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Gouvernement : la Justice, dernier obstacle avant le dénouement ?

Yara ABI AKL

Le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a assuré hier que son gouvernement verra le jour cette semaine. Dans une déclaration à la MTV, M. Hariri a tenu à affirmer qu’en dépit de « légers obstacles », il mettra sur pied un cabinet d’union. Les propos du Premier ministre confirment que les Forces libanaises prendront part à son équipe. D’ailleurs, le leader des FL, Samir Geagea, a indiqué hier à la Radio Liban libre qu’il pourrait se rendre prochainement à Baabda pour un entretien avec le président de la République, Michel Aoun. Une façon pour le locataire de Meerab de réaffirmer que la formation du gouvernement relève de la compétence de MM. Aoun et Hariri, et non du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Mais, justement, il semble qu’au moins un « léger obstacle » persiste : il touche l’attribution du ministère de la Justice. Un bras de fer oppose le parti de Samir Geagea au Courant patriotique libre et à Baabda autour de ce portefeuille. À ce sujet, des informations ont circulé hier dans divers milieux politiques, selon lesquels ce portefeuille relèvera de la quote-part des FL, comme le veut M. Geagea. En face, dans les milieux proches de la présidence, on indique à L’Orient-Le Jour que les choses s’orientent de manière à garder ce poste entre les mains du président de la République, Michel Aoun. On assure aussi que le président gardera également le portefeuille de la Défense. Des informations qu’un cadre FL préfère ne pas commenter, se contentant de faire savoir que les contacts se poursuivent et que « des propositions sérieuses » sont actuellement au centre des tractations. « Celles-ci se déroulent dans une atmosphère positive », ajoute ce proche de M. Geagea.

Un peu plus tôt dans la journée, Georges Adwan, député FL du Chouf, avait assuré que son parti a reçu une proposition concernant le ministère de la Justice. Selon notre correspondante Hoda Chedid, lors de sa rencontre avec M. Hariri mercredi à Baabda, Michel Aoun s’est dit prêt à faciliter la formation du cabinet, si le ministère de la Justice est le dernier obstacle à franchir. Le Premier ministre a donc proposé aux FL ce portefeuille, ainsi que la vice-présidence du Conseil, les Affaires sociales et la Culture.

Un différend tout aussi important oppose le CPL aux Marada de Sleiman Frangié, ce dernier étant toujours attaché au portefeuille des Travaux publics. Dans une interview accordée à la MTV, M. Frangié a estimé hier soir que le partage des quotes-parts gouvernementales est devenu « une bataille sans quartier ». « Je ne participerai pas au gouvernement si je n’obtiens pas les Travaux publics », a-t-il de plus lancé, tout en se montrant confiant de l’appui de ses alliés, notamment le Hezbollah, sur ce plan (voir par ailleurs).

Les sunnites du 8 Mars

Pour ce qui est des autres nœuds qui entravaient jusqu’ici le processus gouvernemental, et plus précisément de la représentation des sunnites anti-haririens, il semble que la question est en passe d’être réglée de manière qui satisferait à la fois Baabda et la Maison du Centre. Le Premier ministre désigné avait opposé très tôt un veto catégorique à la représentation de ses opposants au sein de son équipe. Il a toutefois renvoyé la balle dans le camp du chef de l’État, qui est appelé à nommer, parmi les ministres qui lui reviennent, un de confession sunnite, en échange de quoi Saad Hariri est supposé obtenir, dans son lot, un ministre chrétien.

Dans les milieux proches de Baabda, on est soucieux de préciser que le chef de l’État ne choisira pas une personnalité susceptible d’être « provocatrice » pour le courant du Futur. Dans quelques cercles politiques, on avance déjà le nom de Fadi Assali, PDG de la Cedrus Bank. Commentant cette perspective, Abdel-Rahim Mrad, député de la Békaa-Ouest et un des parlementaires sunnites proches de Damas, déclare à L’OLJ : « Le président de la République a le droit de nommer qui il veut. Et cela ne nous pose aucun problème. » Mais M. Mrad ne s’arrête pas là. Amer, il reproche ouvertement à son puissant allié, le Hezbollah, de n’avoir pas exercé suffisamment de pression pour faire représenter la mouvance sunnite anti-haririenne au sein du cabinet. « Ce sont nos alliés qui devaient exercer un forcing pour nous y intégrer », déplore-t-il.

La position des Arméniens

Sur le front interdruze, il n’y a pas eu hier de développement marquant. En revanche, les représentants des partis arméniens, réunis à l’archevêché arménien-orthodoxe à Antélias, se sont rappelés au bon souvenir des principaux protagonistes en faisant valoir que dans un gouvernement de trente, la communauté arménienne est supposée obtenir deux ministères et non pas un seul comme cela semble être le cas dans les tractations en cours. On estime cependant, dans divers milieux politiques, qu’il s’agit là d’une position de principe qui n’irait pas jusqu’à entraver la formation du cabinet.Interrogé par L’OLJ, Hagop Terzian, député Tachnag de Beyrouth, explique toutefois que son parti, ainsi que les autres formations arméniennes, ont toujours plaidé pour la représentation des Arméniens au sein du cabinet, « dans la mesure où il s’agit d’une composante essentielle du tissu politique libanais ». « Cela est notre droit et nous ne ferons aucune concession sur ce plan », assure M. Terzian, tout en précisant que « les deux ministres en question devraient être arméniens-orthodoxes ». Il a également insisté sur la représentation des minorités, rappelant que les Arméniens ont été les premiers à plaider pour celles-ci.