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L’attentat à Lattaquié, hier, est « une méthode terroriste courante » et un « signe de faiblesse »

 

Un attentat à la voiture piégée a eu lieu hier dans la ville de Lattaquié, bastion du régime syrien, faisant 10 mort et 25 blessés. Suite aux échecs successifs de leurs tentatives de franchir les lignes de défense de la ville tenue par les troupes loyalistes, les groupes rebelles se sont installés dans les collines et procèdent habituellement à des tirs de roquettes. Mais selon l’Observatoire des droits de l’homme (OSDH), cet attentat à la voiture piégée est « le plus important à Lattaquié depuis le début de la guerre ». Majed Nehmé, spécialiste du Moyen-Orient et directeur de la Revue Afrique-Asie, analyse les implications de cet acte sur le rapport de force en cours.

Les rebelles syriens positionnés autour de Lattaquié sont parvenus à faire exploser une voiture piégée à l’intérieur de la ville, fait rare jusque-là dans ce bastion du régime, tenu comme une forteresse. Cela veut-il dire que les défenses de la ville ont été affaiblies ?

Non, la preuve étant que cet attentat n’est pas un acte militaire de guerre, mais un acte terroriste par excellence qui illustre bien qu’il n’y a pas eu de changement dans le rapport de force local. Il faut revenir à la source ; c’est une méthode terroriste courante, qui montre davantage la faiblesse des groupes rebelles que leur force. Et ce n’est pas la première fois que nous assistons à cela, il y a eu des précédents, notamment à Hama et à Homs.

La province de Lattaquié est à majorité sunnite, et accueille près de 750 mille réfugiés venant du Nord, d’Alep, d’Idleb et de Homs, ainsi que des familles des combattants de l’opposition. Quelles sont les implications de cette configuration très particulière ?

Cette situation nous invite à une relecture du conflit en termes politiques et géopolitiques, et non plus en fonction d’une grille interprétative confessionnelle. Dès le début, on accrédite l’idée d’un régime confessionnel alaouite confronté à une majorité sunnite. Des configurations comme celles de Lattaquié majoritairement sunnite et fief du régime montrent la futilité de ces raisonnements. Le village de Kassab dont la principale composante est arménienne a été occupé par les groupes d’opposition avant d’être repris par le régime. Il faut rester dans des considérations politiques et tenir compte des enjeux de puissances.

Le scénario d’une prise de Lattaquié est-il réaliste en l’état actuel du rapport de force en Syrie ?

C’est un scénario qui est totalement exclu. Il impliquerait d’unifier les rangs de l’opposition, il faudrait l’approbation tacite des Russes, sans compter que ce n’est pas un terreau favorable à l’opposition. Rappelons que Lattaquié recouvre une importance stratégique majeure, et elle est le principal débouché maritime extérieur et voie d’approvisionnement du régime. La défense de Lattaquié est fondamentale, elle ne tombera que si Damas tombe.