaux au sein de l’armée libanaise et des Forces de sécurité intérieure ; une loi exemptant des droits de succession les héritiers des victimes libanaises du crash de l’appareil d’Air Algérie ; un amendement de dispositions du code de la route, instaurant le système des plaques d’immatriculation numériques et l’arrêt de la production de plaques qui se démarquent des autres ; une loi visant à débloquer des fonds pour certains projets de réhabilitation et d’expropriation autour du fleuve du Litani, en vue de son nettoyage ; une loi pénalisant les coups de feu, dont les auteurs risqueraient une peine de prison allant jusqu’à trois ans ; une loi sur la création d’une autorité indépendante pour les droits de l’homme, comprenant un comité spécialisé dans la prévention de la torture.