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Michel Aoun serait élu aujourd’hui président dès le premier tour

Sandra NOUJEIM

« Tout est prêt. Les pires conditions matérielles sont excellentes. » (Extrait du Manifeste du surréalisme d’André Breton).

Sauf à associer deux mondes inégaux, la littérature à la politique libanaise – devenue une politique de circonstance –, l’on peut dire que les conditions de l’élection du chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun, à la présidence de la République sont « excellentes ».

Les pointages numériques indiquent que cette élection pourrait s’accomplir au premier tour de la séance électorale prévue aujourd’hui à midi, c’est-à-dire à la majorité renforcée des deux tiers des membres du Parlement, autrement dit 85 voix, considérant que les députés sont au nombre de 127 depuis la démission du député Robert Fadel.

Il est prévu en outre que les parlementaires soient présents dans leur totalité à l’hémicycle, y compris le député de Zahlé, Okab Sakr, du bloc du Futur, rentré hier soir à Beyrouth, et le député de Jezzine, Issam Sawaya (bloc du Changement et de la Réforme), perdu de vue depuis son élection en 2009.

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L’annonce samedi par le député Walid Joumblatt de son intention et de celle de « la majorité » de son bloc de soutenir Michel Aoun a d’ores et déjà donné à ce dernier un net avantage dans la course. Un avantage renforcé par le souhait, formulé samedi par le député Sleiman Frangié à ceux qui l’appuient, de voter blanc. Cette démarche a fini par neutraliser la course à la présidentielle : elle a ôté tout motif de vote en faveur de M. Frangié (par conséquent, le Baas – deux députés – et le Parti syrien national social – deux députés – ainsi que le député Talal Arslane ont déclaré leur intention de voter pour le fondateur du CPL, levant ainsi toute ambiguïté sur leur position). La démarche de M. Frangié a également mis dans le même panier tous les votes blancs (y compris les votes de ceux qui, comme les députés Kataëb, entendent voter blanc pour exprimer un double rejet de l’option Aoun et de l’option Frangié).

Par souci pour les indépendants opposés à Michel Aoun d’éviter cet amalgame, une idée aurait fait son chemin en fin de semaine de proposer une tierce candidature qui donnerait une visibilité à leur contestation.
Cette idée a toutefois vite avorté, la tendance politique manifeste étant au ratissage du chemin vers le mandat Aoun. Ainsi, les dissidences déclarées au sein du bloc du Futur, fixées initialement au nombre de cinq (avec possibilité de deux votes supplémentaires contre Michel Aoun), pourraient au final se réduire à deux ou trois votes dissidents sur les trente membres du groupe parlementaire, apprend-on de source informée.

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En outre, du côté du Rassemblement démocratique, il semble exagéré de prévoir plus de deux dissidences sur les onze membres du bloc joumblattiste, lequel tablerait sur une « unification de ses rangs » au commencement du nouveau mandat, précise à L’OLJ une source de ce groupe.

Ces votes s’ajoutent à ceux déjà acquis en faveur du fondateur du CPL, à savoir les vingt votes de son bloc, treize du Hezbollah, en plus du vote d’Émile Rahmé, de deux votes du Tachnag, de huit des Forces libanaises, et les votes de députés indépendants, comme Michel Pharaon et Mohammad Safadi. La somme de ces voix conduit à un minimum de 84.

En revanche, le groupe berryiste (treize membres), celui des Marada (trois) et les Kataëb (cinq) voteront blanc, et avec eux des figures indépendantes comme Nagib Mikati, Ahmad Karamé, Dory Chamoun, Boutros Harb, Michel Murr, Nayla Tuéni et peut-être Tammam Salam. Les orientations de vote de certains députés, comme Robert Ghanem et Nicolas Fattouche, restent incertaines.

Quoi qu’il en soit, la République est prête à cautionner l’investiture de Michel Aoun, pour des raisons qu’il est pour l’heure impossible de systématiser. Les grandes lignes du compromis Aoun seraient néanmoins les suivantes. D’abord, ce compromis n’aurait pu être sans un aval iranien, et cela indépendamment du fait que le Hezbollah ait été mis au pied du mur par l’appui inattendu de Saad Hariri à Michel Aoun. L’Iran aurait à y gagner une couverture institutionnelle au Hezbollah dans un pays désormais mieux préservé des remous régionaux.

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Pour sa part, l’Arabie maintiendrait une position constante, réitérée par son émissaire, le ministre Thamer Sebhan, lors de sa tournée politique exhaustive au Liban : toute démarche visant à relancer les institutions au Liban est louable, et les responsabilités des uns et des autres seront mesurées « à la lumière de leurs engagements préalables », rapporte une source informée. Il y aurait donc un consentement irano-saoudien à débloquer la présidentielle sans que cela ne soit une solution durable irano-saoudienne pour le pays. L’un des enjeux du nouveau mandat sera d’éviter toute démarche susceptible d’être interprétée comme une victoire d’un camp sur l’autre. Le discours d’investiture de M. Aoun pourrait ainsi se focaliser sur un programme de redressement socio-économique du pays, selon nos informations.

Mais l’équilibre du nouveau mandat reste fragile, tant il existe des enjeux internes qui dépassent la présidence de M. Aoun. Il y a entre autres l’enjeu pour le Hezbollah de réparer ses rapports avec Amal. « Nous soutenons Michel Aoun jusqu’à lundi (aujourd’hui) treize heures. Après cela, nous serons du bord de Nabih Berry », aurait ainsi confié un cadre du Hezbollah. Comprendre qu’il ne participera au gouvernement que si Nabih Berry accepte d’y participer. En contrepartie, des milieux du courant du Futur confient que tout blocage éventuel de la formation du cabinet ne ferait du tort qu’au président de la République, lequel s’en retrouverait paralysé. On a en somme l’impression qu’après la séance d’aujourd’hui, toutes les parties pourront se payer le luxe d’attendre… à l’exception du chef de l’État.