L’étape libanaise de la tournée régionale du président François Hollande aura permis de réaffirmer, une fois de plus, une réalité historique indéniable et de mettre en relief, parallèlement, un fait significatif conjoncturel lié au contexte libanais actuel.
En prenant bien soin d’entamer son voyage moyen-oriental par un passage à Beyrouth – qualifié de simple « visite de travail » pour bien marquer le refus de la vacance présidentielle – le chef de l’État français a tenu à illustrer l’intérêt certain qu’il porte personnellement au Liban et le soutien permanent de la France au pays du Cèdre. La crise libanaise est en effet reléguée aux oubliettes par les principaux acteurs régionaux et internationaux impliqués dans l’ouragan suscité par les différents soulèvements arabes.
Entre le cynique « laisser-faire-laisser-aller » américain de Barack Obama, l’expansionnisme destructeur de l’Iran (articulé sur l’arrogance et le comportement milicien du Hezbollah), le sursaut d’autorité militaro-politique de la Russie de Poutine, la nouvelle ligne de conduite colérique de l’Arabie saoudite et les angoisses existentielles de l’Union européenne face au déferlement incontrôlé des immigrants clandestins, le pays se retrouve pratiquement abandonné, seul dans sa tourmente.
C’est à l’ombre de cette sombre conjoncture que le président François Hollande a voulu exprimer par son passage à Beyrouth un appui constant au Liban-message, à son pluralisme, à ses forces armées légales, au redressement de ses institutions constitutionnelles, à commencer par la présidence de la République. Autant de positions de principe qui pourraient être perçues par les libano-sceptiques comme de beaux discours de complaisance. Sauf que les cercles diplomatiques français présentent la visite du président Hollande comme le début d’une dynamique diplomatique que l’Élysée se propose d’entretenir avec persévérance afin de tenter (ne fût-ce que « tenter », et c’est déjà beaucoup) de réintroduire la crise libanaise dans l’agenda des décideurs qui sont partie prenante aux bouleversements en cours au M-O. En clair, et en harmonie avec les relations bilatérales ancrées dans l’histoire, le président Hollande souligne sa volonté de se faire l’avocat du Liban auprès des instances régionales et internationales, refusant le cercle vicieux du fait accompli imposé au pays du Cèdre. Telle était en définitive, au-delà de l’aide concrète, la véritable portée de la visite du chef de l’État français.
Mais cette visite aura été marquée aussi, au plan strictement local, par un fait significatif peu commun : la prolifération des « lettres ouvertes » adressées au président Hollande par de multiples forces vives et personnalités de la société civile. Pris en otage politiquement et militairement par le Hezbollah, impliqués contre leur gré par l’Iran dans le conflit syrien, et face à la déliquescence rampante de la vie politique à tous les niveaux, les Libanais se sentent en quelque sorte orphelins. D’où le réflexe et leur empressement à s’adresser au président français comme pratiquement la seule voie de recours dans le contexte présent. De mémoire, aucune visite d’un dirigeant étranger – hormis sans doute celle de Jean-Paul II, à l’époque de l’occupation syrienne – n’aura suscité autant d’appels au secours. Preuve du profond désarroi dans lequel se débattent désespérément les Libanais.
Depuis le début de la crise libanaise, au milieu des années 70, les Libanais sont ballottés entre déceptions et faux espoirs. Dans l’actuelle conjoncture géopolitique, la France, certes, n’est pas seule maître du jeu dans cette région frappée de plein fouet par la montée aux extrêmes. Mais le président Hollande a, au moins, le mérite d’entretenir contre vents et marées la flamme de l’espérance en un déblocage qui se fait un peu trop attendre.