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Masri rend publiques les trois conditions de l’EI pour « garder seulement les otages en vie »

L’on se demandait bien où avait disparu cheikh Wissam al-Masri, le prédicateur salafiste de Tripoli qui s’était imposé en sauveur auprès des familles des militaires pris en otage, multipliant les promesses et assurant qu’il était « capable de réussir là où les autres ont échoué ». Hier, le cheikh a refait surface. Même s’il n’a pas réussi à être mandaté officiellement par le gouvernement qui n’a pas trop pris au sérieux sa soudaine apparition sur scène, cheikh Masri a effectué hier une seconde visite auprès des ravisseurs dans le jurd de Ersal. Cette fois, pourtant, il n’est pas revenu avec une vidéo sanguinolente lourde de menaces, mais bien avec une liste des revendications du groupe État islamique pour libérer ses otages et qu’il a livrée aux proches, place Riad el-Solh.
Lors d’une conférence de presse, le cheikh salafiste a précisé que les représentants du groupe jihadiste lui ont assuré que leur bataille n’est pas contre l’armée ni l’État libanais, mais contre le Hezbollah qui interfère, selon eux, dans leurs affaires. Il a par la suite énuméré les trois conditions de l’EI pour libérer les militaires que le groupe détient, avant que les parents des otages n’assurent à L’Orient-Le Jour que ces conditions visent seulement à garder les otages en vie et en sécurité, et non pas à les libérer.

Trois conditions
En premier lieu, il s’agirait de garantir la protection des réfugiés syriens contre les agressions du Hezbollah par la création d’une zone tampon démilitarisée qui s’étendrait de Wadi Hmayed, dans le jurd de Tfeil, jusqu’à Ersal. Ensuite, les jihadistes demandent que leur soit fourni du matériel médical pour un hôpital de campagne comprenant un stock de médicaments pour soigner les blessés atteints lors des attaques menées par le Hezbollah. Enfin, ils revendiquent la libération de toutes les femmes musulmanes détenues dans les prisons libanaises en relation avec le dossier syrien. Cheikh Wissam al-Masri a en outre rapporté que l’EI s’engage à suspendre les exécutions des otages en échange de la libération de Saja al-Doulaïmi, ex-épouse du chef de l’EI Abou Bakr al-Baghdadi, et de Ola al-Oqaïly, l’épouse du jihadiste Anas Charkas, détenues actuellement par les autorités. Des propos qui prêtent à confusion et qui laissent encore croire que les trois revendications principales visent à aboutir à la libération des otages.
Pour préserver la vie des militaires, par ailleurs, l’EI exige également que le point de passage de Wadi Hmayed reste ouvert, a assuré cheikh Masri. Ces derniers jours, l’armée a renforcé ses mesures de sécurité, bouclant plusieurs points de passage après avoir été la cible de plusieurs attentats et attaques dans la région du jurd de Ersal. Le resserrement de l’étau visait en outre à mettre un terme à la pratique de la prise d’otages à l’intérieur de la localité de Ersal, devenue monnaie courante depuis quelque temps. Seules deux voies sont restées ouvertes et praticables, celles de Wadi Hmayed et de Massiadé, afin de faciliter la tâche aux habitants de Ersal qui cherchent à rejoindre leur lieu de travail dans le jurd.
La liste des revendications de Masri, si elle était certifiée, aurait apporté du nouveau puisqu’elle ne mentionne pas un éventuel échange entre les otages et des islamistes détenus à Roumieh. C’est dans ce cadre que les parents d’otages ont tenu à rappeler que l’échange est encore nécessaire pour la libération de leurs fils. Hussein Youssef, père d’un des otages, continuait d’affirmer hier que « nous n’entendons plus de voix qui s’opposent à l’échange ». La tournée des parents auprès de nombreux responsables a, en effet, servi à rallier à leur cause la majorité des partis, sans qu’aucun leader n’assure explicitement, depuis, qu’il est contre l’échange. Que Daech renonce aujourd’hui à l’échange après le soutien de nombreuses parties au sein du gouvernement serait en effet plus que suspect.

 

Des réactions pas très enthousiastes
Réagissant aux annonces du cheikh salafiste, les familles des militaires ont dit encourager toute personne qui souhaiterait régler le dossier, mais seulement en vertu d’un mandat officiel de la part de l’EI et du Front al-Nosra. Elles ont dans ce contexte appelé les jihadistes à annoncer officiellement le nom du médiateur direct avec qui ils veulent négocier, estimant que « c’est le chaos total car nous ne sommes au courant de rien ». En effet, le vice-président du conseil municipal de Ersal, Ahmad Fliti, avait indiqué il y a une dizaine de jours avoir été mandaté par le ministre de la Santé Waël Bou Faour en tant que médiateur dans les négociations. M. Fliti avait lui aussi indiqué s’être rendu dans le jurd et avoir rencontré les jihadistes de l’EI qui auraient, selon lui, accepté sa nomination en tant que médiateur. Au moment de l’entrée en scène de cheikh Masri, pour rappel, des parents d’otages avaient assuré qu’ils n’étaient pas très optimistes au sujet de l’initiative du cheikh salafiste. « Le succès de cheikh Masri n’est pas sûr, confiait Nizam Mghayt, frère du soldat enlevé, Ibrahim, à L’Orient-Le Jour. Nous ne savons pas vraiment d’où il est sorti et c’est cela qui nous inquiète. »
Hier, Nizam Mghayt a soulevé une nouvelle fois des interrogations concernant le rôle de cheikh Masri et du timing de son apparition. « Nous ne comprenons pas d’où il sort et nous demandons aux autorités de nous confirmer s’il joue effectivement le rôle de médiateur, a-t-il déclaré à L’Orient-Le Jour. Pourquoi nous a-t-il présenté la liste de Daech au lieu de la remettre aux autorités ? Est-ce nous qui allons lui fournir un matériel médical ou l’État ? Que les responsables répondent à nos questions si, bien sûr, ils sont encore au Liban pour fêter le Nouvel An ! »