Entamer un article avec un titre pareil, c’est quasiment loger beaucoup de monde à la même enseigne, c’est condamner toutes les personnes concernées à l’opprobre définitif sans espoir de rémission. Tous menteurs ? Il suffit de les écouter au fil des jours, au fil de longs mois d’atermoiements, de revirements, de langues de bois, pour désespérer de tous et de leurs dieux, pour mettre un grand X sur les promesses réitérées et jamais tenues, sur les harangues explosives qui ne sont que de la poudre aux yeux.
Finalement, seuls les taiseux trouvent grâce à nos yeux, ceux qui savent garder le silence quand les autres éructent et vocifèrent. Le pays se déglingue, les institutions se désintègrent, un vide sidéral engloutit les derniers remparts du droit… Les experts du verbiage et du délire cérébral continuent, eux, de nous seriner les éternels bobards, les bla-bla sirupeux qui trouvent encore des oreilles attentives pour en faire des « morceaux d’anthologie »…
Inutile d’entrer dans les noms : les discours sur la présidentielle, les « fuites » téléguidées sur l’état de fonctionnement du Conseil des ministres, les échanges « hautement académiques » sur les raisons de la léthargie parlementaire confirment, chaque jour un peu plus, qu’au pays de l’alphabet universel, au pays de Gebran Khalil Gebran et de Michel Chiha, de Riad el-Solh et de Béchara el-Khoury, pour ne citer qu’eux, les géants ont cédé la place à des pantins, et qu’aux grands esprits ont succédé les bonimenteurs et les dépeceurs de la République.
Est-il seulement imaginable, alors que les barbares sont déjà parmi nous et qu’ils décapitent, trucident, assassinent en toute impunité, que l’État reste assujetti aux comptes d’apothicaire et aux tambouilles d’une classe politique qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, un nez qui grossit, grossit à en exploser ? Une classe politique qui n’envisage l’avenir qu’à travers l’accomplissement d’ambitions personnelles et de visées bassement ponctuelles ?
Est-il seulement concevable, alors que le Hezbollah a réussi le remarquable exploit (sic) d’introduire sur le sol libanais, dans le vaste jurd de Ersal, les barbares qu’il s’est enorgueilli d’avoir chassés du Qalamoun syrien, que le même Hezb s’entête à poursuivre sa bataille au cœur même d’une Syrie éclatée, implosée en mille morceaux, aux côtés d’un régime lui-même voué aux gémonies, accusé des pires crimes de ce début de siècle ?
Que dire du cancer qui mine le Liban, de cette montée dangereuse du communautarisme, de cette haine avouée, difficilement contenue, qui ronge, qui consume l’islam libanais et qui n’est que la conséquence des équipées tragiques menées en Syrie ? Que dire des conséquences dans les régions à population mixte de la tuerie échelonnée pratiquée par les preneurs d’otages, des décapitations ciblées destinées à libérer les soifs de vengeance et les instincts meurtriers, des enlèvements et contre-enlèvements qui salissent encore plus le pays? Que dire des centaines de milliers de réfugiés syriens pris dans l’engrenage du « mal libanais » et qui répercutent sur place tous les tourments et toutes les déchirures qui les ont contraints à l’exil ?
Y a-t-il quelqu’un dans la République pour prendre vraiment conscience des périls qui nous menacent de toutes parts, ou faut-il admettre que les dirigeants à tous les niveaux ne contrôlent plus rien et que même au niveau des services publics les plus élémentaires (eau, électricité, état des routes, etc.), ils ne sont même pas en mesure de remédier au laisser-aller général ?
Quant à ceux qui critiquent les dirigeants de l’État et qui se posent déjà en « hommes du destin », en « sauveteurs » de la République, on les a déjà vus à l’œuvre : dans leurs camps retranchés, ils émettent oukases sur oukases, exclusives sur exclusives, et ne cachent pas leur ambition : la République se fera à leur image ou ne sera pas…
Insolents, menteurs, bonimenteurs… et vogue la galère !