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Michel Aoun éreinté par ses alliés mêmes

 

 

Fady NOUN 

Pendant qu’à Bickfaya, Élias Abou Saab (CPL) s’empêtrait dans ses phrases – ce qui n’arrive pas souvent –, contournant comme il peut le refus du parti Kataëb de voter pour Michel Aoun à la prochaine échéance présidentielle (31 octobre), ce dernier a fait l’objet de deux violentes attaques de la part de ses alliés du 8 Mars, les Marada et le mouvement Amal. La voiture télécommandée aux roues orange postée de Zghorta a fait rire la République. Le discours d’un haut responsable d’Amal Khalil Hamdan, à Nabatiyé, accusant Michel Aoun de « tromperie », a dû faire rire jaune le général.

Désavoué par les Kataëb, le mouvement Amal, les Marada et le président Michel Sleiman, le fondateur du CPL voit ses chances d’être élu un peu plus compromises chaque jour. La balle est dans le camp de Saad Hariri, s’obstine à affirmer le Hezbollah, qui ne bouge pas le petit doigt pour entraîner l’adhésion du mouvement Amal à son option en faveur de Michel Aoun. « Pourquoi ? » s’obstine à répondre Saad Hariri, qui s’emploie à renvoyer la balle au parti de Hassan Nasrallah.
Dans les milieux du CPL, ce n’est pas un ballon, mais Saad Hariri, qui effectue sa seconde tournée des capitales étrangères, que l’on attend, pour savoir à quoi s’en tenir. Selon des sources fiables, le chef du courant du Futur, qui se trouve en ce moment dans la capitale française, aurait déjà obtenu un « oui » condescendant de l’Arabie saoudite, elle-même en mauvaise posture aux yeux de l’opinion internationale. « Faites ce qui conviendra », aurait compris Saad Hariri, qui n’a pas été reçu par le roi Salmane, dans une Arabie saoudite dont le centre de décision est en ce moment sinon conflictuel, du moins dispersé.
On ajoute, de source informée, que si M. Hariri se rend si souvent en Arabie saoudite, ce n’est pas toujours pour des raisons de haute politique, mais pour veiller à ses intérêts économiques.
Il reste que le chef du courant du Futur, qui a vu jeudi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, semble partager l’avis de la France, qui estime que le Liban est sous pression à tous les points de vue, et notamment économique, et assure qu’il a besoin d’un président « au plus vite ».

Hariri joue son sort politique
Le CPL, toutefois, loin de nourrir une quelconque gratitude envers Saad Hariri, estime que ce dernier fait en réalité son intérêt. Certes, Michel Aoun reconnaît que M. Hariri, quoique affaibli politiquement et économiquement, reste le leader de la communauté sunnite, et qu’il est donc normal de prendre langue avec lui. Mais il affirme, tout aussi crûment, que M. Hariri n’a pas le choix et qu’à travers son appui à Michel Aoun, c’est le sort de sa carrière de futur Premier ministre qu’il joue.
Mais Michel Aoun ne se fait pas d’illusion sur la discipline de vote des membres du bloc parlementaire du courant du Futur, dont certains, il le sait, le détestent cordialement. Il pense en fait qu’il ne peut vraiment compter, pour l’élection présidentielle, que sur les votes de Saad Hariri lui-même et de Nouhad Machnouk, et estime que cela suffit. Il pourrait se tromper.
Une constante se dégageait hier de tous les contacts engagés : la nécessité impérieuse de se rendre place de l’Étoile et de voter, ce 31 octobre. Cela a été dit clairement par le responsable d’Amal Khalil Hamdan, depuis Nabatiyé et tout aussi clairement par Walid Joumblatt, dans une série de tweets.
La cérémonie de Nabatiyé appelle quand même un commentaire. Elle a donné lieu à un défilé paramilitaire en règle, qui rappelle ceux que le parti Kataëb organisait dans les années glorieuses du mandat français. Sommes-nous donc sous un nouveau mandat ? Et à quelle commémoration le CPL sera-t-il en droit de pouvoir manifester, aux yeux du mouvement Amal si sourcilleux sur le pacte national ?
On voit l’incohérence et le désordre qui marquent notre vie nationale, ce qui ne fait que souligner la justesse des propositions de M. Joumblatt. Mettons fin au cycle des objections et contre-objections, et rendons-nous à l’hémicycle pour voter, a-t-il lancé, assortissant ses conseils de mises en garde économique et financière, et parlant du « désordre mondial ». En toile de fond de quelques tweet, on notait un guichet de banque devant lequel un homme étalait des liasses de billets dévalués. Menace réelle ? Ruse politique ?