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Lorsque altruisme et égoïsme font bon ménage…

Michel HAJJI GEORGIOU |

Dans une optique institutionnelle nationale, y a-t-il plus important que d’élire un président de la République ? La continuité et le dynamisme des institutions politiques, par opposition au vide et à la stagnation, ne sont-ils pas le meilleur garant de la sanctuarisation du Liban face aux multiples dangers potentiels, fussent-ils celle d’une éventuelle guerre israélienne à la lumière de l’offensive de l’État hébreu sur Gaza ou d’une déflagration sécuritaire importante en raison du conflit sunnito-chiite en Syrie et en Irak ?

Dans une optique chrétienne préoccupée par l’avenir de la communauté à la suite de l’exode de ses fidèles de Mossoul, le meilleur moyen de revitaliser et raffermir la présence chrétienne au Liban ne serait-il pas de contribuer à l’élection d’un président de la République, seul poste chrétien de responsabilité à ce niveau dans le monde arabo-musulman ?
Partant, au nom de quel paradoxe affligeant peut-on prétendre vouloir la neutralité du Liban et les intérêts de la communauté chrétienne, d’une part, et boycotter, de l’autre, les séances électorales successives afin d’élire un président de la République ?
C’est cette question plutôt anachronique que se posent certains observateurs avisés à la suite de la Journée de solidarité avec Gaza et les chrétiens de Mossoul organisée à l’initiative du président de la Chambre samedi – lequel n’a même pas bronché, tout fier de tenir sa séance de solidarité, dans un oubli frappant de ses responsabilités à l’égard de l’élection présidentielle –, surtout compte tenu des discours retentissants, dans l’hémicycle, de certains parangons des « droits des chrétiens » et principaux obstacles à l’élection du président.
L’altruisme (bienvenu) le plus total peut donc faire bon ménage avec l’égoïsme systématique. Un paradoxe à rendre dubitatif Kierkegaard lui-même !

Raï

La scène a d’ailleurs frappé le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, qui a associé hier les deux images dans son homélie dominicale à Bkerké.
« Qu’elle était belle, la vue du Parlement réuni pour exprimer sa solidarité avec les citoyens de Gaza et les chrétiens de Mossoul, en présence de tous les blocs parlementaires ! Qu’est-ce qu’elle serait encore plus belle encore s’il se réunissait en présence de tous ses membres pour exprimer sa solidarité avec la République et sa présidence en élisant un nouveau chef de l’État ! » a affirmé le patriarche, accusant les députés de violer les articles 73, 74 et 75 de la Constitution relatifs à l’élection présidentielle.
« Le plus grave, c’est le fait de se passer de président, dans une tentative de l’oublier et de le considérer comme non nécessaire, alors qu’il représente la tête de la hiérarchie. Cela cache une volonté de détruire l’entité étatique à des fins cachées. Il est désormais clair que le 14 Mars ne veut pas un président du 8 Mars, et vice versa. Il faut donc élire un président qui n’appartienne pas à l’un des deux camps, et il y a beaucoup de personnalités maronites dignes d’être président. Pourquoi donc les marginaliser et les occulter ? » a-t-il ajouté.
Le patriarche avait d’ailleurs fait l’objet samedi d’une attaque du député du Courant patriotique libre, Ziad Assouad, qui avait jugé ses propos à l’encontre des députés qui boycottent les séances électorales « inacceptables ». Mgr Raï avait, la semaine dernière, rappelons-le, dénoncé les intérêts personnels et partiels de certains députés au plan interne ainsi que les liens malheureux d’autres avec des parties externes.

Le maître de Bkerké avait également dénoncé les effets retors du quorum des deux tiers, qui a conduit, a-t-il dit, à paralyser l’échéance présidentielle. Mais des experts auraient conseillé au prélat maronite de ne pas trop s’aventurer sur ce terrain miné, compte tenu des multiples dangers qu’il comporterait pour la formule libanaise, notamment « le risque d’une élection présidentielle par une majorité de députés musulmans aux dépens des intérêts chrétiens », ou encore « l’affaiblissement, au plan symbolique, de la fonction présidentielle si le chef de l’État n’est pas élu aux deux tiers ».
Qu’à cela ne tienne, le patriarche serait déterminé – « avec l’aval du Vatican », dit-on – à jeter le pavé dans la mare et à bousculer les consciences jusqu’au bout jusqu’à obtenir gain de cause. Le ministre du Futur Nabil de Freige s’est d’ailleurs rallié à sa cause hier en affirmant que « l’élection d’un président avec le quorum de 65 voix reste meilleure qu’une situation de vide latente ».

Nasrallah-Joumblatt

Dans ce contexte de tentatives de creuser une meurtrière d’espoir dans la muraille, le chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt, a rencontré le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, en présence du responsable sécuritaire du parti, Wafic Safa, selon un communiqué du bureau de presse du Parti socialiste progressiste. L’entretien a porté sur Gaza, l’Irak, la redynamisation de l’action du cabinet au plan local, la nécessité de consolider le climat de stabilité et de sécurité au plan interne par un attachement à l’unité interne, ainsi que celle d’élire un président de la République au plus vite, selon ce communiqué. Un début ?